Carénage et TVP (Taxe sur la Valeur Préservée).

Nous connaissons tous cet âge délicieux ou agaçant par lequel passent les petits enfants : celui du « Pourquoi ?». Répété jusqu’au tic et à l’absurde (« Pourquoi il est rouge le vélo ?.. »), ce leitmotiv est la manifestation rassurante d’une intelligence qui s’éveille et considère le monde. C’est que la Nature ne nous a pas pourvus de bec, de crocs, de griffes ou de carapace et que l’intelligence est notre seule arme pour affronter ce grand bazar magnifique, mais toujours sauvage et dangereux. Vieil enfant que je suis, j’ai gardé le pli et, envisageant comme chaque printemps de caréner mon cher petit voilier, je me constitue un approximatif devis : 350 euros (2,295 Francs) entre les manutentions, le calage, le terre-plein dit écolo et la peinture. Pas de main d’œuvre, je fais tout. Du temps millénaire où l’on carénait en Atlantique grâce à la marée, c’eut été 60 euros de peinture…Passé le premier choc, je me fais encore plus mal en calculant la TVA que je brûle là-dessus : 350 – (350 / 1,196) = 58 euros (380 Francs).
Alors s’élève dans mon esprit le « pourquoi ? » enfantin. TVA signifie « Taxe sur la valeur ajoutée » ; cet impôt diabolique peaufiné par l’inspecteur des finances Maurice Lauré en 1954 frappe aveuglément riches et pauvres dans le commerce de détail depuis 1966, Giscard étant ministre des finances. Soit ; on n’en est plus à une injustice près, mais dans l’éventualité de mon carénage où est la valeur ajoutée ? Mon bateau vaudrait-il plus cher après ? Non, en fait il faut considérer qu’il ne vaudra pas moins cher. L’entretien évite en réalité une « valeur enlevée ». C’est donc sur une impalpable « valeur préservée » que je suis taxé de 58 euros. Amusant non ?
Pensez-y et pour en revenir aux enfants qui se posent les bonnes questions, souvenez-vous de ce joli conte dans lequel un Roi se fait vendre très cher par un margoulin des vêtements que ne peuvent voir que les gens intelligents. Tout le monde feint de les voir bien sur…sauf un enfant qui s’exclame « Mais, le Roi est nu ! ». Plus nous serons d’enfants à dire que le roi est nu, plus on nous entendra peut-être un jour…
PS : Je ne carènerai pas cette année. Désormais c’est un an sur deux, tant pis pour l’emploi, les factures et la TVA. Je me suis acheté une combinaison néoprène et je plonge…