Naufrage du léviathan : inutiles balises ?


Le 9 juin 2001, le Leviathan a disparu en mer alors que le naufrage était identifié et localisé, par balise. Aucune des autorités prévenues n'a agit en conséquence.


Les faits

9 juin 2001 : L'Armée française parade à Mayotte. Les grandes manœuvres Ylang viennent de commencer. Tout y est : Marine Nationale avec le Floréal, la Boudeuse, la Rieuse, la Grandière… Armée de l'air avec Mirages, Transalls, hélicoptères, avion ravitailleur, et enfin Armée de terre avec véhicules amphibies et légionnaires. Au total plus de 1200 hommes.

Pendant ce temps, à 240 miles plus au nord (soit moins d'une heure de vol pour un Transall), le Leviathan, voilier américain de 32 pieds avec 2 personnes à bord, fait naufrage dans l'indifférence la plus totale.

Retour en arrière. Quelques jours avant le naufrage, le Leviathan fait route entre les Chagos et Mayotte, en compagnie de trois autres voiliers. Arrivé au nord du Cap d'Ambre (Madagascar), le groupe rencontre de très mauvaises conditions météo (vent de SE 40 à 50 noeuds), et décide de se mettre à l'abri sous le vent de Farquar. En s'approchant, Leviathan talonne sur une patate. Le skipper aurait indiqué par VHF aux trois autres bateaux qu'il préférait reprendre le large, ne se sentant pas en sécurité près du récif ( mais il ne signale pas de voie d'eau à la suite du choc). Dans la soirée, à 19h58 TU, l'équipage déclenche sa balise de détresse, qui est aussitôt localisée dans les eaux seychelloises par 10°.3S/49.4E et identifiée par le centre de Toulouse, qui répercute 10mn plus tard le message au CROSRU à La Réunion. A son tour, celui-ci informe les navires équipés de système de télécommunication par satellite et les pays environnants, les Seychelles en particulier et l'Afrique du Sud dont les radioamateurs alertent aussitôt leurs collègues "maritimes mobiles

Beaucoup de gens sont donc informés et les plus hautes autorités en particulier. Cependant ni l'Armée française (qui se trouvait à moins d’une heure de Transall du naufrage) ni les Seychelles n'interviendront, ce qui conduira à la disparition totale du Léviathan et de son équipage. N'appelle-t-on pas cela  de la non-assistance à personne en danger ? La loi maritime ne fait-elle pas obligation de porter secours à un navire en perdition ?
Le 9 au matin, le Léviathan est absent du contact radio quotidien. Depuis, plus rien. Trois mois après aucune trace matérielle du Léviathan n'a pu être découverte.

La balise a fonctionné durant 8 heures en se déplaçant vers l'ouest à 8knt (selon le CROSRU qui avait d'abord annoncé 12knt durant 24h !!!). Que s’est-il passé ? Un démâtage suivi d'une perforation de la coque ou du rouf, des déferlantes qui submergent le bateau incontrôlable ? L'équipage a t-il tenté avec l'annexe (qui était gonflée en permanence sur le pont) de rejoindre Cosmoledo, située plus à l'ouest? Un des deux membres est-il tombé à l'eau ? Pourquoi la balise n’a t-elle fonctionné que 8 heures: pile ou submersion totale? Beaucoup de questions sans réponse... Ce qui est sûr, c'est que le bateau n'était pas en très bon état, embarquait beaucoup d'eau et avait connu quelques problèmes entre Maldives et Chagos, selon ceux qui ont rencontré cet équipage là-bas.


La légèreté des (non)intervenants :

Au-delà de la disparition de Paula et Rick Porter, le plus choquant dans cette affaire est le peu de considération  qui a été apporté à ce drame de la mer, dès son commencement, par tous ceux dont l'action pouvait être déterminante :

  • Alors que les conditions météo étaient très mauvaises sur la zone du naufrage, le CROSRU ne s'est pas véritablement mobilisé considérant dans un premier temps que le déclenchement de la balise était accidentel sous prétexte qu'elle n'avait fonctionné que 8 heures et s'était déplacée à la vitesse de 8 noeuds vers l'ouest. Mais alors pourquoi avoir informé les navires et les pays voisins ?
    Par la suite, malgré les informations inquiétantes (absence de radeau de survie, bateau embarquant beaucoup d'eau, silence radio) fournies par ceux qui connaissaient bien le Léviathan, la mobilisation du CROSRU ne sera pas plus active, se contentant de faire son travail d'information sans se préoccuper de savoir si des actions de sauvetage avaient été entreprises ou non.
  • Malgré les énormes moyens dont elle disposait, l'Armée française n'est pas intervenue. Il est attristant que pas un seul officier supérieur n'ait pris la décision " d'y aller ".  Où est le devoir de solidarité en mer ? Aux yeux des nombreux équipages étrangers présents à Mayotte, le prestige de la France est tombé bien bas.
  •  " Ce sont les eaux seychelloises, il faut passer par la voie diplomatique " m'a-t-on dit à la Préfecture de Mayotte. Mais il y a quelques mois, la Boudeuse ne s'est pas embarrassé de la voie diplomatique pour  aller sauver  les survivants d'un bac malgache qui venait de faire naufrage à Sainte Marie. Le commandant de la Boudeuse a fait son devoir, c'est normal. Mais pourquoi rien n'a été fait pour porter secours au Leviathan ?
  • Les Seychelles n'ont également rien fait. Même s'il ne dispose pas de moyens énormes, ce pays possède plusieurs vedettes militaires et un patrouilleur ainsi que des avions civils qui pouvaient intervenir rapidement.
    Plus surprenant encore, le capitaine du cargo Azarot en attente à Diego Suarez (soit à 160 NM du naufrage) a proposé aux autorités seychelloises d'intervenir. Réponse : " Inutile d'y aller, nous n'avons pas assez d'informations "
  • La Capitainerie de Mayotte n'a pas été informée de l'appel de détresse et n'a jamais diffusé par radio de message le concernant, alors que de nombreux navires croisant dans la zone sont à l'écoute du bulletin météo diffusé en clair quotidiennement.


Le 20 juin, soit 12 jours après le naufrage, un avion américain parti de Diego Garcia (un comble !) effectuera 3 survols de la zone mais sans résultat.


Les balises : faut il y croire ?

naufrage du leviathan inutiles balises Les possesseurs de balise seront sans doute choqués par cette lamentable histoire. Malheureusement elle n'est pas exceptionnelle. Hormis le long des côtes d'Europe où elle peut rendre service, il faut savoir qu'au grand large ou à proximité de pays peu développés, la balise ne sert qu'à rassurer son possesseur, à moins de s'appeler Isabelle Autissier et que l'événement soit couvert par les grands médias… Pour le navigateur anonyme point de salut…
Ce ne sont pas les fabricants de balises qu'il faut accuser : techniquement cela fonctionne très bien. Plus coupables sont les responsables du système SARSAT COSPAS *  qui laissent croire à l'aide de schémas très clairs mais complètement irréalistes qu'un avion viendra vous survoler dans l'heure qui suit le déclenchement. Un sauvetage, c'est d'abord une histoire d'argent . Bien souvent  les navires ou les pays concernés se dérobent sous divers prétextes hypocrites, ne sachant pas qui va payer . Pour les technocrates, une vie humaine ça ne vaut que quelques milliers de francs. Alors le calcul est vite fait…

* (Il serait souhaitable qu'ils prennent parti dans cette affaire afin d'obtenir tous les éclaircissement des pouvoirs publics)