Un peu de théorie qui aide (mécanique fluidique)


Apres m’être replongé dans mes livres de théorie il y a peu longtemps, je me suis fait la remarque que de réviser certaines notions de façon un peu «approfondie» n’est point inutile. En effet, il suffit finalement de comprendre la mécanique fluidique qu’il y a dans nos voiles pour nous permettre d’effectuer les réglages ad hoc.


Le vent dans la voile


La force

Prenons dans un premier temps un modèle : une boule de pétanque A roule, elle s’en va heurter une autre boule B immobile. Cette dernière se met en mouvement et la boule A se retrouve déviée de sa trajectoire initiale. C’est le principe d’action réaction, ou 3eme loi de Newton : à l’instant ou les deux boules se touchent, elles exercent chacune une force égale en intensité et de sens opposé.
Il en est de même dans nos voiles :

Prenons un filet d’air régulier allant de droite a gauche, matérialisé par des lignes parallèles.
Celui-ci n’est pas perturbé:


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Amenons cette fois un obstacle à ce filet d’air, en l’occurrence, une voile. Ici, le filet se trouve dévié de sa direction initiale. Ainsi, pour qu’il y ait ce changement de direction, il faut que la voile exerce une force sur le «vent». Réciproquement, le vent exercera une force sur la voile. La déflection se produit uniquement dans le voisinage immédiat de la voile:

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L’air au vent, rencontrant la voile est contraint à changer de direction, l’air passant au vent de la voile subit donc une compression lors de la déflection.En revanche, sous le vent de la voile, si les filets d’air continuaient tout droit, il y aurait du vide. Pour combler ce vide, les filets d’air sous le vent de la voile sont «obligés» de suivre la toile. Ils sont donc eux aussi déviés. Ainsi, à cet endroit, une certaine quantité d’air doit occuper un volume plus grand qu’il occupait au départ. Il en résulte un pression plus faible que la pression ambiante, autrement dit : une dépression.Pression au vent de la voile et dépression (ou effet de succion) sous le vent de la voile s’additionnent pour constituer la force totale exercée par le vent sur la voile, force appelée Force aérodynamique


Compression + dépression = force aérodynamique

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Orientation de cette force

De manière générale : la force qu’exerce un fluide en mouvement sur un plan pour tout angle d’incidence est perpendiculaire a celui-ci. Ainsi, pour une voile plus ou moins creuse, la force du vent s’appliquant à un endroit x de la voile sera perpendiculaire a la tangente de la forme de la voile en ce point x. En pratique, la résultante des forces aérodynamique sera donc plutôt appliquée à la corde de la forme de la voile.





Grandeur de cette force

Toujours dans le domaine de la théorie, la force aérodynamique possède entre autre comme propriété, d’être proportionnelle à la surface de voile et d’être proportionnelle au carré de la vitesse du vent
Ainsi, si l’on réduit de moitié la surface de voile : la force aérodynamique diminuera de moitié. Et si la vitesse du vent double, automatiquement, la force aérodynamique sera cette fois quadruplée.





On pourrait penser d’après le principe d’action réaction, que plus la voile défléchit le vent, plus la force aérodynamique sera grande. Il ne faut pas nécessairement avoir beaucoup de miles derrière sois pour s’apercevoir que ceci est faux.

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En effet, pour que la force aérodynamique soit de grandeur raisonnable il faut que l’écoulement sur les voiles reste régulier, laminaire. Dans le cas contraire, lorsque la voile est trop bordée, il n’y a plus d’écoulement de l’air, mais une turbulence, des tourbillons. Tout d’abord, ils sont faibles et n’empêchent pas la force aérodynamique de croître, puis brusquement, se produit le décrochage : l’angle d’incidence est trop élevé pour que les filets d’air s’écoulent régulièrement au vent de la voile, ces filets d’air rebondissent sur la voile. De gros tourbillons se forment, créant des turbulences au vent de la voile, et désorganisant l’air qui est a proximité. Ici, la voile est trop bordée, l’angle d’incidence est trop important, ce qui entraîne des turbulences, des tourbillons autour de la voile.
Le décrochage est un phénomène irréversible, tout simplement parce que l’on a beau revenir a un angle d’incidence qui permettait auparavant de garder un écoulement laminaire, la force aérodynamique ne reviendra pas pour autant. Il faut largement choquer la voile pour que l’écoulement soit peu perturbé, et seulement ensuite, on pourra reborder, tout en faisant attention à ne pas re-décrocher. La force aérodynamique dépend donc de l’angle d’incidence entre le vent et la voile.
Retenir, qu’il faut défléchir le vent et non le casser.
La force aérodynamique sera d’autant plus forte que l’on arrivera à défléchir le vent sans décrocher.

D’autres facteurs rentrent en compte, comme par exemple la concavité (son creux) pour l’orientation de la force aérodynamique, ainsi que son allongement. L’allongement se calcul par le rapport de la hauteur au carré issue du point d’amure de la voile par la surface de la voile.


Allongement = H² / S

Beaucoup de paramètres rentrant en compte, la force aérodynamique n’est donc pas également répartie en tous points de la voile : elle a les caractéristiques suivantes:

Les forces exercées sur la voile sont plus fortes dans le 1er tiers de la voile ; cela revient à dire que la voile travaille plus efficacement au guindant qu’à la chute. (cf schéma ci contre).


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La force crée par la dépression sous le vent de la voile est nettement plus importante que la force résultant de la pression qui est au vent de la voile : cela est surprenant, mais une voile travaille plus sous le vent qu’à son vent.C’est la raison pour laquelle il vaut mieux éviter de perturber l’écoulement sous le vent, par exemple celui de la grand-voile avec le génois.

Cette force aérodynamique n’est cependant pas entièrement exploitée pour la propulsion du bateau. En effet, cette force étant perpendiculaire à la voile, elle aurait tendance à faire dériver le bateau très franchement ; ceci est vrai (ne pas oublier de voir le chapitre de l’eau sur la quille afin de tout comprendre).
Cependant, nous allons décomposer cette force aérodynamique en deux composantes : la composante dérivante et la composante propulsive :


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Ainsi, la composante propulsive, tendra à faire avancer le bateau sur la route voulue ; en revanche, la composante dérivante, fera dériver notre bateau de façon considérable.
Là intervient le rôle de la quille.

L’eau sur la quille


La portance

La dérive sur un dériveur et la quille sur un quillard ont tout deux pour rôle d’empêcher le bateau de dériver. Pour éviter de porter notre explication à confusion, nous utiliseront le terme « quille » pour désigner l’aileron disposé sous la quille servant à empêcher la dérive du bateau.

Le fonctionnement de l’eau sur la quille fonctionne sur certains même principes : au lieu d’un fluide se déplaçant sur un plan (vent et voile) on aura un plan se déplaçant dans un fluide.

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Un bateau dérive : il se déplace donc en biais dans l’eau ; la quille attaque l’eau sous un certain angle (l’angle de dérive), il recueille par réaction une force s’appliquant perpendiculairement à son plan.


Cette force est la force anti-dérive, appelée portance de la quille. La grandeur de cette portance est proportionnelle :

- A la surface de la quille.

- Au carré de la vitesse du bateau.

Elle est également fonction de l’angle de dérive : plus la dérive est grande, plus la portance aura de l’importance. C’est exactement le même principe que pour la portance des ailes d’un avion : moins l’avion ira vite, plus la portance sera sollicitée.
Tout comme pour les voiles, il y’a un angle de dérive critique ou se produira un décrochage : de gros tourbillons apparaissent aux environs du voisinage de la quille, l’écoulement ne sera plus laminaire, la portance décroît plus ou moins brusquement selon les bateaux. C’est la raison pour laquelle les polaires de vitesses chutent brusquement pour des angles très lofés, mais que le bateau avance tout de même. Ici aussi le phénomène est en quelque sorte irréversible, il faudra généreusement abattre pour que l’écoulement sur la quille soit laminaire et que le bateau raccroche.
La valeur de l’angle critique dépendra de la longueur de la quille ainsi que de son épaisseur : plus la quille sera longue et fine, plus l’angle critique sera faible.
Enfin, notons que la coque participe également à la portance.





La traînée

Une autre force est en présence pour l’action de la quille sur l’eau, il s’agit de la traînée, qui est opposée au déplacement et qui est sur le même axe que la quille. L’addition de la portance et de la traînée forme la force hydrodynamique.
Ce qui nous permet désormais d’expliquer comment notre bateau avance, sans dériver comme une savonnette : l’addition des composantes propulsive, composantes dérivantes, portance et traînée, nous donnera une résultante des forces qui sera dans le même sens et la même direction que la trajectoire de notre bateau (dans le cas étudié, cette résultante sera de à peu près 2 degrés par rapport à l’axe du bateau).

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Alexis Staub