Course : 1951 Plymouth -La Rochelle

PLYMOUTH-LA ROCHELLE

La Victoire de I'ELOISE par Paul COIFFARD
Dimanche 19 aout. - Le départ était fixé à 11 h. 30 pour la classe III, 11 h. 45 pour la classe II, 12 h. pour la classe I. Dès 7 h., les équipages étaient sur pied pour sortir les bateaux du bassin à flot. Pendant toute la nuit un coup de vent de Sud violent, maximum vers les 3 heures, avait fait vibrer les haubans et les drisses. Les équipages un peu inquiets, appréhendaient un départ genre « Fastnet » ; mais le baromètre qui était descendu assez bas commençait à remonter. Nous nous rendîmes avec les autres au dock de Milbay, remorqués par Kass-Rol. Là, chacun complétait sa provision d'eau douce, embarquait les vivres apportés sur le quai par le shipchandler,
révisait une dernière fois son gréement. Nous eûmes la surprise de voir des petites filles venir demander des autographes aux équipages, comme on le voit faire en France avant les départs de courses cyclistes.
Enfin, à 10 h. 30, appareillage après un substantiel repas.
Nous courons quelque temps en rade, sous trinquette et grand'voile,
tâtant le vent qui est encore assez fort, W.S.W. Nous prenons le départ
à 11 h. 30, au ras de la bouée de Mélampus, à l’extrémité au vent de la ligne, avec 15 à 20 secondes de retard sur le gros de la classe III, gênés par le courant.
La plupart des concurrents se dirigent vers la passe Est, au près bon plein, alors que nous sortons par la passe Ouest, après avoir tiré un petit bord. Nous sommes quatre à avoir choisi cette passe, les autres étant Torridge, Margilic II, et Kass-Rol. Dehors, nous nous échelonnons peu à peu, suivant nos ratings respectifs. Les bateaux sortis par l'autre passe ne cherchent pas à serrer le vent : la météo ayant annoncé qu'il retournerait à l'Ouest et au Nord-Ouest, ils ne cherchent pas à faire de cap ;Hervé décide néanmoins de continuer à serrer le vent toujours au maximum,notre cap actuel ne nous permet d'ailleurs pas d'avoir Ouessant …..
Nous perdons bientôt de vue nos concurrents sortis par la passe Ouest. Des autres, nous voyons surtout Joliette et Right Royal qui sont à peu près à notre hauteur à quelques milles sous le vent. Entre temps, les grands
de classe I et II nous rattrapent : Foxhound qui nous passe au vent; Phryna. qui sera 2ème au classement général semble par moments bondir hors de l'eau. Oliver Van Noort nous passe un peu plus tard.
Nous continuons à courir ainsi toute l’après-midi au près serré, Vers le soir, la brise adonne, juste assez pour nous donner un cap au vent d'Ouessant, Nous avons maintenant notre génois. Nous essuyons quelques grains avant la nuit.

Lundi 20. - Peu après minuit, nous perdons de vue les feux de nos concurrents. A 2 h. 30, nous apercevons sous le vent les éclats de Créach' d'Ouessant. La mer est belle, la brise mollit.
Dans la matinée, nous doublons Ouessant avec le courant pour nous,dans une mer très dure, hachée et déferlante. La brise est relativement faible en dehors d'un grain qui nous oblige à amener la grande trinquette ;
et nous sommes à 10 h. 30 par le travers de la Jument. Dès lors, la course est pratiquement gagnée, car nous profitons au maximum du courant depuis sa renverse. Les concurrents qui nous suivent l'ont contre eux, et l'auront contre encore quand ils seront où nous sommes. La mer sera de plus en plus dure et c'est là que Mouette démâtera.
A 13 h. 15, nous doublons la bouée d'Ar-Men. Peu de temps après, nous établissons le spinnaker que nous allons conserver pendant près de 24 heures.Nous fourrons les filières et batayolles pour empêcher l'usure et la rupture du bras au portage.
Mardi 21. - A 3 h. 30, nous apercevons le pinceau de Goulphar de Belle Isle. Dans la matinée, le vent redescendant au S.W., on change le spi par le génois.
15 h. : aperçu l'Ile d'Yeu à la limite de visibilité.
A 20 h. 40, nous relevons le feu des Baleines, 15° sous le vent. Vers 23 h., quelques milles avant la bouée de Chauveau, nous nous préparons à réenvoyer Ie spinnaker, quand nous apercevons, derrière nous, un grand spi blanc.
Depuis plus de 30 h., nous n'avions pas vu un concurrent. Quand il nous crie son nom : Morva, nous poussons un soupir de soulagement, car c'est un grand de la classe II. Quelle émotion ! Nous courons maintenant sous notre spi jusqu’à l’arrivée.
Mercredi 22 aout. - A 3 h. 07, nous coupons la ligne d’arrivée. Venant du Minahouet, bateau but, nous reconnaissons les voix familières de l’équipage de l'Ariane avec lequel, en juillet, nous avions fait Port-Bloc-San Sébastian, et qui vient d'arriver la veille, premier en temps réel. du Palais-Tour de Groix- La Rochelle.
Cinq bateaux de la classe I et deux de la classe II seulement étaient déjà là. Des lors, nous avions le meilleur espoir jusqu’à la publication des résultats où nous avons eu la joie d'envoyer le pavillon de victoire.
Entre temps, de magnifiques réceptions organisées grâce à l'inlassable activité de M. L. Lebon se déroulaient à La Rochelle le mercredi, et à Cognac le jeudi, plongeant les équipages anglais et français (et particulièrement le notre) dans l’euphorie la plus complète.

Si l'on essaie de tirer des conclusions de cette course, on constate,tout d'abord, que, sur quatre bateaux français classés, trois sont dans les huit premiers : Eloise, Kass-Rol, Fort Louis ; Farewell, malgré son skipper et son équipage entrainés, a subi le sort de la majorité de la classe II, Quant à Margilic II, il ne s'est pas fait classer, handicapé durant cette saison par une malheureuse hélice mieux adaptée à la propulsion du Normandie qu'à celle d'un 24 pieds - (ce qui est regrettable, car je crois que c'est le bateau français ayant fait le plus de milles en course cette année).
Pour Eloise les facteurs du succès sont multiples et se complètent : en premier lieu, la valeur intrinsèque du bateau (plan et construction) sur laquelle il est inutile d'insister ; le soin constant apporté à l'entretien du
gréement avant la course, de même pour la coque (repeinte à Plymouth),mais aussi l’équipage, d'une part Hervé, déjà sérieusement entrainé ces dernières années, assurant une navigation précise et prenant la bonne décision au bon moment ; d'autre part l'ensemble de l’équipage, parfaitement cohérent, cultivant l'optimisme et la bonne entente, soutenu physiquement par une nourriture abondante et substantielle, Je pense que la moindre défaillance d'un de ces facteurs eut suffi à nous enlever la victoire,
Il me reste à souhaiter que ce récit n'ait pas donné une fausse apparence de facilité à ce qu'est une course de haute mer, et que ceux qui y participeront, de plus en plus nombreux, ne négligeront rien pour défendre les
couleurs du Yachting Français qui se complait malheureusement trop souvent dans un doux « farniente ».

En savoir plus : yachtscoursecroisiere.webnode.fr[...]/a1951/

L'équipage
07 jan. 2014

Bonne idée ce site !
Merci de l'info.

07 jan. 2014

merci viking pour ce lien, je n'étais pas encore né en 51 ...
je me souviens d'un certain nombre de ces bateaux, toujours présents en course dans les années 60: Eloise 2, christina2, Marie Christine 3, sister ship d'Eloise 2, les Varna, avec des rochelais emblématiques à bord, tonton Hervé, JC Menu, Chambonnet etc...
Quant à Mr Lebon, et son Torribio, j'ai le formidable souvenir d'une sortie sur ce 8M JI, par bonne brise, à La Rochelle, avec sortie au louvoyage entre les tours de ce monstre, à l'époque, de 14 mètres de long, 2.5 de large, sans moteur, voiles en coton, bastaques à levier.
M Lebon avait commencé comme mousse à la pêche , chaudières au charbon, le bagne, et a fini comme armateur!
Dans le bateau, rouge bordeaux, gravées dans une cloison, les armoiries d'Alphonse XIII, roi d'Espagne, précédent propriétaire!
Le premier Eloise de tonton (éclair en charentais...) avait été revendu à un américain qui était revenu passer un hiver à La Rochelle, avec son jeune fils.
J'ai été, pour la petite histoire, copropriétaire d'Eloise IV, plan Cordelle, quarter en bois moulé construit chez Hervé, une bombe dans le petit temps...
j'espère que ce site va se développer et permettre d'évoquer ces passionnés de régate et leurs successeurs (Papy Sence, Bertrand Chéret et bien d'autres).

07 jan. 2014

Non, ce n'est pas une bonne idée, c'est génial !

Môle du Cap D'Agde - France

Phare du monde

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2022