Islotes columbretes (espagne)


il y a peu de mouillages isolés et sauvages entre la Costa Brava et les Baléares: les Columbretes sont pourtant faciles d'accés et l'abris y est bon

à chacun son cap Horn!..

islotes columbretesles iles maudites...

Parmis les grandes énigmes du bassin Ouest de la méditerranée, les ilôts des Columbretes, qui apparaissent comme une tache de mouche entre les Baléares et la Costa Brava nous ont fait rèver dès que nous sommes arrivés de Bretagne en Méditerranée il y a vingt ans . Deux expéditions audacieuses effectuées en 86 et 92 se sont soldées par un échec: les extraits de journal de bord de ces journées tragiques montrent bien qu'une malédiction planait sur ces parages...
Aujourd'hui , nous pouvons affirmer que le mystère n'existe plus:

Les Columbretes existent bien, on peut y aller facilement, et il n'y a (presque) personne même en plein mois d'Aout!

L'expédition de 86

A Chaque croisière aux baléares, on se disait qu'il faudrait revenir par les Columbretes, qui nous narguaient sur la carte .
Une année c'était décidé, on y allait, et on commencerait par là, en descendant la côte espagnole: Aprés une semaine de sauts de puces, en se levant tard et en rentrant tôt au port suivant, nous n'étions encore qu'a Tarragone! . A ce propos, entrer en voilier dans l'immense port industriel de Tarragone, avec les cargos de charbon, de ciment, les pétroliers etc..est une expérience . On est loin des calas enchanteresses, et le port de plaisance est tout au fond, avec des grilles épaisses pour le protéger des agressions urbaines! affreux (mais pas cher).

Dernière étape vers le delta de l'Ebre , et à nous les Columbretes! On commence à distinguer au loin les arbres de la côte plate du cabo Tortosa, au moteur bien sûr, car à partir de Barcelone le vent est nul, sous une chaleur pesante. Un bruit effroyable sort soudain du compartiment moteur: arrétez tout! hissez la voile! (a tout hasard, car le vent est nul!).

La Dynastart du Volvo s'est détachée en deux: le flasque avant dévissé, la poulie tourne en grondant.. Aprés dépose de la courroie et gràce a la manivelle du Volvo (merveilleux accessoire!) le moteur repart, direction le port le plus proche...Un mecano sympathique dans un quartier lointain et poussièreux arrive à tourner l'axe et ajuster une poulie rapportée... Mais c'est deux jours de perdu, et il faut commencer à remonter vers Barcelone.  Nous n'irons pas aux Columbretes!

La tentative de 92

Cinq ans aprés, nous descendons direct sur Ibiza, et aprés quelques soirées mémorables à San Antonio de Abad ( c'était l'époque "drag-queen "qui commençait, avant l'envahissement des anglais ..) on est prét à revenir par les ilots mythiques..on n'a pas de cartes des ilots: on en copie une rapidement à la main sur celle d'un voisin de mouillage. Départ !

En sortant du port, une mer énorme de secteur Nord nous accueille (bon, elle nous paraissait énorme, pour des Méditerranéens que nous étions devenus: au moins 2m de creux), le ciel est noir, ça piaule,rien ne va plus...demi tour vers la cala la plus proche ( Nord de San Antonio) ou nous passons soirée et nuit sous un orage d'enfer, avec trois ancres empennelées.. les Columbretes sont maudites! .. retour pas fier vers San Antonio, dans une incroyable houle résiduelle, jamais vue depuis en Méditerranée.
Il ne nous reste plus qu'à revenir par Majorque et San Filiu, comme chaque année...Au fait l'ilot en face de San Antonio d'ou nous avions appareillé s'appelle "la conejera" ça ne vous dit rien? (c'est la garenne!)

Les Columbretes enfin vaincues!.

Encore cinq ans aprés (oui!) nous avons vraiment un mois de vacances, et nous avons en tête le Grand Tour des Baléares! Personne ne parle des Columbretes mais tout le monde y pense..Surtout ne pas braver la malédiction...On veille particulièrement à ce que rien à bord n'évoque le rongeur à grandes oreilles.

L'équipage: Marie Françoise,Michel, Anne, Romain, Eric et Laurent, est rassemblé le 20 Juillet et le "Vardes"est fin prèt à Port-Leucate quand le coup de tramontane se calme.
Mouillage habituel à port-Lligat, aprés le merveilleux passage de Creus, pour se relaxer, puis le lendemain départ pour le "grand tour" (comme pour un Vendée Globe) avec un petit vent d'Est aprés le cap San Sebastian, cap au 184°!

Majorque apparait dans la brume au petit matin et le "Vardes" mouille à Porto Soller à l'heure pour le déjeuner,  puis une nuit à Dragonera, ilot tranquille avec une cala sympathique (place pour trois au maximum), puis petite traversée au portant (!) vers la cala san Vicente à Ibiza, tour de l'ile par l'Est en flânant: Tagomago, Santa Eulalia (marina correcte), Ivice (le capitaine du port est un escroc), Espalmador (deux jours, merveilleux...) puis la côte Ouest: les iles Vedras (grandiose), la Conejera (infestée de moustiques), et nous voici à nouveau à san Antonio de Abad!

Le "grand tour" oblige à finir au moins celui d'Ibiza , par Portinax, et la cala san Miguel: toujours superbes. A san Miguel , tout est fermé, car c'est la fète annuelle, le ravitaillement oblige à revenir à San Antonio. Poussés par l'emploi du temps (ramener Anne et Eric au train sur le continent avant deux jours) il reste à choisir entre une route directe vers Barcelone, et l'escale aux Columbretes.  

Appareillage vers 14h: bon, je sais, c'est un peu tard pour arriver avant la nuit, mais les enfants voulaient absolument nous préparer un "chili con carne", seule recette qu'ils pratiquent avec succès (avec les spaghettis). L'estomac bien chargé, avec une brise portante ( vous avez bien lu!) le choix est vite tranché: cap sur les iles maudites!
La petite traversée se fait idéalement, mais la nuit tombe évidemment bien avant de voir les ilots.. Inquiétude et malaise.. la carte (une vraie!) est cependant rassurante, avec le cap direct de san Antonio vers la grande Columbrete, on évite les autres cailloux assez périlleux de nuit.

Enfin , le phare de monte Colibri apparait sous la grande ourse, puis les deux feux de l'entrée de Puerto Ferraia. Séquence émotion.. Puerto Ferraia n'a de "puerto" que le nom: c'est une anse naturelle de roches, pas trés franche à l'entrée, et le mouillage lui même semble avoir quelques cailloux.

L'arrivée à puerto Ferraia restera longtemps dans le souvenir familial: A 1h il fait nuit noire, sans la moindre lumière de bateaux ou de présence humaine, on voit l'écume et on entends le clapot qui brise à l'entrée, les enfants sur le pont avec des torches éclairent les parois rocheuses, qui semblent diaboliquement proches. On cherche une place au sondeur, les lampes détectent deux bateaux, un coffre, sans doute pour la marine espagnole...7m de fond, puis une manoeuvre d'ancre impeccable, on y est!

Un espagnol inquiet émerge de son cockpit et nous crie "bouées!" il faut prendre les coffres, on relève et on accroche le premier libre...Et le champagne mis spécialement au frais sort enfin de sa cachette (un seau de cubitos: il y en a donc qui y croyaient?) Ce fut le meilleur champagne jamais bu sur le '"Vardes" aprés celui de la mise à l'eau...

retour sur terre

Aprés une courte nuit de sommeil (lourde), le petit matin résonne du bruit joyeux d'un diesel proche et sans silencieux: en sortant dans le cockpit une tartine à la main, les yeus encore collés, la situation apparait plus clairement:

Nous sommes accrochés au coffre de service, à 20m de la cale, et un tracteur transporte des sacs de ciment sur l'unique chemin vers le phare. le port immense est quasi vide (quatre bateaux) et il y avait une demi douzaine de bouées libres, le notre étant marqué "reservado servicio". Au vu du tas de sacs restant a remuer, et du bruit du tracteur, le départ est urgent. Le zodiac des gardes vient nous le confirmer aimablement car un bateau doit décharger du matériel et nous tourne autour..

Depuis une bouée plus calme on peut conclure: L'arrivée même de nuit ne pose en fait aucun problème, car les cailloux indiqués sur la carte dans le mouillage sont à moins 3m, et en longeant la falaise Nord, on évite les rochers du Sud, le mouillage est trés facile sur les bouées. Il y a de la place, et aucun Sunseekers ou scooter pétaradant à craindre.
Il n'y a vraiment que les purs qui y font escale: un espagnol arrive sous nos yeux a la voile, fait le tour du mouillage et prends un coffre sous foc seul: promis on fera comme ça la prochaine fois (et de nuit en plus!)

photo: le cap Creus, passage obligé du "grand tour " des Baléares




Los islotes Columbretes

islotes columbretesApproche et situation

C'est un ensemble de cailloux en quatre groupes, seul l'ile principale est abordable: la "Grande Columbrete" , qui fait un fer a cheval de falaise autour du mouillage naturel. Il s'appelle "Puerto Tofino" ou "Puerto Ferraia" selon les cartes (encore un mystère à éclaircir)

C'est une réserve naturelle, la pèche est interdite , mais les chalutiers tournent trés près autour, avec des lamparos la nuit, pour récuperer les quelques poissons égarés. Les cailloux non balisés dépassent bien, la navigation de jour est sans risques, la nuit seul l'accès au mouillage principal est posssible, avec les feux d'entrée.

Bien sûr, il n'y a absolument rien, pas de robinet, pas de bar, pas un arbre, pas un buisson, ce qui explique sans doute en partie le calme du mouillage en plein mois d'Aout..
 
photo: carte de la grande Columbrete, relevée à la main (!)


conclusion

Je vous entends ricaner, les tourdumondistes , qui ne frémissez qu'aux déferlantes du grand Sud, ou aux raies Manta qui frôlent la coque aux Tuamotus...N'importe quel couillon à moteur peut aller aux Columbretes en 2 heures depuis Peniscola! ...D'accord, mais avez vous noté que cette derniére croisière s'est faite à la voile et au portant !!! voilà une aventure unique en méditerranée, non?