Fiji : pourtant tout allait bien


Atterrissage aux Fiji, naissance d'une ile.

Pourtant tout allait bien
En vue des îles FIJI – île TAVEUNI atterrissage refusé -vent contraire

Vraiment trop fatigués, trop désappointés pour raconter ces dernières 24 heures. Une envie de dormir terrible tous les deux ; troisième nuit qui commence sans sommeil.
Assez de se faire baratter, malmener, d’entendre taper la mer sur la coque, de subir l’assaut des vagues ; de se faire tremper alors que l’on était sec une minute plus tôt : une vague qui monte plus haut et vient exploser jusque dans le cockpit.

Marie-Ange, malgré un mal de mer persistant, le roulis et les à-coups, a préparé un plan de replis. Nous fuyons vers le Nord au milieu de champs de coraux et allons virer laborieusement la pointe de l’île VANUA LEVU des FIJI dont par chance le phare fonctionne, pour la longer vers l’Ouest à 5 milles de la ceinture de corail qui la borde.

fiji pourtant tout allait bien
Le vent d'ouest n’a pas cessé de monter, de rugir, de tout secouer : 35 à 40 nœuds soulevant une mer forte. Nous n’avons maintenant que nos voiles pour avancer. La nuit est noire, sans étoile, le ciel est couvert de nuages, nous fonçons dans une nuit totale, voiles réduites mais tellement gonflées qu’elles nous donnent l’impression d’être prêtes à se déchirer.
Nous faisons par force confiance à la carte électronique qui ici est juste et, à notre régulateur. Les feux en tête de mât sont allumés, nous sommes dans le cockpit transis par la pluie et les vagues qui nous ont mouillées ; mais aussi tellement épuisés.
Allongés sur les bancs, à demi endormis, on laisse le bateau aller. Juste une ou deux émergences de notre part pour une correction urgente du cap, qui nous menait droit sur le corail, et nous retombons dans une léthargie réparatrice.
Au nord de l’île nous sommes à l’abri de la forte houle croisée, le bateau est plus stable, dans la tempête on retrouve une sorte d’apaisement. Les idées noires s’effacent comme l’angoisse de devoir aller sur le pont la nuit, en plein tourment, d’affronter la violence du vent, les mouvements imprévisibles, subis et désarçonnants du bateau.
Que faire si l’on est projeté par-dessus bord ? Sans moteur pour virer ou tenter une manœuvre, pour descendre le reste de voile encore dehors. Le bateau s’éloignerait vite, les creux sont tels, la mer et la nuit si noires. Comment voir une tête, entendre un appel ?
L’impression de désespoir de ne pouvoir rien faire et de s’éloigner chaque seconde plus vite, de se perdre doit être atroce. Nous portons un cyallume accroché autour du cou afin de pouvoir nous signaler si l’on tombait à l’eau, ou peut être simplement de prolonger l’agonie.
Pourtant tout allait bien, nous avons quitté l’île de WALLIS le lundi 18 septembre 2006, en compagnie d’un bateau-ami STEPHILANN. Dans la journée le vent monte, nous commençons à cavaler malgré des voiles très réduites. Toute la nuit des gros nuages noirs énormes, passent sur nos têtes apportant vent et pluie. Au jour le lendemain le temps n’a guère changé à l’exception des masses nuageuses qui ne sont plus rondes mais allongées. Le vent toujours aussi fort, la vitesse rapide, consolation de se dire que demain matin nous serons arrivés à notre premier mouillage des FIJI. Abri et repos.
Mercredi 20 dés 6 heures, le vent si fort, tombe progressivement puis, nous fait défaut, il faut finir au moteur les derniers 15 milles. Surprenant, le vent a tourné par l’ouest et l’avons de face. La halte prévue n’est plus à retenir, elle serait inconfortable. Un autre mouillage, une autre passe est choisie un peu plus loin.
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Eruption volcanique et moteur calé
Une éruption volcanique sous marine a eu lieu il y a deux mois dans le Sud. Et nos bateaux sont ralentis par le vent contraire et freiné par d’immenses traînées et nappes jaunâtres dérivantes de poussières, miettes, boules et masses grosses comme le poing de pierres ponces.
Frottement le long de la coque, sauts en l’air, soulevés par les vagues et les plongeons de la proue dans les creux. Le pont en est couvert, elles roulent de l’avant à l’arrière.

fiji pourtant tout allait bien

Le temps est mauvais, ciel bas et couvert jusqu’à l’horizon, pluie incessante, visibilité courte, une impression de naviguer dans le brouillard, le vent a repris avec violence contre nous, creux de 4 mètres.
Toujours au moteur, nous approchons la passe sans rien voir. Par V.H.F. nous nous partageons l’observation. STEPHILANN surveille l’apparition d’un îlot à tribord, nous sur la gauche celui du corail. L’un et l’autre ne seront vus ; l’information est transmise mais point de passe qui doit être étroite. André propose d’essayer de trouver une deuxième non loin plus ouverte.
Dans la grisaille et la pluie nous nous y dirigeons. Le havre, le calme, le repos sont là à un mille, dans une heure nous serons à l’ancre, à l’abri, la tourmente terminée. Dormir, dormir, dormir.
Mauvaise fortune, déception, l’alarme de notre moteur vient de se déclencher. Le voyant de température s’est allumé, le moteur n’est plus refroidi et va s’arrêter, nous le coupons et partons en fuite sous voiles. Perdant vite de vue STEPHILANN, lui apprenant notre malchance et l’impossibilité d’entrer dans le lagon, vent contre nous.
Nous partons à la voile en fuite vers le Nord à travers les tapis de scories et parmi les bancs de coraux que nous ne voyons pas. Marie-Ange établit à l’ordinateur un plan de sauvetage, une nouvelle route, rejoindre au Nord le large, et continuer vers l’Ouest, longeant VANUA LEVU espérant être protégés du vent de Sud Ouest qui s’est mis à souffler jusqu’à 45 noeuds.
.Les vagues pleines de ces scories heurtant avec force la coque du bateau ont à demi effacé l'inscription de Sailrover peinte sur les cagnards. Nous avons aussi retrouvé des crevettes collées sur les hublots et des poissons volants et calamars éparpillés sur le pont.
Nous apprendrons plus tard qu’une île est née le 10 Novembre 2006 au large des îles TONGA entre le Métis Shoal et l'île de Late 174°E 180°S. Sa superficie dépasse 1.500 m.
Pendant ce temps, je plonge le nez dans le moteur. Ouvrir la pompe à eau de mer. La turbine est impeccable. Le filtre non bouché. Souffler dans l’aspiration et les conduites. Remonter. Rien de mieux. Epuisé par ces 60 heures sans sommeil, nos épreuves, le mauvais temps, j’arrête les investigations pour l’instant….
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http://pagesperso-orange.fr/sailrover