Le voyage de mérovée


Autour du monde en bateau. L'Atlantique, le Pacifique, l'Océan Indien. Nicole, Tanguy, Marine et Jean-Michel ont choisi de partir en bateau, juste pour le plaisir, juste pour le mode de vie. Il ne nous est rien arrivé ...... que de grands moments de bonheur.


Mérovée à mis les voiles

le voyage de meroveeLong de ses douze mètres, assuré de ses quatorzes tonnes, Mérovée fêtera, cette année ses vingts ans, avec pour seul regret d’être obligé de souffler ses bougies à quai.

Déjà presque trois ans qu’il est là, amarré dans le port de Saint-Pierre à la Réunion, cette petite goutte d’eau de l’administration française en plein Océan Indien.

Trois ans sans caresser la moindre vague, sans caracoler au milieu des dauphins, sans sentir gonfler sa grand voile, seuls les clapots engendrés par les bateaux à moteur viennent de temps en temps rappeler que l’on n’est pas sur la terre ferme. Et même si sa grosse carcasse en acier aurait bien besoin d’un bon coup de peinture, tout le monde est prêt à mettre la main au pinceau si seulement cela pouvait accélérer le départ.

Mais ils le savent tous, ils ne pourront pas larguer les amarres avant deux ans. Le cinquième membre de la famille Maheu a encore le temps alors de faire peau neuve.
Heureusement encore qu’ils vivent à son bord, même s’ils ont quelque peu perdu l’habitude de lui parler, de l’encourager, il sait qu’ils ne lui feront pas d’infidélité. Ils ont bien essayé, il y a quelque temps d’habiter une case, mais ils n’ont pas tenu plus de deux mois «On ne s’entendait pas parler, la plupart du temps on parlait tout seul, c’était bien trop grand, nos voix se sont adaptées à l’espace du carré, nous avions l’impression d’être obligés de crier pour nous entendre».

En vérité, personne ne tenait vraiment à laisser Mérovée tout seul sur le port. Jean-Michel, Nicole, Tanguy et Marine n’ont pas vraiment jeté leur baluchon à terre, la Réunion n’est qu’une escale, même si celle-là est la plus longue qu’ils auront faite depuis dix ans. Surtout ne leur demandez pas ce qu’ils auraient voulus pour Noël, même Marine est prête à renoncer à ses rollers.

Nécessité oblige, les finances étant au plus bas, chacun prend son mal en patience en faisant semblant de ne pas trop y penser. Nicole s’affaire dans son cabinet d’infirmière, la cause de cette escale si longue, mais aussi la source de la nouvelle cagnotte, Jean-Michel s’occupe en louant des tentes et les enfants ont pris le rythme du collège. Une autre vie, celle des sédentaires que ni les uns ni les autres ne connaissent vraiment. «Je suis presque née sur le bateau» déclare fièrement Marine du haut de ses onzes ans, il est vrai qu’elle n’avait que dix-huit mois lorsque Mérovée a quitté le port de Toulon, le 22 août 1989. Tanguy n’avait que deux ans de plus, autant dire que l’une et l’autre ne savent pas ce qu’est la vie entre quatre murs, tout au moins n’en ont-ils pas le souvenir. Et ils ne peuvent pas compter sur leurs parents pour leur expliquer ce que cela signifie.

Certes, ils ont bien été propriétaires d’un petit appartement sur Paris ; ils avaient comme presque tout le monde pris un abonnement sur quinze ans. «Mais il nous manquait cette interrogation que nous avions toujours connue le matin en nous levant sur ce qu’allaient être les semaines à venir. Très vite nous nous sommes rendus compte que nous ne nous ferions pas à cette monotonie d’un travail fixe, réglé une fois pour toutes.».

Le départ, un bol d'air tant attendu

le voyage de meroveePourtant, Nicole exerçait son métier d’infirmière ce qu’elle faisait depuis qu’elle avait obtenu son diplôme ; Jean-Michel, lui, travaillait toujours dans le monde du parachutisme- il était même devenu directeur technique national adjoint de l’équipe de France de parachutisme. Or il se serait bien passé de cette prise de galons qui l’avait obligé à un travail de bureau. Il n’était pas dupe, il savait bien que ce titre ronflant de directeur technique n’était en fait qu’une mise au placard. Mais il l’avait bien cherché, on ne s’attaque pas impunément à un lobby, surtout lorsque celui-ci n’est autre que l’armée.
Parce que voilà, ce qu’ils cachent modestement, l’un comme l’autre, c’est qu’ils ont tous les deux fait partie de l’équipe nationale de parachutisme, qu’ils n’ont vécu pendant presque quinze ans qu’entre ciel et terre. Si Nicole exerçait bien son métier d’infirmière, ce n’était que de façon intermittente, entre chaque période d’entraînement. Elle passait plus de la moitié de l’année, sur les aérodromes, parachute sur le dos, pour vivre cette véritable passion qui pour Jean-Michel est une véritable drogue, à laquelle il s’efforce de ne plus toucher. Il y était pourtant accro, au point d’en faire en 1974, à 24 ans, son métier.
Tout a commencé pour lui un certain été de 1968 : «J’avais dix-huit ans et je ne comprenais plus vraiment pourquoi nous jetions des pavés sur les C.R.S. En même temps mon avenir était presque tracé. Mon père avait fondé une petite entreprise de prêt-à-porter, je suis fils unique, alors bien évidemment mes parents s’étaient imaginés que je reprendrais la suite. Pour moi, il n’en était pas question, je tenais, déjà, à cette époque, trop à mon libre arbitre pour me soumettre à une vie que je n’aurais pas choisie. Et je leur suis reconnaissant de ne pas avoir tout tenté pour me retenir lorsqu’un jour je leur ai annoncé que je voulais faire du parachutisme mon métier.» Cet été là donc, il s’inscrit à un stage de parachutisme et il mettra plus de vingt ans à atterrir.
Des années qu’il ne verra pas passer, toutes entières consacrées uniquement à cette passion : entre son métier de moniteur instructeur, de compétiteur sportif de haut niveau et d’entraîneur national à partir de 1981, il n’est pas un moment qui ne soit consacré au parachutisme. A tel point qu’il en oublie qu’il a construit une famille, qu’il a trois enfants et une femme qu’il ne voit quasiment pas. Un premier mariage qui ne survivra pas à cette vie de saltimbanque, sautant d’un aéro-club à l’autre, d’un pays à l’autre.
Une vie que seule une autre passionnée pouvait supporter. Et c’est peut-être le seul moment de leur vie où Jean-Michel et Nicole sont tombés dans le plus classique : il était son entraîneur, elle était sélectionnée dans l’équipe de France, ils partageaient la même passion, ils s’aimèrent et n’eurent … que deux enfants. Une belle histoire en sorte qui aurait pu se contenter de vivre dans la passion des airs. Mais c’était sans compter sur le caractère impétueux de Jean-Michel.

Un tournant décisif

le voyage de meroveeEn devenant entraîneur national de l’équipe de France de parachutisme, il décide d’en finir avec l’hégémonie des militaires. Est-ce parce qu’ils lui ont toujours fait barrage lors des sélections en équipe de France, ou parce qu’il ne supporte pas cet esprit trop rigide ? Une chose est certaine, il s’amuse toujours du fait qu’il a été réformé du service national pour inaptitude au saut en parachute. Toujours est-il qu’il avait réussi à obtenir un financement pour la préparation des athlètes ; ce qui l’obligeait à organiser une sélection des candidats. Les militaires ont refusé de se plier aux nouvelles exigences et l’ancien champion du monde, militaire de carrière, n’a pas franchi cette étape des sélections. Jean-Michel ne l’a pas accepté dans l’équipe de France. « Je savais que je m’attaquais à un énorme lobby, le sport parachutisme jouit de la plus grande aura dans le monde militaire. Mais j’ai tenu bon et les championnats du monde de 1984 ont eu lieu sans lui ». Le verdict ne s’est pas fait attendre longtemps ; quelques mois plus tard les militaires ont obtenu la mise au placard de Jean-Michel : «Au début je pensais que je pouvais tenir. Je continuais à critiquer cette mafia militaire, mais très vite j’ai dû me rendre à l’évidence : ils avaient fini par m’avoir et je devais me satisfaire de cette pseudo-promotion». Dans le même temps, Nicole avait commencé à renoncer au parachutisme, ses derniers sauts avaient eu lieu «en tandem»,… Tanguy avait volé avant de naître.
le voyage de meroveeEn 1986, Nicole et Jean-Michel entrent donc dans une nouvelle vie. Les parents de Jean-Michel n’y croient pas vraiment, ils le connaissent trop bien, voilà que leur fils décide à trente six ans d’avoir une vie normale ! Toutefois, Jean-Michel et Nicole achètent cet appartement à Paris ; ils s’installent, ils profitent paisiblement de leur nouvelle vie de famille. Un jour, l’idée leur vient puisqu’ils ont maintenant un peu plus de temps, qu’ils pourraient s’évader de Paris, le week-end, en faisant un peu de voile, comme cela juste pour s’aérer un peu. «J’avais fait un peu de voile quant j’étais gamin, pendant les grandes vacances ; le jeu de plage qui dégénère ; une occupation de vacances en somme. La dernière fois que j’étais monté sur un bateau, c’était à l’âge de dix-sept ans, avec un copain, on faisait la traversée Belle-Ile à Quiberon, on s’est essuyé un coup de vent, j’ai eu la peur de ma vie, le bateau était amoché, je n’avais jamais remis le pied sur l’eau depuis ». Il n’aurait pas dû alors parler à un collègue de cette envie d’escapade nautique. Ni une ni deux, ce dernier lui prête son bateau. Jean-Michel n’ose pas refuser, la petite famille se retrouve à bord d’un petit huit mètres pour une balade de huit jours le long des côtes bretonnes. Nicole est ravie, Tanguy n’a pas été malade et Jean-Michel a réussi, mais le parachutisme lui avait donné l’habitude de vaincre son appréhension. Rentrés à Paris, ils se disent même que cela pourrait être sympathique de s’acheter un petit bateau, que cela serait plus pratique, qu’ils pourraient en profiter plus souvent. Un petit voilier, juste pour faire quelques sorties en mer, simplement pour rompre la monotonie de la vie parisienne.

Quand nos rêves nous viennent...

le voyage de merovee«Mais, que diable avait-il besoin de m’accompagner à la Fnac ?! », se dit aujourd’hui encore sa mère. Parce que, même si elle ne l’a appris que bien plus tard, c’est un peu à cause d’elle qu’ils sont partis. «J’aimais bien la littérature maritime, les récits de voyage. J’avais lu ceux d’Antoine, ceux des frères Poncet, mais jamais je ne m’étais dit que j’aimerais bien faire ce qu’ils ont fait. Je les lisais simplement pour m’offrir cette part de rêve, par plaisir. Un jour j’accompagnais ma mère à la Fnac et je tombe sur le livre d’Antoine : Mettre les voiles, il explique comment faire pour partir à la voile, pourquoi naviguer, il montre que c’est facile, qu’il n’y a pas besoin d’être un vieux loup de mer pour réussir. Je l’achète : et là, le déclic ! Je rentre à l’appartement et déclare à Nicole que ça y est, j’ai la solution !» Comme tous ceux à qui il allait l’annoncer, Jean-Michel pouvait lire dans le regard de Nicole ce léger sourire que l’on adresse aux doux rêveurs. Mais elle ne s’oppose pas non plus vraiment à cette idée, cela faisait à peine un an qu’ils avaient posé leur sac et déjà la monotonie commençait à devenir pesante. Elle était même presque insupportable pour Jean-Michel ; il ne réussissait pas à se faire à cette vie cloîtrée dans un bureau. Il se lance alors dans ce qu’il appelle son marathon de lecture maritime. «J’ai lu tout ce qui avait trait de près ou de loin à la navigation ; en moins d’un ans j’avais épuisé toutes les librairies. Sans être un intellectuel c’était impressionnant avec quelle facilité j’enregistrais toutes les informations techniques, toutes les indications pratiques. Aujourd’hui encore je m’aperçois que celles-ci me sont bien utiles et que je ne les ai pas oubliées.» De fil en aiguille, le projet prend chaque jour un peu plus forme et les escapades maritimes prennent un autre sens. Jean-Michel applique les savoirs qu’il emmagasine dans ses livres et Nicole se fait peu à peu à l’idée que ce serait peut-être possible de partir. «Au départ, j’avais d’énormes réticences non pas par peur de la mer, ni même parce que ce projet était un peu fou, mais surtout pour les enfants. Je travaillais dans un service d’urgences à l’hôpital et chaque jour je voyais des enfants abîmés, des tendons coupés, des membres cassés, enfin de nombreux problèmes médicaux et chirurgicaux contre lesquels je ne pouvais rien faire. Alors partir avec des enfants, qui plus est en bas âge, cela me posait d’énormes soucis ; partir loin de tout sans pouvoir leur apporter ce que chacun peut attendre au niveau de la santé, ça a été vraiment la pierre d’achoppement et la source profonde de ma résistance. Pourtant, c’est vrai que la vie à bord nous plaisait bien. Nous étions allés jusqu’aux îles Scilly en Angleterre, Tanguy était tout petit, l’excursion s’était très bien passée, mais de là à dire on largue tout, il y a un grand pas à franchir. Pour Jean-Michel, c’était vraiment un déclic, j’ai eu un cheminement plus long, cela s’est fait petit à petit, mais une fois que j’avais franchi mes réticences, une fois que j’avais accepté et aussi fait ce choix, c’était fait, il n’était pas question de revenir en arrière.»
le voyage de meroveeEn fait, il ne s’écoulera pas tant de temps entre le déclic et la réalisation du projet ; trois petites années séparent le moment où Jean-Michel achète le livre d’Antoine et le départ. Le temps de se familiariser avec la mer avec le premier bateau, le temps de passer les permis nautiques, le temps de se préparer en somme. De plus, il fallait un bateau adapté, plus long, plus gros, plus habitable, plus navigable. Lorsque la décision fut prise de vendre le petit pour en acheter un plus gros, ils ne se posaient plus de questions, ils allaient partir. De toute façon, ils ne partaient pas pour longtemps, pas plus d’un an, c’est tout au moins ce qu’ils disaient aux amis, à la famille. Eux-mêmes ne savaient pas vraiment ; leur seul but n’avait été en définitive que de se rendre aux Antilles. A force d’en parler, de préparer leur projet, ils sentaient bien qu’ils ne pourraient plus faire marche arrière. Jean-Michel a pourtant bien cru qu’ils n’y arriveraient pas : ils étaient partis en Corse pour prendre en main Mérovée, leur nouveau bateau, pendant cinq semaines, ils se sont pris coup de vent sur coup de vent, ils se sont fait ballotter sans arrêt ; arrivés à Toulon Jean-Michel aurait compris que Nicole ne veuille plus partir : « Quand je lui ai demandé ce qu’elle avait pensé de nos vacances et qu’elle m’a répondu qu’elle trouvait ça pas mal, je me suis dit que c’était bon, nous étions pour ainsi dire partis.» Il ne restait plus qu’à finir les préparatifs, d’abord vendre l’appartement. Au prix où ils l’avaient acheté ils espéraient tout au plus pouvoir rembourser le crédit «Financièrement notre projet ne tenait pas du tout la route, nous nous étions endettés pour acheter le bateau, nous n’avions pas un sou vaillant, surtout nous ne pensions même pas réussir à vendre l’appartement. Mais, nous avons eu une chance et nous l’avons saisie ! Nous sommes tombés en plein boom de l’immobilier, la vente de l’appartement remboursait le crédit, nos dettes du bateau et nous assurait une cagnotte pour voir venir deux, trois ans sans travailler.». En quinze jours, l’appartement vendu, il ne restait plus qu’à démissionner. Fin mai, tout le monde déménage direction Toulon où il est prévu de passer trois mois pour aménager le bateau.

Une préparation soutenue

le voyage de meroveeMérovée les attend sur ses béquilles dans un petit chantier de Toulon ; il n’est pas seul, il y a là six ou sept bateaux en préparation ,eux aussi pour partir. Alors, lorsque les Parisiens débarquent avec leurs deux petits marmailles et qu’ils se mettent au boulot presque dix heures par jour en pensant pouvoir partir avant la fin août, tout le monde sourit avec complaisance. Au chantier, tous les préposés au départ avaient aussi été plein de certitudes et cela faisait maintenant plus d’un an pour certains qu’ils étaient là à essayer de partir. Les railleries ont quand même fini par se taire, lorsque fin Juillet Mérovée était presque prêt. Le 22 août 1989, plus d’un s’est dit qu’il faudrait bien qu’il se mette un sacré coup de pied dans le derrière lorsqu’il voit la proue de ses amis parisiens s’éloigner. «Nous avions travaillé comme des malades, sans même nous en rendre compte ; à partir du moment où nous avions quitté Paris, nous étions pour ainsi dire partis et le 22 août quand nous avons pris la mer nous étions exténués, mais tellement heureux !» Direction les Baléares, puis l’Espagne, d’où en quelques sauts de puce ils se retrouveront cinq jours plus tard à Tanger. Une petite promenade que nombre de plaisanciers font chaque année pour les vacances. Le premier grand pas à franchir est celui de Tanger à Madère, sept cent milles à parcourir, sept jours de navigation sans poser le pied-à-terre. «C’est le seul moment où nous avons hésité et où nous avons peut-être été un peu fous. Depuis le départ, Marine était malade, elle ne cessait pas de vomir, il était impossible de lui faire manger quoi que ce soit, de la faire boire ; cela commençait mal. Nous avons quand même décidé d’effectuer la traversée en nous disant que si cela ne s’arrangeait pas, nous arrêtions là notre aventure.» Deux jours de traversée et Marine se remettait à manger, le temps de «s’amariner» comme on dit. Trois cent milles de Madère aux Canaries, alors lorsque l’on vient d’en parcourir sept cents, on n’hésite pas. Là, c’est déjà un autre monde, dans les ports, sur la marina, il n’y a guère de touristes, la plupart des plaisanciers sont déjà des voyageurs qui le plus souvent font profiter les autres de leurs expériences, de leurs plaisirs, de leurs envies, de leurs conseils. «Tout notre voyage s’est nourri de ses rencontres, des envies, des désirs qu’elles créaient.». Trois semaines aux Canaries et les voilà repartis ; le Cap Vert d’où de toute façon il devient presque impossible de revenir pour cause de vents contraires ; et c’est le grand saut : la traversée de l’Atlantique, vingt jours de mer, la magie des grandes traversées : «Le temps n’a plus vraiment de consistance, il t’appartient. Tu es à la fois contemplatif et penseur : la mer… et tes réflexions se libèrent. C’est quelque peu  difficile à expliquer ; par exemple, lorsque la traversée ne dure que quelques jours, entre l’excitation du départ et celle de l’arrivée, tu n’as absolument pas le temps de t’installer dans cette durée, de ressentir en quelque sorte l’écoulement du temps.»
le voyage de meroveeEnsuite, c’est l’arrivée aux Antilles, le but qu’ils s’étaient fixés ou plutôt l’alibi qu’ils s’étaient donnés, car la cagnotte de bord leur accordait trois ans de voyage et ils avaient décidé d’en profiter. Les nombreuses rencontres leur donnaient à chaque fois de nouvelles envies : New-York «c’est l’arrivée qui, avec celle aux îles Marquises nous a le plus ému, les paysages, le mythe aussi de ces deux lieux, mais également l’attente. C’est peut-être là, la différence entre le voyageur et le touriste, notre esprit est en quelque sorte entièrement tendu vers notre destination, vers le pays dans lequel nous arrivons. Par exemple, en arrivant à New-York, il s’est passé huit heures entre le moment où nous avons vu le sommet des gratte-ciel et celui où nous avons posé le pied sur le sol américain. A peine le temps qu’il faut pour faire Paris- New-York en avion. Nous avons eu le temps d’observer, de nous approprier, de désirer ce paysage, alors que lorsque tu prends l’avion, tu pars avec tes soucis et tu n’as pour ainsi dire pas le temps de penser que tu vas à New-York, que tu y es déjà.» Les Bahamas, «nous avons rencontrés des gens qui revenaient du Québec, ils nous en ont parlé avec une telle ferveur, qu’ils nous ont donné envie d’y aller. Ils nous ont offert leur cartes marines, ils nous ont indiqué les endroits où faire escale, les bonnes adresses.» Ainsi, de rencontre en rencontre, de lecture en lecture, la petite famille Maheu chemine le long des côtes américaines. D’escale en escale, ils se retrouvent fin 92 à Panama : «La première porte qui ouvre sur un autre océan, le Pacifique ! La franchir signifiait que nous ne rentrions pas tout de suite. Nous ne nous sommes même pas posés la question. Nous n’avions pas envie de rentrer et nous étions curieux d’aller faire un tour dans le Pacifique. Même là, nous ne pensions pas faire le tour du monde, nous n’y avons jamais vraiment pensé. Nous nous sommes toujours laissés porter par nos désirs, par le plaisir de faire des rencontres, d’essayer de comprendre comment les habitants de la terre faisaient pour l’habiter Par deux fois, nos désirs ont été quelque peu influencés par la cagnotte de bord. La première, c’était à Nouméa, où nous sommes restés un peu plus de deux ans et la seconde c’est ici, à la Réunion. Mais nous n’avons pas envie de nous poser, dès que nous avons renfloué les caisses, nous repartons. En ce moment, nous rêvons d’Amérique du Sud. »

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