Réalisation d'un lest en fonte



Faire son lest
Aprés avoir résolu les problèmes de plan, de technique, de matériau de sa coque, l’amateur est confronté assez vite au problème du lest.
Certains empilent des gueuses de plomb dans une forme en acier, noyé dans la résine, ça marche. En acier inox, ça peut être superbe, mais la technique classique reste le lest rapporté coulé en fonte ( moins cher qu’ en plomb, la perte de performance est faible). C’est la solution que j’ai adopté en refaisant la quille du « Vardes » en 94.

Il faut successivement :

  • Faire un plan correspondant a la masse, surface de dérive et fixation prévue
  • L’adapter aux conseils du fondeur pour faire un moule male (un « modèle »)
  • Faire cette forme en bois
  • Expédier au fondeur et prier que tout se passe bien
  • Trouver un transporteur et un grutier à l’arrivée.
  • Poser le lest sous la coque

  • La technique
    La technique de fonderie est celle du moule perdu en sable. C’est très beau a voir, ne manquez pas de visiter la fonderie au moment de la négociation, et si possible de la coulée de votre lest !
    A partir du modèle, le fondeur tasse du sable spécial (réfractaire et adhésif) autour dans deux chassis, retire le modèle, réajuste les petits défauts, en ajoutant des trous et entonnoirs de coulée. Une poche de quelques tonnes en fusion a 1000° est coulée dans les chassis, avec jets de flammes par tout les trous (ouahh !, là c’est beau)
    Reste à démouler, corriger les bavures et usiner les filetages de fixation.

    Avant de faire un plan, vérifiez si par hasard votre lest ne correspond pas à un bateau existant ! car là il suffit de passer commande au fondeur qui a déjà le modèle (pas au chantier).Attention, avec un lest standard, vous devez adapter la coque au lest et non l’inverse : il faut y penser dés le plan de coque.

    On peut couler « à plat » entre deux chassis symétriques (cas des lests courants) ou en vertical si la forme le permet (lest en saumon),
    Le problème essentiel est le démoulage du modèle en bois dans les chassis de sable, sans casser le sable. Pensez a un paté de sable de votre enfance et vous aurez compris tout le problème (le sable de fonderie est un peu plus adhésif que le sable humide et on ajoute un enduit qui aide, mais en gros c’est pareil) Il faut des dépouilles de 5 à 10% dans le sens de démoulage, selon les conseils du fondeur.

    Une autre technique, si le fondeur a l’habitude, c’est le modèle perdu en mousse dure (de polyurethane quelque chose) la forme est beaucoup plus libre, mais on n’a droit qu’à un lest par modèle. La mousse brûle et disparaît totalement a la coulée .

    Je ne détaille que la technique « a plat » en modèle bois, que j’ai utilisé. Un très bon article qui m’a guidé est celui de loisirs nautique sur la conception de « jojo » de 93. Mon bateau était aussi en CP collé, donc beaucoup de trucs s’appliquaient.

    Le plan de lest
    Si l’architecte ne l’ a pas fait pour vous, vous devez calculer le lest :

    Les critéres de calcul d’un lest sont parfois incompatibles :

  • La masse est imposée par le déplacement total et le bilan de masse effectué par ailleurs, en conservant le couple de rappel d’origine si vous êtes content du comportement du bateau, en essayant de l’accroitre si vous voulez plus de raideur. Il faut un CG le plus bas possible pour donner du couple redresseur. Le CG total du bateau doit être à la verticale du centre de carène
  • La surface anti dérive, qui s’ajoute a celle de carène, pour stabiliser la marche au prés. Le centre de dérive total est a maintenir en gros aussi a l’aplomb du CC. Si le bateau était trop ardent ou mou, vous pouvez aussi modifier un peu ce paramètre
  • La surface d’appui sur le sol, si vous voulez caréner et béquiller sans BER , est à maintenir autour du CG, assez long si vous ne voulez pas avoir trop peur (au moins 10% de la longueur du bateau en avant et arrière), et pas trop « couteau » sinon votre bateau s’enfoncera dans le sol.
  • La liaison coque lest doit être assez simple pour que l’ajustement se fasse sans peine.
  • Le tirant d’eau doit correspondre a votre programme (1,75m pour les canaux )
  • La largeur en haut dépends de la résistance de fixation.
  • Pensez aussi au grutage : le positionnement de la sangle arrière, entre lest et hélice, doit se faire facilement sans l’aide d’un plongeur !

  • Quand on tire sur un critère, on pousse ailleurs ( exemple, en baissant le CG on doit renforcer la fixation, donc élargir le haut, donc on remonte le CG ! …)
    Comme tout cela est lié, il reste quand même le paramètre « épaisseur » pour ajuster la masse !
    Enfin si vous faites un modèle en bois, la forme doit être développable simplement en CP.
    Seul paramètre fixe : le matériau de densité 7 pour la fonte

    La masse
    Comme je n’avais pas de logiciel, j’ai refait la formule du volume d’une forme prismatique genre aile d’avion : un lest se compose en général d’un volume principal de ce genre avec un complément en haut de forme variable, et éventuellement un bulbe en bas.

    Surface d’une section « naca » de longueur L et largeur l :
    S=k x L x l
    (k=1 pour un rectangle et très proche de 0,7 sur tous les profils NACA « marine »)

    Volume d’un « conoide » (pseudo cone) constitué de génératrices droites reliant deux sections planes parallèles distantes de H et de longueurs et largeurs respectives L, l et L’, l’ :
    V=k/3.H [L.l+L’.l’+1/2(L’.l+L.l’)]
    (vérification de cohérence : pour un parallelepipede, on retrouve bien V=H.L.l)

    La masse mesurée du lest était de 2,15t, pour un calcul à 2,2T, c’est correct !

    La fixation lest-coque
    Sur ma bible « jojo », on perce des trous pour tiges avec des écrous externes : c’est dépassé, les fondeurs spécialistes savent percer et tarauder votre lest, et j’ai fait le plan de perçage associé.

    Les régles et résistances de boulons sont disponibles dans les « techniques de l’ingénieur » : filetages de 2 fois le diamètre en profondeur.
    Le lest tient avec 11 tiges de 20mm qui traversent les 4 varangues principales de la coque. L’écart entre les axes de boulons à la plus grande largeur est de 400mm, c’est le double de certains plans chantier pour un 12m, mais c’est une coque bois et je voulais de la sécurité.

    Pour garantir la jonction, elle est plane, mais inclinée à 10%, pour avoir un écoulement de l’eau dans les fonds vers la pompe. Le top, c’est un puisard en male dans la coque, s’ajustant sur le lest dans une cavité précise en femelle.

    Le modèle bois
    Après avoir bien défini les congés et dépouilles avec le fondeur, ainsi que le retrait prévu, vous refaites un plan en rapport pour le modèle (retrait typique : 3%, on fait le modèle 3% plus grand)

    Il est construit comme une petite coque, ou comme une aile d’avion, en CTBX de 5mm avec une dizaine de sections de renfort à l’intérieur en CTBX de 15mm. Les bords d’attaque avant et arrière sont en bois massif ordinaire (sapin) car il ne sert qu’une fois

    En principe, la dépouille est à faire uniquement a la semelle, et symétriquement. Si on fait une dépouille au plan de joint, la fixation a la coque sera un peu bancale, il faudra beaucoup de mastic.

    Après ponçage fin et vernissage, protéger, emballer et expédier , accompagné du plan de perçage!
    (attention, le plan de perçage est aux cotes réelles, sans retrait)

    Les fondeurs
    Au delà d’une tonne, il faut s’adresser aux spécialistes « plaisance » 2 ou 3 en France. En dessous d’1 T , beaucoup d’autres fondeurs sont équipés (exemple : fonderie Dechaumont à Muret 31).

    Le coût du transport est non négligeable entre l’Orne et Port Leucate, négociez le prix, qui va du simple au double selon les transporteurs (environ 3000f pour 2T) et prévoyez le rendez-vous avec la grue à l’arrivée, car le transporteur ne vous le déposera pas sur le quai.

    En principe, le fondeur vous renvoie le modèle en bon état (un peu noirci par le sable) et il fait la base d’une belle table de jardin…

    Le fondeur possible: SONOFOQUE dans l’ORNE

    Les prix : en 94 environ 12000f ttc pour un lest de 2T percé et taraudé avec peinture d’apprêt epoxy (hors transport et manutentions à l’arrivée)