Courbe de consommation, régime moteur et hélice


Plusieurs matelots cherchent à établir une courbe de consommation de leur bateau en fonction du régime moteur; certains proposent de partir de la courbe fournie, le plus souvent, par le constructeur du moteur, et d'en déduire leur consommation à tel ou tel régime... ce n'est hélas pas aussi simple

Pour prévoir la consommation d'un bateau fonctionnant au moteur, il convient de tenir compte de tous les éléments entrant en jeu dans la puissance développée par le moteur à un régime donné; ces éléments sont nombreux, et souvent très variables, presque impossibles à modéliser mathématiquement de façon rigoureuse. Essayons d'y voir plus clair...

Quelques rappels:

1- ce n'est pas le moteur qui fait avancer un bateau, c'est la poussée de l'hélice (entraînée par le moteur, certes), poussée éminemment variable, fonction de sa vitesse de rotation, mais aussi de son "recul" (c'est à dire la façon dont elle "patine" dans l'eau), lui-même dépendant des caractéristiques propres de l'hélice, mais aussi de la vitesse propre de bateau, de la façon dont il entraine l'eau (ses caractéristiques hydrodynamiques), donc de l'état de saleté de la carène (et de l'hélice!), de l'influence des éléments extérieurs (vent, vagues...); de fait, la courbe de poussée développée par l'hélice est liée à un ensemble hélice-carène-conditions de navigation propre non seulement à chaque bateau équipé, mais même à chaque voyage. La seule chose que l'on sait avec quelque certitude, c'est que la poussée de l'hélice varie comme une fonction exponentielle de son régime de rotation (elle augmente d'abord très doucement pour prendre ensuite une pente de plus en plus raide), pour simplifier une courbe en forme de parabole. La chose se complique encore du fait qu'une hélice est loin d'avoir un rendement égal à 1, et que la puissance restituée est toujours inférieure à la puissance absorbée.

2- la courbe de consommation du moteur, fournie par le fabriquant, est ce que consommerait ce moteur fournissant le maximum de couple (donc de puissance) possible à chaque régime; à un même régime, un moteur peut consommer beaucoup (s'il produit le couple maximum) ou très peu, si on lui demande juste de tourner, sans charge; ce n'est donc pas le régime moteur qui détermine la consommation réelle d'un moteur, mais la puissance qu'il fournit; la seule chose que l'on peut connaitre avec (presque) certitude, c'est sa consommation spécifique (la quantité de fuel consommée par KWh fourni) à chaque régime...

3- quand un moteur est accouplé à une hélice et la fait tourner en régime stabilisé, il est certain que la puissance fournie par le moteur à tel régime est égale à la puissance absorbée par l'hélice à ce régime; si ce n'était pas le cas, le moteur serait en situation de déséquilibre et accélèrerait ou décelèrerait, jusqu'à trouver un nouvel équilibre. Nous pouvons donc dire que le facteur déterminant pour apprécier la consommation d'un moteur est la puissance absorbée par l'hélice, puissance qui varie fortement en fonction des éléments que l'on a rappelés au §1. Et cette puissance absorbée ne coïncide jamais avec la courbe de puissance du moteur mesurée au banc, sauf au régime maxi (enfin, si l'adaptation de l'hélice a été bien faite).

La conclusion de tout cela est que la seule façon exacte (à l'erreur de mesure près) d'évaluer la courbe de consommation d'un bateau est de l'établir soi-même en effectuant les mesures de consommation les plus précises possible; il est même nécessaire d'en faire plusieurs (une avec coque propre, une avec coque moyenne, une avec vent de face F3,etc...) afin d'avoir un échantillonnage représentatif...
L'autre façon de faire (c'est la mienne) est de vérifier de temps en temps le niveau de gaz-oil...

autre conclusion: toute communication d'une marque de moteur vantant son couple à tel régime, sa "nervosité", ou la forme de sa courbe de puissance, n'est que bouillie de chat à destination des enfants de choeur; cela n'a aucune importance pour nos bateau; par contre, la courbe de la consommation spécifique en a une, puisqu'elle permet de choisir le régime auquel on consomme le moins au mile parcouru...