Le naufrage du Comte de Smet de Naeyer - suite (5)

Quelques protagonistes et victimes du drame .

Mais avant tout, une petite précision. Le métier de marin au début du XXème siècle est un métier très dangereux. Le Comte de Smet de Naeyer n’est pas le seul navire à disparaître au cours de ces années.
Quelques chiffres aident à mieux le comprendre (tels que cités par un député belge lors d’une session de la Chambre en 1906) :
- 640 à 650 voiliers ont été perdus complètement dans l'année 1905, soit environ deux par jour, et l'on s'étonne qu'un navire belge ait péri.
- En dehors des 650 voiliers qui ont péri complètement, il y en a eu 1,500 qui ont subi des avaries à la suite d'échouement ou d'autres causes.
- 51 voiliers ont totalement péri au début de 1906. Voulez-vous encore une petite statistique ?
- En 1877, sur 68 cas de perte de navires, l'enquête du Board of Trade britannique a constaté que 40 cas sont dus à des fautes de la direction des navires. Il est démontré que la plupart des accidents qui se produisent sont dus soit à la faute de l'équipage ou des officiers.

Qui sont ces officiers du Comnte de Smet de Naeyer?

Le commandant Fourcault.

Gustave Fourcault est wallon, né le 18 avril 1861 à Petit-Rechain, un village situé près de Verviers, à l’Est de la Belgique, à proximité de la frontière avec l’Allemagne.
C’est à l’âge de 15 ans que débute sa carrière maritime. Il commence à naviguer en fonction de « scheepsjongen », deckboy en anglais, et gravit petit à petit les échelons : matelot-léger , matelot et officier.
Le 27 mai 1882, il est nommé officier-instructeur sur les navires de l’état belge.
Le 8 juillet 1882 il obtient son brevet de capitaine/.
• * en Belgique, le brevet porte le nom de brevet de « Capitaine au long cours », il donne accès à la fonction de « Commandant de navire », d’ou la possible confusion des grades.
• *
En France le 1er lieutenant est appelé capitaine en second.
Le 26 septembre il est nommé lieutenant à l’essai sur les navires de l’État.
Le 31 mars 1883, il obtient sa nomination définitive.
Le 28 octobre il est nommé à bord des malles (le nom donné aux paquebots faiiisant la liaison entre la Belgique et l’Angleterre) Ostende-Douvres.
Le 30 juin 1887 : nommé premier lieutenant.
Début Août 1888 : il est chargé de mission au Maroc par le roi Léopold II. Le but est d’y établir une escale de ravitaillement pour les navires belges faisant la liaison entre Anvers en Belgique et Matadi au Congo.
Entre 1890 et 1905 il navigue sur les malles et aussi à bord des navires garde-pêche de mer du Nord.
C’est en Août 1904 qu’on lui fait la proposition de devenir le premeir commandant du navire-école belge. Il refuse car il a, dit-il, put constater de nombreux défauts au navire. C’est uniquement sous la pression des autorités belges qu’il finit par acccepter en décembre 1904.
Il deviendra le commandant du navire pour le compte de l’Association Maritime Belge.

Si sa nomination comme commandant du navire-école Comte de Smet de Naeyer avait été approuvée par l’ensemble du monde maritime belge, de nombreuses critiques lui seront adressées par la suite. Certains lui attribueront un part non négligeable de responsabilités lors du naufrage.
Beaucoup affirmeront que si les qualités marines de Fourcault ne pouvaient être niées, on ne pouvait cependant pas dire de lui qu’il possédait le « feu sacré » requis pour exercer le commandement d’un grand voilier de l’époque.
Pour exercer ce genre de commandement, disait-on, il faut être « appelé et élu », avoir l’oeil aux moindres détails, disposer de connaissances nautiques parfaites. Cela s’acquiert après une carrière complête à bord des grands voiliers, et cela manquait au commandant Fourcault.
Il ne s’en cachait pas : il préférait de loin la navigation sur les paquebots de l’État qui croisaient entre Ostende et Douvres. Des traversées courtes, de longs séjours en port belge avec retour au foyer, des moteurs fiables.
Lors du retour du CdSdN après le premier voyage, Fourcault demande à être remplacé pour le second voyage par son 1er lieutenant, Cornillie. Lui aussi provenait des malles Ostende-Douvres. Un problème de dernière minute concernant l’obtention d’un congé entre les deux voyages de son 1er lieutenant vont cependant perturber ces projets et le faire changer d’avis, et il accepte de faire le 2ème voyage à deux conditions :
- Que son temps de navigation sur le navire-école soit comptabilisé comme temps de navigation au service des malles Ostende-Douvres, donc de l’État.
- Qu’il puisse porter son uniforme plus prestigieux de commandant des malles à bord du navire-école.
Après le naufrage, la Justice Belge rendra la décision suivante :
« Rien ne peut être reproché au Commandant Gustave Fourcault en ce qui concerne le naufrage du navire-école Comte de Smet de Naeyer. »
Dans les années 1960-70 et 80, un navire-école belge de l’École de Navigation d’Ostende (qui formait des officiers au cabotage, des matelots et des cuisiniers) , amarré dans le port d’Ostende, portera son nom, le « Commandant Fourcault ».

Le capitaine Van Zuylen van Nyevelt.

Le Baron Henri van Zuylen van Nyevelt est né le 26 Août 1878 à Gand. Il est âgé de 27 ans au moment du drame. Il passe sa jeunesse en Flandre, Gand et en Wallonie, Dinant.
À l’âge de 16 ans il décide de partir en mer, et durant les 8 années suivantes il navigue pour l’armement Andrew Weir de Glasgow, à bord du voilier Fernbank, du navire à vapeur Gymeric, du 4 mâts Cedarbank et du vapeur Jeseric.
Au cours de ces 8 années, il passe de matelot-léger à 2ème officier, et passe son examen de 1er lieutenant à l’École de Navigation d’Anvers.
Déjà à ce moment des rumeurs circulent concernant la construction d’un navire-école belge. Van Zuylen est intéressé mais comme la décision tarde, il repart en mer sur le Sambre de l’armement Adolf Deppe.
Il sera 2ème officier lors du premier voyage du CdSdN chargé de l’enseignement du matelotage.
Au retour, pendant l’escale prolongée à Anvers, il s’occupe activement du chargement et du déchargement et surveille les travaux à bord.
Pour le second voyage il fait promotion et devient le 1er lieutenant du navire.
Les survivants seront unanimes à rappeler son sang-froid lors du naufrage. Il aurait été d’un grand secours pour beaucoup de cadets. Le commandant lui disant de monter dans le canot, il choisit de laisser sa place, et montrant son gilet de sauvetage, dit : « Ceci me suffira ».
Ceux du canot auront plus de chance.

L’aumônier Cuypers.

Il est né à Stabroek, près d’Anvers, le 13 mars 1879. Il est ordonné prêtre le 4 avril 1896, à l’âge de 17 ans.
Il enseigne ensuite dans un collège d’Anvers où il est très apprécié.
En septembre 1900, il se porte volontaire pour accompagner les troupes belges qui vont réprimer le révolte de Boksers en Chine et protéger nos ressortissants.
Son rêve de partir naviguer se réalise en 1905 : il est choisi comme aumônier des cadets du nouveau navire école, et il rempile pour le second voyage.
Quelques jours avant le second départ, il avait dit à son frère : « Si le navire devait sombrer, le commandant et moi-même serions les derniers à quitter le bord »... prémonitoire ! Ce fut le cas quelques jours plus tard.
Il est âgé de 26 ans lorsque le navire coule.

D’autres membres de l’équipage :
Les noms de 33 des membres de l’équipage du « Comte de Smet de Naeyer » lors du deuxième voyage.
Gustave Fourcault, Commandant
Le Baron Henri van Zuylen-van Nyevelt, premier officier
L’Aumonier l’abbé Cuypers
Wenmackers, deuxième officier
G. Van Esch, quatrième officier
E. Barenheid, premier steward
A. Rombout, menuisier
M. Taymans, matelot
V. Van Strydonck, matelot
Georges Piot, 20 ans
Louis de Ryckman, 22 ans
Victor Halsdorff, 22 ans
Marcel André, 25 ans
J. de Wallens, 18 ans, cadet
H. Moutarde, 18 ans, cadet
Stéphane de la Croix
G. Lambrechts
Jacques Rambot
Fr. Claessens, 16 ans, cadet
Paul Tyberghien
Raoul Charlemain, 18 ans
Emile Gheysens, 17 ans
Gasp. Bischoff, 19 ans
Lambert Boutquin, 17 ans, cadet
Adelins Vendry, 18 ans, cadet
Jules de Meulemeester, cadet
W. Clerin, cadet
Henri Sacré, cadet
Constant Connerade, cadet
Marcel Ulser, cadet
Paul Hayez, cadet
Henri Netels
Léopold Beelaerts, cadet

Heure et position du naufrage :
Le Comte de Smet de Naeyer sombre. Il est 7 h du matin, le naufrage a eu lieu sous 47,2° de latitude nord, à 150 milles de la côte française.

Tous les témoins confirment l'image d'Épinal qu'on a retenue de cette tragédie :
Le commandant Fourcault à son poste, fumant stoïquement sa dernière cigarette, avec à ses côtés son second, le jeune baron Henri van Zuylen, 27 ans, et l'abbé Cuypers, qui a décliné l'offre d'une place dans la chaloupe et dont les derniers gestes sont pour en bénir les occupants.
Les premiers mensonges et les début d’une polémique.
La chaloupe recueille en toute extrémité le second officier Wenmaeckers, qui prendra le commandement de l'embarcation.
Le surlendemain du drame, le navire français arrive devant Falmouth, communique par signaux la triste nouvelle et dit avoir à son bord des rescapés. L'information se répand par câble dans toute l'Europe. On veut espérer que tous les hommes ont pu être sauvés. La presse spécule sur le fait que le Comte a dû être victime d'une violente tempête comme il en arrive dans le golfe de Gascogne. On saura plus tard que les conditions dans la zone concernée étaient mer belle et brise bien établie de noroît, rien qui permette de parler de mauvais temps.
Ce n'est que le samedi 28 avril en milieu de journée que le Dunkerque II arrive en rade de Cuxhaven, un avant-port de Hambourg. Il y est accueilli par une équipe d'officiels belges menée par le commandant George Lecointe, en sa double qualité de secrétaire du comité de surveillance de l'Association maritime belge et d'émissaire du gouvernement, et par des journalistes, qui tentent de soutirer des informations aux rescapés. Ceux-ci, à peine débarqués, sont transférés en train à Hambourg, d'où ils seront discrètement rapatriés en Belgique, par petits groupes séparés.
L'envoyé spécial du Telegraaf d'Amsterdam, repris par de nombreux quotidiens néerlandais, rapporte : « Je me suis approché du Dunkerque à bord d'un remorqueur pour interroger les cadets et matelots. Le représentant du gouvernement belge les empêchait de parler. [ ... ] Il paraît clair que le gouvernement fait tout pour dissimuler les véritables causes. [ ... ] À mon avis, on a retenu les rescapés à bord du Dunkerque afin de laisser au gouvernement le temps de fabriquer une version officielle. »
Cette version officielle sera le «protet de mer » qui, conformément à la règle, doit être dressé par le commandant de bord dans les 24 heures suivant l'arrivée dans un port et qui doit inclure une relation détaillée des incidents ayant pu affecter la cargaison, a fortiori si celle-ci a été perdue. Il est rédigé par le second officier Wenmaeckers, certainement sous le contrôle de Lecointe.
Lecture en est donnée le 1er mai 1906 devant la Chambre des représentants. Ce rapport de route signale qu'une fois arrivé en pleine mer, le Comte se montra enclin à prendre de forts coups de gîte sous la brise. Le 18 avril, on constata la présence de 3 à 4 pouces d'eau dans les cales, à 6 h du matin. À 20 h, de nouveaux sondages donnèrent 5 à 9 pouces d'eau, mais certaines écoutilles étaient déjà inaccessibles à cause des paquets de mer qui balayaient le pont.
À la Chambre, le 9 mai 1906 le député Van Damme lance une interpellation, rappelle les avertissements qu'il avait donnés un an plus tôt quant à ce bateau selon lui mal conçu, mal construit et intrinsèquement peu sûr, s'élève contre le fait qu'on a voulu empêcher les rescapés de s'exprimer, et s'étonne de ce que le protet de mer ne dise pas un mot de ce qui a pu se passer à bord du Comte entre le 14 et le 18 avril.
Comme on peut le constattter il y a matière à donner une suite à cette tragédie du CdSdN, je continue donc mes recherches et mes traductions. Bonne journée.

Photo 2: le capitaine en second, Baron Van Zuylen van Nyevelt.
Photo 3: le voilier Cederbank sur lequel avait navigué le second capitaine avant d'enrôler sur le navire-école.

L'équipage
09 nov. 2021
09 nov. 2021

Merci à toi, intéressante ta série.

09 nov. 2021

Toujours intetessant
Kuste te coreiger une petite erreur sur grade et fonction sur les navires de la marine marchande francaise celle que je connais pour l avoir pratique 20 ans
Le 1 lieutenant n edt pas le second a bord c est le second capitaine 3 galons sur fond velour noir les lieutenant qu ils soient 1 2 ou 3 lieutenant porte2 galons sur velour noir les lieutenants mecanicien appeles communement officier mecanicien 2 galons sur velour violet le chef meca icien lui portant 3 galons sur fond violet
Tout ca a emoluer dans la mar mar francaise avec l avenement des diplomes polyvalent nommes C1 C 2 ala place des noms sentant la marine capitaine au long cours capitaine mrine marchande capitaine au bornage capitaine cotier ect
Pour la machine c etait plus simple officier mecanicien 1 ere 2 eme ou 3 eme classe
Nostalgie quand tu nous tiens

09 nov. 2021

Je me suis sans doute mal exprimé: en Belgique l'ordre est le suivant: Commandant- 1er lieutenant - second lieutenant - 3ème lieutenant - éventuellement 4ème lieutenant - Aspirant officier - Cadet. Et chez nous il n'y a jamais eu de polyvalence: on choisit soit le pont soit la machine, suivant affinité ou masochisme... Le soleil ou la cave!... Club-Med ou spéléo? bien qu'étant officier de pont je n'étais pas ignare pour autant: je savais où se trouvaient les portes d'accès à la salle des machines... quand même!!! Photo: ma position préférée à bord, et là je n'étais encore que 3ème lieutenant!!!

09 nov. 2021

Je fais partie des vieux donc non polyvalent donc vrai om1 pas le choix porteur de lunette
Mais grace au lieutenant j ai appris la navigation astronomique et j aime toujours faire mes points a l ancienne
En grande conclusion de ton recit en tant qu officier pont j espere que tu ous donnera ton avis sur ce naufrage
Quand meme etrange ce bateau qui coule par temps tres maniable

10 nov. 2021

Bonour tatihou J'ai en effet commencé hier àmettre par écrit mon point de vue personnel. Il n'est cependant pas au point... en y réfléchissant hier et me remettant dans la peau d'un commandant (un peu à la place du cd. Fourcault), qui doit agir juste, et prendre les bonnes décisions ni trop tard ni trop tôt, je reprend ma plume, ou mon clavier.

10 nov. 2021

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Bravo et tu ne travailles pas pour une poignée !

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