Du sel dans les oreilles
Mercredi 16 août
Herm – Aurigny, première étape du retour
Mer calme sous le soleil.
L’eau lèche la carène et court le long des flancs du bateau. Ça
gargouille et gazouille toute la nuit. À travers les claquements et
sifflements, je crois entendre des enfants chanter et des voix
murmurer. Je n’ai aucun mal à m’imaginer des marins leurrés sur les
rochers par des hululements interprétés, correctement ou pas, tels des
chants de sirènes.
La mer est une imitatrice exceptionnelle. Elle copie admirablement
pleurs et gémissements d’enfants, prières de moines, jurons de
soûlards, sonneries de réveils, cloches d’église, miaulements de chats,
grincements de portes, murmures de foule. La liste est longue. Parfois,
je capte même des phrases ou des mots isolés, portés par un vent de
Dieu sait où.
À bord, on ne se sent jamais à deux. On est toujours accompagnés
par le bruit du vent invisible, mais tapageur, et par la mer qui, elle, ne
se tait jamais. Même calme, la mer babillarde n’est muette que de
derrière le double vitrage d’un appartement.
La nuit est longue et courte à la fois. Je perds le sens du temps en
écoutant le brouhaha continu des bruits et distorsions sonores.
L’espace et le temps se confondent.
Avec beaucoup d'humour et de poésie, ma barreuse de femme règle son compte avec la navigation de plaisance dans un livre qui vient de sortir chez Academia (L'Harmattan): Lia Capman- Du sel dans les oreilles, journal de bord.
Même si j'en prend pour mon grade -de capitaine, cela va sans dire- je ne peux que vous conseiller de le lire et de l'offrir à votre moitié qui se sentira à coup sur moins seule face aux éléments. Meilleures salutations aquatique de l'équipage du Mojo.
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C'est du vécu. Pour ma part j'écrivais ceci au retour de ma croisière 2016 :
"Les feux sont allumés à 22 heures et nous voilà fonçant toujours vent arrière, en aveugle dans une nuit des plus noires…
C’est souvent pendant de telles nuits qu’on les entend. Car, le savez-vous, les bateaux parlent ; tous les marins vous le diront. Ils sont emplis de craquements, grincements, chocs, balancements, bruits d’eau, gargouillis à travers lesquels on finit par croire percevoir des mots chuchotés par des voix humaines. « T’iii crois ?» demande aigüe la poulie tribord du renvoi du régulateur sur la barre, «Onk onk onk » grogne gravement en réponse la poulie bâbord. Et tant d’autres. Et puis pour peu qu’on aille s’allonger quelques minutes sur la couchette, l’oreille contre l’eau qui court à quelques centimètres, les murmures s’enrichissent. On dirait des conversations lointaines tenues par des groupes, on distingue des voix d’hommes et de femmes, c’est parfois véhément, parfois tranquille…"