Le canal de suez


On l'attendait avec une certaine angoisse, on imaginait des tonnes de cargos, des jours d'attente, des paperasseries interminables, un flot d'alcool et de cigarettes en bakchich (Lucien nous parlait de 15 000 F de bakchich, dans les années 80, pour un 25 mètres, certes, mais tout de même), des rapines de ci de là. En fait, le canal de Suez, ça se passe relativement bien, sauf que la facture ressemble assez nettement à du n'importe quoi…

Avant d'arriver

le canal de suezPensez à passer un fax à l'agent de Port Saïd (voir plus bas) en lui précisant :

  • Le jour de votre arrivée
  • La liste d'équipage avec les numéros de passeports
  • La photocopie de l'acte de francisation

Ceci permettant une légère remise (25%) sur les frais d'agence et des formalités plus rapides. A savoir : évitez d'arriver le vendredi, c'est jour férié et ça coûte plus cher ; essayez d'arriver pendant les heures ouvrables.


L'approche

Nous l'avons effectuée de nuit : elle est facile. En approchant de Port Saïd, il suffit de suivre les gros culs qui convergent tous vers les zones de mouillages du port. Les feux marquants la grande digue sont assez déroutants car ils sont fixes… comme ceux des bateaux.
Heureusement, ici, il n'y a que des cargos, on les repère facilement. Il y a deux chenaux, un d'entrée à l'ouest, un de sortie à l'est ; prendre le premier. Les feux d'alignements… heu… on les a cherchés mais ils se perdent dans les lumières de la ville. Appelez votre agent sur le canal 16.

La marina de Port Saïd

le canal de suezDe nuit, la trouver est la vraie difficulté. En fait de marina, il s'agit d'un pauvre ponton tout pourri, dans un renfoncement, situé sur la rive Est du canal, juste avant le bac (qui fait la liaison entre les deux rives). On mouille cul à quai sur ancre. Le quai est du type " pas confortable ", très rouleur en raison des nombreux cargos qui passent à proximité.
En cherchant, on peut trouver une prise 220 V et un robinet d'eau. Les sanitaires ne sont pas très propres, mais pas très sales non plus. La marina est fermée par des grilles et des agents sont là, jour et nuit, pour surveiller les bateaux. On peut facilement aller en ville, de l'autre coté du canal, en utilisant le bac gratuit situé à 500 mètres en amont de la marina.


Les agents

Inutiles d'essayer d'y échapper : ils sont des intermédiaires obligatoires pour le transit du canal de Suez, selon le code maritime égyptien. Bonjour la mafia. De toute façon, ils vous alpaguent dès que vous mettez le pied à terre. A Port Saïd, vous tomberez sur l'agence Félix (tel : 20/66/333132, fax : 20/66/333510, flx@intouch.com) ou, si vous remontez de Port Suez à Port Saïd, sur le Prince of the Red Sea (20/66/605704, fax : 20/66/222126) : les hommes de l'agence vous amarreront à quai, puis vous demanderont vos passeports, puis vous répèteront " pas de problème, on s'occupe de tout ".

Et de tout, effectivement, ils s'occupent : formalités, démarches, achat et acheminement du gazole (en bidon), avitaillement, etc. Le seul truc dont ils ne s'occupent pas, c'est du tarif (" il n'y a pas de problème "), ça c'est le souci de celui qui a des sous, c'est à dire vous, et de toute façon, ils ne savent pas combien ça coûte. La bonne blague. Notez que les employés des agences ne manqueront pas de vous demander des bakchichs (voir plus loin pilotes et bakchichs).

Attention : le voilier français Aturé s'est fait voler 2000 US$ le 1er octobre 1999 par les employés de l'agence Felix à Port Suez. Les voleurs se sont introduits de nuit sur le bateau pendant le sommeil des propriétaires. Ces derniers se sont aperçus du méfait en arrivant à l'escale suivante, Djibouti.

Le tarif

On en rit (jaune) encore. Voici donc ce que nous avons payé pour un Feeling 416, en 1999, avec commentaires s'il vous plait :

  • Ministry of Maritime Transport : 128 $.C'est l'état qui coûte le plus cher. Il paraît que l'argent du canal part intégralement chez les militaires, mais ça, c'est leurs oignons.
  • Piloting : 68 $. Les pilotes sont plutôt bien payés (pour l'Egypte), c'est pourtant eux qui cherchent le bakchich. Félix Agency nous a précisé " Donnez entre 5 et 10$ à chaque pilote (il y en a deux), mais c'est vous qui voyez ". Hmm hmm…
  • Port Clearance during office hours from 8.00 to 14.00 : 15 $. Ah, les heures de bureaux c'est pas foulant ici.
  • Port Clearance after office hours and during holidays and feasts : 30 $. Ca nous apprendra à arriver de nuit un vendredi. Bien sur, les formalités ne pouvaient pas attendre le matin, et le tarif, on ne vous l'indique qu'au moment de payer.
  • Formalities for Yacht Transit Suez Canal : 20 $. Formalités, première.
  • Bank formalities and commision : 10 $. On a eu raison de les payer en livres égyptiennes…
  • Formalities for 4 persons on board 40 $ : Formalités, troisième.
  • Agency fees for two ports : 75 $. Boum ! Prends ça ! Notez que c'est là dessus qu'on peut grappiller 25% si l'on s'annonce par fax avant d'arriver à Port Saïd.
  • Explosive office dues : 12 $. C'est pour le gars qui est venu vérifier s'il y avait des armes à bord. Quel gars, ça, on sait pas, on ne l'a pas vu.
  • Insurance Dues : 3.2 $. Une assurance remorquage, si jamais le moteur tombe en panne pendant le transit.
  • Custom formalities dues : 10.2 $. Les douanes… Formalités, quatrième.
  • Official stamps : 25 $. Ci devant des timbres officiels dont on ne verra pas la couleur.
  • Port light dues : 3.5 $. Ca fait cher de la pauvre ampoule qui éclaire le port, mais soit…
  • Quaranteen doctor official dues during office hours : 2.3 $. Encore un, on ne sait pas qui c'est, il devait être en vacances
  • After office hours : 14.3 $. Ah bon ? Mais je croyais qu'on avait déjà payé ça…
  • Expenses : 14.6 $. Ben ça, les expenses, on sait ce que c'est, ça va vite.


Total : environ 470 $ (pour un Feeling 416). C'est quand même pas donné, mais bon, ça passerait mieux si les tarifs étaient clairement indiqués. Et c'est désagréable, cette impression, aussi, que cette ribambelle de chiffres n'est qu'une tentative de justification pour faire monter la note…

Le canal

On le traverse en deux jours, avec une étape obligatoire à Ismalia.

  • Longueur : 190 km
  • Distance Port-Saîd-Ismalia : 78 km
  • Distance Ismalia-Port-Suez : 84 km
  • Largeur : 300 m, 180 m entre les bouées
  • Tirant d'eau maximum : 53 pieds
  • Profondeur du canal : 20 mètres
  • Vitesse maximale autorisée : 7,5 nœuds
  • Ouverture du canal : 1869
  • Promoteur du projet : Ferdinand de Lesseps, qui s'est ensuite lancé dans le canal de Panama, et s'y est ensablé.
  • Prix moyen par passage pour un cargo : 70 000 $
  • Ambiance le long du canal : le désert n'est pas très beau, on se croirait sur un chantier de construction (sans construction). Beaucoup de guérites de militaires. Quelques pêcheurs.


Les pilotes et le bakchich

le canal de suezDeux pilotes viennent à bord : un par étape. Ils ne font pas grand-chose à bord, mais ce sont eux qui, en général, demandent un bakchich. Notre premier pilote, en arrivant à bord, a mal commencé : avant même de dire bonjour, il nous a aboyé : " 2 packets 'cigarettes " (pour son pote qu'il l'avait amené à notre bord). Ca fait toujours plaisir. Deux minutes après, il nous apprend qu'il y a une erreur de numéros de passeports dans les papiers de transit (remplis par lui). Il doit vérifier auprès d'un camarade, un peu plus loin sur le canal. " One packet'cigarettes ".
En fait de vérification, il lance le paquet et le papier de transit, au passage, à son pote : le papier tombe dans l'eau… et le pote récupère les clopes. D'accord. Par la suite, ce pilote se révèlera agréable, nous apprendra quelques mots d'arabe et nous montrera les rêgles égyptiennes du taola (backgammon), le jeu préféré des Egyptiens. En partant, il nous demande, gentiment mais en insistant, un présent : nous lui donnons 30 E£ (60 F) et un paquet de cigarettes, ce qui semble lui convenir.
Le deuxième pilote, c'est tout le contraire : il fut très agréable pendant le transit d'Ismalia à Port Suez, mais gourmand en backchich. Nous lui donnons 50 E£ (manque de monnaie) et un paquet de cigarettes, le voilà qu'il regimbe et s'étonne que nous ne donnions pas plus. Notez que le salaire moyen en Egypte est de 350 £ par mois. D'après le Red Sea Pilot, un bon moyen d'économiser les bakchichs de cigarettes, c'est de dire qu'il n'y a pas de fumeurs à bord ; mais il y a des chances pour que les pilotes se rabattent sur autre chose. Dans tous les cas, quel que soit ce que l'on donne, c'est toujours trop peu, la famille est grande, les aïeux ont faim, le bakchich est une tradition séculaire, on s'est arraché sang et sueur pour vous, etc.
Après coup, nous avons entendu parler de méthodes efficaces pour passer Suez sans douleur.

  • Préparer une enveloppe épaisse en billets de 1 US$, la montrer au pilote et lui dire : "C'est pour toi, mais on y puisera à chaque fois qu'un backchich nous sera demandé".
  • D'après un navigateur que nous avons rencontré, les backchichs ne sont pas autorisés par la direction du canal. Ledit navigateur, confronté à un pilote gourmant, a fait semblant d'appeler la "canal autority" sur le 16 : le pilote s'est tout de suite calmé. A vérifier...


Ismalia et Port Suez

le canal de suezCe sont les deux étapes en milieu et fin de canal (enfin, ça dépend dans quel sens on le prend). Marinas sommaires mais bien gardées , possibilité de faire le plein d'eau douce. Profitez-en pour ravitailler, la bouffe est vraiment pas chère. A Port Suez, le ponton ne peut accueillir qu'un bateau à la fois, les autres mouillent tête et cul sur corps-morts. Info : il y a une machine à laver au Yacht Club de Suez.

Attention : si les ports sont gardés, méfiez vous des gardiens. Un vol d'une importante somme d'argent a été signalée à Port Suez. Fortes suspicions autour de l'agent de Port Suez.
Quelques tarifs : - Gazole : 0,35 $ par litre - Viande : 40 F/kilo - Légumes : pas chers ! - Taxi-bus : 50 centimes par course - Un plat dans un restaurant populaire : de 3 à 20 F