Naufrage du Comte de smet de Nayer (8) - vendredi 12

Récit et digression du jour:
Les premières réactions suscitées dans le monde politique belge - 4 jours après le naufrage., telles qu'extraites d'un site belge relatant les séances de la chambre des députés entre 1844 et 1999.

Chambre des représentants séance du 23 avril 1906.
Lecture à la Chambre de 2 télégrammes.
Le premier est de M. le comte de Lalaing, ministre de Belgique à Londres; il est ainsi conçu :
Londres, 22 avril, 9 h. 58 m.
« Le Bureau Lloyd m'annonce ce soir qu'un bateau français passant Prawle-Point dimanche a signalé qu'il a recueilli équipage naufragé du bateau-école belge Comte de Smet de Naeyer. »
Le second télégramme est du gouverneur de la province d'Anvers :
Je vous transmet pour gouverne indications suivantes que je viens de recueillir concernant bateau-école Comte de Smet de Naeyer : Association maritime belge n'a reçu aucune nouvelle. Télégramme du Lloyd doit cependant être considéré comme sérieux et implique que tout le monde est sauvé. Barque française Dunkerque ne pourra arriver au port de Dunkerque avant demain matin; d'ici là on ne recevra probablement plus de nouvelles. »
Nous devons donc, messieurs, attendre jusqu'à demain pour être plus amplement informés.
Je n'ai pas besoin de dire combien cette triste nouvelle a ému le gouvernement.
Les qualités nautiques du navire et la compétence de son équipage avaient été prouvées par son premier voyage, qui l'avait amené à doubler deux fois le cap Horn. Il doit donc s'agir ici, d'un de ces sinistres contre lesquels la prudence humaine ne peut prémunir les navigateurs.
Il semble donc exact que l'équipage du Comte de Smet de Naeyer a été sauvé et je m'en réjouis.

Séance du 24 avril 1906.

COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT.
M. Francotte, ministre de l'industrie et du travail :
« Messieurs, le premier télégramme parvenu au gouvernement permettait de croire que la catastrophe dans laquelle a sombré le navire-école n'avait coûté la vie à personne. Les derniers télégrammes semblent devoir enlever beaucoup des espérances premières. Je vais en donner lecture à la Chambre.
Le premier télégramme est signé du ministre de Belgique à Londres et est ainsi conçu :
« Capitaine et 55 de l'équipage noyés. Renseignements de Douvres Lloyds. »
Le second télégramme, émane de l'Association maritime ; il porte :
« Venons de recevoir grave nouvelle suivante par entremise Lloyds Dungeness télégraphie voilier Dunkerque signale navire-école belge coulé dans golfe Gascogne. Recueilli 26 personnes. »
La liste des 26 personnes m'a été communiquée ce matin par téléphone et j'en reçois à l'instant la confirmation télégraphique, 12 des cadets ont été sauvés. Leurs noms sont les suivants : Van den Berghe, Beelaerts, Ulser, Dubois, Netels, Hayez, Veys, Paquay, Meulemeester, Sacré, Glérin et Connerade.
Les officiers et professeurs sauvés sont : MM. Wenmaeckers, Célis, Van der Plasse, Van den Bossche, docteur Molitor.
Enfin les hommes de l'équipage sauvés sont les nommés Van de Putte, Van Strydonck, Buyle, Van Marlen, Vermeulen, De Necker, Taeymans, Barbaix, Breschen.
Dans le courant de ma vie il m'est rarement arrivé d'éprouver une émotion plus poignante, j'ai devant les yeux le tableau joyeux et animé qu'offrait le navire-école au moment où il se préparait à quitter le port d'Anvers; je revois la figure calme et résolue du commandant Fourcault.
Tant que des renseignements formels ne nous auront pas fixés sur l'étendue du désastre, tout regret, tout hommage pourrait paraître prématuré. Il faut conserver l'espoir que la deuxième barque dans laquelle, si j'en crois des renseignements moins précis, se sont embarqués les autres cadets et le reste de l'équipage a pu elle aussi échapper au naufrage.
Je veux dire pourtant combien le gouvernement avait été heureux de ce que le commandant Fourcault eût accepté.une seconde fois le commandement du navire-école.
Il avait fait taire ses hésitations et ses répugnances ; il avait assumé le mandat que le gouvernement le sollicitait d'accepter parce qu'il était dévoué à son pays et à l'œuvre d'enseignement professionnel qu'il-aimait.
Son nom, messieurs, appelait la confiance ; il était une garantie, car Fourcault connaissait le navire : il l'avait commandé au cours de deux longs voyages pendant lesquels il avait pu en reconnaître les qualités et les imperfections. Il en connaissait les ressources et le personnel. D'autres renseignements nous parviendront quand le voilier français Dunkerque qui a recueilli 26 des échappés de la catastrophe arrivera à Hambourg.
Le gouvernement a pris soin d'envoyer à Hambourg un fonctionnaire (le capitaine de marine Georges Lecointe, voir photo 1) qui se mettra à la disposition des jeunes gens, et leur donnera tous les conseils et secours dont ils pourraient avoir besoin.
Le président se lève et prononce les paroles suivantes, que la Chambre écoute debout :
Je veux, moi aussi, espérer même contre toute espérance ; et, puisqu'il y a encore des chances de salut, je veux adresser aux familles si éprouvées quelques paroles d'espoir. Espérons donc, messieurs, mais je crains que le malheur ne soit trop réel et, dans ces conditions, j'adresse à tous ceux, parents et amis, qui ont perdu l'un ou l'autre membre de leur famille, les condoléances émues de la Chambre, organe de tout le pays.
Un député prend la parole :
Il y a quelques jours à peine, le Comte de Smet de Naeyer quittait notre port, salué par nos encouragements, suivi de nos vœux, les voiles gonflées d'espérance!
Nous à ces familles si éprouvées qui viennent d'être frappées par le décès de ces jeunes et fiers cadets, de l'équipage qui les entourait, du commandant, ce brave marin qui leur avait consacré tout son dévouement.
Quelle que soit la cause de ce pénible accident, tout à l'espoir que le nombre des victimes soit moins considérable qu'on l'a présumé, nous sommes unanimes à nous attrister profondément du désastre qui vient de frapper tant de familles belges. Nous leur adressons l'expression de nos condoléances et de nos regrets. [Nouvelle approbation.)
Député Vandervelde :
— Messieurs je crois que les nouvelles que les journaux avaient déjà portées à notre connaissance, feront dans le pays une impression d'autant plus pénible que ce terrible accident n'était pas complètement imprévu. Au moment où je parle, j'entends encore un de nos collègues, M. Van Damme (constructeur maritime belge), nous dire que le navire-école ne présentait pas toutes les conditions désirables de stabilité.
D'autre part, je suis impressionné du vague des explications qui sont fournies.
On nous dit que tout espoir n'est pas perdu, que la deuxième barque arrivera peut-être à bon port. Or, aucun télégramme ne parle d'une deuxième barque. Le gouvernement a-t-il d'autres renseignements?
L'on nous dit encore que l'on a envoyé à Hambourg un fonctionnaire qui attendra l'arrivée du voilier Dunkerque et qui nous fournira ensuite des renseignements.
Il se passera de longues heures avant que le navire n'arrive au port et, pendant ce temps, les parents resteront dans la plus effroyable des anxiétés.
Il est vraiment incroyable que le gouvernement n'ait pas détaché un navire rapide à la rencontre du Dunkerke.
(Réactions des députés :Très bien à gauche et à l’extrême gauche).
Un autre député :
Je suis obligé de faire les réserves les plus expresses en ce qui concerne les causes de l'accident.
A en croire M. le ministre, le bateau aurait réuni toutes.les conditions voulues de stabilité. Quand le moment sera venu, quand nous connaîtrons les détails de ce triste accident, nous prendrons la liberté, mon collègue M. Van Damme (photo 2) et moi, d'interpeller le gouvernement et, à cette occasion, nous aurons l'honneur de communiquer à la Chambre des faits aussi pénibles qu'édifiants. Jusqu'à présent, nous n'avons pas voulu les communiquer pour ne pas jeter l'inquiétude dans les familles des élèves. Mais dès maintenant je tiens à rappeler que nous nous sommes efforcés en vain d'obtenir que notre interpellation pût avoir lieu avant le départ du bateau pour avoir ainsi l'occasion d'appeler l'attention du gouvernement et du pays sur certaines conditions que ce bateau aurait dû réunir et qu'il ne réunissait pas. Convaincu que le navire n'offrait pas suffisamment de stabilité, M. l'officier Ingenbeeck me disait, au moment où le navire levait l'ancre pour la première fois : « Mon cher Buyl, adieu ! Vous ne me verrez plus » ! {Mouvement dans la salle.)
M. le président. — Plus personne ne demande la parole?
M. Vandervelde. — J'ai posé au gouvernement une question précise : Comment se fait-il qu'on n'ait envoyé aucun navire à la recherche du voilier?
M. Janson. — Messieurs, je demande à M. le ministre et à M. le président de ne pas tarder à adresser au commandant du Dunkerque et à l'équipage l'expression de notre vive et profonde reconnaissance. {Très bien! sur tous les bancs.)
Dès ce moment, l'envoi d'un navire rapide ne pouvait servir à rien. Un navire venant de Douvres et ayant à son bord le consul de Belgique, a pu accoster le « Dunkerque ». Le navire français n'a pas consenti à débarquer immédiatement les jeunes gens, afin de leur permettre de rentrer immédiatement en Belgique. Je ne connais pas exactement les motifs du refus : le capitaine a suivi, dit-on, des règles de mer.

Photo 1: le ministre belge Francotte s'adresse aux cadets avant le départ du voilier.

Photo 1: Capitaine de Marine George Lecointe, scientifique belge, spécialiste en astronomie et hydrographie,commandant du voilier belge "Belgica" (voir photo, prisonnier des glaces) qui réalisa l'expédition dans l'Antartique entre 1897 et 1899.
Photo 2: le député César Van Damme, dont l'épouse était l'héritière du chantier naval belge situé à Baasrode et qui avait souhaité construire le voilier CdSdN. Il fut le premier homme politique belge (parti libéral, dans l'opposition) à émettre des doutes quant aux défauts de construction du navire et à en relever ses problèmes de stabilité.
..IMPOSSIBLE DE PUBLIER LES PHOTOS -CODE 500!!!

L'équipage
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