La voile est une drogue dure
Les mots de Clarisse Cremer ce soir sur Fb, et qui me touchent énormément. Je partage bien volontiers.
Je ne connais pas exercice plus compliqué que celui de définir précisément ce que l’on aime. Je sais reconnaître des moments de grâce, profiter intensément des instants de joie, ressentir une forme d’amour qui enveloppe mon âme et qui perturbe tout mon quotidien, mais lorsqu’il s’agit de mettre des mots finement choisis sur mon goût pour le large, me voilà perdue. D’autant plus que cet attrait pour la mer et les aventures maritimes est pétri de complications, de moments de doute, de fatigue extrême, de solitude parfois douloureuse. Mon goût pour le large est à l’image de mon goût pour la vie : je souhaite ne jamais le perdre et tente de le protéger face aux irrémédiables événements pénibles. Alors, lorsqu’on me souffle le mot liberté dans cet exercice, on me propose un raccourci heureux : oui cet attrait pour le large se mêle à une fascination pour le champ des possibles qu’ouvre la maîtrise solitaire d’un bateau.
Ma première transatlantique en solitaire sur un bateau de 6,50 mètres a été marquée par ce sentiment irrépressible de liberté jouissive. À chaque étape fictive, je tremblais d’excitation en pensant au chemin parcouru. Il m’aura suffi de larguer les amarres pour longer le Portugal, de me sentir toute proche du Maroc, de Madère… À tout instant je peux choisir de changer mon cap et de découvrir un nouveau port, un lieu qui m’était jusqu’alors inconnu.
Pas de billet à prendre, de dates à réserver, de logements à trouver. Je flotte sur ma maison, mon moyen de transport, j’avale les milles sans me soucier du carburant. Je me souviens de ce sentiment de puissance presque honteux lorsque je passais au milieu des îles du Cap-Vert, aux portes du grand saut vers l’Atlantique. Avec seulement ma coque de noix de quelques mètres et ma volonté de navigatrice, me voici toute seule, arrivée dans un lieu si exotique : si je peux accomplir un tel exploit, alors le monde m’appartient. Il ne m’en faut pas plus pour penser que, par la mer, le monde entier m’est accessible.
Bien sûr, c’est une liberté toute théorique, car mon esprit de compétition et ma volonté d’atteindre mon objectif m’empêchent tout à fait de choisir l’aventure et de bifurquer vers ces magnifiques destinations. Au cœur d’une course au large, on choisit de ne pas se laisser tenter par la découverte de la terre, on reste en mer et l’aventure se résume à ce qu’il se passe à bord de notre embarcation. Tout cela est bien contradictoire. Mais la seule idée de pouvoir, de n’avoir qu’à choisir pour faire, voilà en substance ma jouissance de la liberté.
À l’heure de partir pour ce qui pourrait bien être la plus grande aventure de toute ma vie, et parce que je suis une éternelle angoissée, je suis criblée d’incertitudes sur ma capacité à affronter la multitude de péripéties qui m’attendent. Cela dit, je sais précisément pourquoi je pars : penser faire le tour de la planète Terre en suivant ma trajectoire et en sachant que je me dirige vers autant de destinations si éloignées, si fascinantes, il n’en faut pas plus pour dessiner sur mon visage un large sourire.
Superbe texte
Merci pour le partage
Merci,
il ne faut pas oublier le sponsors, les vacations radios, les vidéos à prendre et envoyer, la tactique de placement en fonction des dépressions. On est jamais totalement libres.
Très joliment dit. On ne peux qu'adhérer.
Evidement qu'on est jamais totalement libre, même en mer, mais c'est ce qu'on appelle "le sentiment de liberté" c'est difficile à exprimer effectivement, mais elle l'a bien fait, même quand on ne connait que le "petit large" en comparaison du grand large dont elle parle, on comprend.
La liberté est un vent capricieux et subtile, la sentir glisser sur la joue, la voir jouer à la surface de l’océan, quelle bonheur pour certains, qu’elle angoisse pour d’autres. Dans la hiérarchie de ses priorités, elle peut venir après la sécurité ou avant, cela n’est pas un choix, choisissons nous de respirer, mais une nécessité, un état d’esprit propre à chacun, à son histoire et à la place que l’on laisse en nous à notre enfance, car à force de jouer le rôle d’adulte on peut oublier l’essentiel. Cher Liberté.
Superbe
C'est un peu le sentiment qu'on retrouve en parapente quand on enroule un thermique qui nous monte jusqu'au plafond :-)
Les portes s'ouvrent et on a le choix, la liberté de partir ailleurs
C'est ce plaisir de savoir qu'on peu le faire a ce moment précis
Bonjour,
Merci pour le partage de ce beau texte.
Cette petite a tout d’une grande. La candeur de son sourire cache une volonté de fer. Cela fait plaisir de voir des jeunes réussir et accomplir leur rêve.
Je lui souhaite bonne chance dans son Vendée globe qui ne sera pas une partie de plaisir.
Bonne journée,
Patrice
Flotant : “ La liberté est un vent capricieux et subtile, la sentir glisser sur la joue, la voir jouer à la surface de l’océan, quelle bonheur pour certains, quelle angoisse pour d’autres.”
Après le superbe texte de Clarisse Crémer, la définition de la Liberté postée par Flotant est également remarquable. Qui a écrit ces jolis phrases, please? Merci
c'est bien écrit des belles phrase ..mais que celà doit etre triste comme vie de se sentir libre qu'en mer ... c'est dans le quotidien qu'est la véritable liberté elle doit etre dans quoi que l'on fasse chaque jour ..sinon ...
Cela dépend des gens Calypso. Pour moi le quotidien le train train est une souffrance. J’ai coutume, ( mais la coutume est si proche du quotidien) de dire que tout ce qui vous rassure m'angoisse tout ce qui vous angoisse me rassure. Bien sûr c’est simpliste, et chacun vit avec ses contradictions. Pour ma part, et je ne suis point une référence, dans la vie de tout les jours, je joue du théâtre, j’anesthésie le petit prince qui vit en moi, je refoule le petit garçon que je suis, sur l’océan comme en montagne j’ai juste l’impression d’être moi, sans tricher, mon rapport au temps, au futile change. Le quotidien est le moyen, la vie en voilier le but. Bien sûr je ne suis sûr de rien, je doute redoute ( c’est le cas alogue) mais je me sens vivant.
Bonsoir, très belle prose, ça fait rêver, mais moi je pense comme Calipso, la vie me concernant depuis 2013 est le voyage avec ma coque sur le dos, pas la navigation en elle même.
Heureux ceux qui pensent n'être bien qu'à bord de leur canot sur l'eau. Moi, ce qui me donne le plus de plaisir est ma vie à travers les pays visités, les iles où je me suis arrêté. La navigation en elle même ne m'a jamais fait cet effet et j'ai coutume de dire à ceux que je rencontre que pour moi le navigation est un véritable bonheur le jour du départ et le jour de l'arrivée, entre deux, je me fais bien chier...
Le voyage en bateau m'a jamais autant apporté de bonheur en rencontre avec d'autres navigateurs, les locaux où je m'arrête, la découverte de nouvelles façon de vivre, la beauté du monde tout simplement.
Mais je ne critique pas ceux qui aiment se retrouver seul avec eux même en mer, c'est juste pas mon truc, d'ailleurs je ne barre pratiquement jamais, je laisse le boulot à Robert, donc j'ai le virus, mais pour une autre raison....
Mais faut être réaliste aussi, le voyage en bateau, ce n'est pas tous les jours Noël, enfin pour moi, mais je n'ai toujours pas envie de me retrouver à terre...
Pascal
non tout celà est poésie .. demandez aux marins se qu'ils pensent de la mer
un commandant de tanker m'avait dit un jour :"la mer n'est que souffrance et larmes" "la vie est a terre"
Calypso2 “ demandez aux marins se qu'ils pensent de la mer
un commandant de tanker m'avait dit un jour :"la mer n'est que souffrance et larmes" "la vie est a terre"”
Oui, mais ces marins, ils retournent à la mer. Je crois que l’ami Flotant voit la mer - et la Montagne qu’il cite également - comme un theatre, une arène, un lieu où il peut s’exprimer, se battre, se dépasser lui-meme, car on trouve du bonheur au delà de soi-même.
Je comprends très bien ce point de vue.
Si c'est à moi que tu réponds Calypso, et bien non, ce n'est pas que poésie, c'est une façon de voir la vie, de vivre autrement, un commandant de tanker, c'est pas la même chose qu'une personne comme Tpiplouf , moi même ou autres qui font du bateau pour le plaisir, lui c'est sont boulot, il y a une p'tit nuance peut-être.
C'est vrai que des fois c'est dur, mais c'est pas non plus une règle, enfin pour moi et pour être franc, moi le canapé je le préfère à bord pour l'instant parce que la vie sur terre comme je la vis en ce moment à la Réunion, j' en ai un peu marre et j'attends encore 11 jours pour lever l'ancre et aller voir ailleurs et j'ai hâte ...