Retours sur la formation capitaine 200 voile


Ça y est, je viens de finir la formation de skipper pro, officiellement "capitaine 200 voile" . Tout s'est bien passé, et si je n'ai pas encore les résultats officiels, j'ai l'assurance que c'est bon. Reste maintenant à en faire quelque chose, et ce n'est pas le plus simple! Je vais vous raconter un peu comment ça s'est passé. J'ai eu quelques surprises, surtout que j'avais monté le projet un peu dans la précipitation du Plan de Départ Volontaire de Continental où je bossais, et j'avais pas pris le temps de comprendre comment tout ça marchait! Il se peut que certains d'entre vous aient cette idée là quelque part, alors voilà toute l'histoire.

Prérogatives des brevets
La première chose à savoir, c'est que la formation ne donne que le diplôme, et non le brevet. C'est à dire qu'à la fin de la formation, je n'ai pas le droit d'exercer en tant que skipper. La différence? Pour valider le brevet, il faut 12 mois de navigation professionnelle, c'est à dire enrôlé sur le rôle d'équipage, payé et déclaré à l'ENIM, la sécurité sociale des marins. Alors seulement mon brevet sera reconnu. Les navigations effectuées en plaisance ou bénévole ne peuvent être comptabilisées, sauf cas très particulier pour ces dernières. Les navigations professionnelles sous pavillon étranger peuvent être prises en compte, mais il faut blinder les justificatifs. Par contre les navigation déclarées à l'URSSAFF, donc effectuées dans l'illégalité puisque sans les brevets, peuvent être prises en compte si elles sont justifiées (contrats, fiches de paie). Ne cherchez pas la cohérence !

Dans certains cas, il est possible d'obtenir une dérogation des Aff Mat. Celle-ci sera plus facilement accordée si il y a déjà un début de validation, si la navigation envisagée est limitée, et sans passagers. C'est l'armateur qui demande la dérogation, pas le skipper (mais ça peut être la même personne).

De plus, pour pouvoir aller au delà de 200 NM de la côte, il faut avoir exercé un an en tant que skipper. Donc si je fais tout dans les règles, il faut que je trouve d'abord un an d'embarquement en tant que matelot de base (sur n'importe quelle navire, même le ferry boat du vieux port de Marseille!), puis que je travaille un an comme skipper "côtier" sur un voilier.

Ces limitations n'étaient claires pour aucun d'entre nous avant la formation, et ont pas mal plombé notre moral pendant 6 mois !!!!

Important, tous ces brevets sont STCW 95 et sont valables dans tous les pays de l'Organisation Maritime Internationale, avec parfois des restrictions nationales (le capitaine d'un navire français doit être français, sur un navire anglais il faut parler anglais, etc....). Le BBPV n'était pas STCW, c'est pour ça qu'il a changé. Je crois que le Yacht Master n'est pas STCW, mais que l'Ocean Master l'est.

A noter qu'un professionnel est forcément astreint au SMDSM et doit embarquer un équipement radio un peu différent d'un plaisancier. Avec seulement le CRO et une VHF ASN (modèle pro), il peut aller en zone A1, c'est à dire la zone couverte depuis la terre par les sémaphores et autres en VHF. Pour la France, cette zone s'étend par décret à 20 NM des côtes, avec un élargissement pour les voiliers à 60 NM qui permet d'aller en Corse. Aux Antilles, il n'y a pas de zone A1 du tout. Pour aller plus loin, ou aux Antilles donc, il faut le Certificat Général d'Opérateur (2 semaines et 850€ de plus) et le matériel (satellite ou BLU) qui va avec.

Et pour aller au delà de 200NM avec des passagers, il faut le médical 3, deux semaines là aussi avec un stage à l'hôpital, côté blouse blanche.

Organisation des brevets

La deuxième chose importante, c'est que la formation se fait par modules. Même si le Lycée de la Mer à Sète fait un forfait global, il est aussi possible de s'organiser autrement. A noter qu'il est impossible de passer les examens en candidat libre, la formation est obligatoire. Ces modules sont:

* Le module 1 "sécurité". Complètement pipeau, il consiste à savoir lire un écran radar, connaître un minimum de règles de sécurité pour les passagers, enfiler une combi de survie et tirer un feu à main. C'est du contrôle continu (on a eu un petit test, on ne savait même pas que c'était un module!!!). Mais il est obligatoire pour passer les modules suivants. Les stages survie ISAF ou le BAEERS sont bien plus intéressants.
* Le module 2 "pont". Assez gros, il correspond au permis hauturier pour le contenu, en beaucoup plus strict. Ça inclue une grosse épreuve de cartes, de la législation (droit du travail surtout), une connaissance parfaite du RIPAM (avec un célèbre "test probatoire" d'un 1/4 d'heure auquel l'échec éventuel mettrait un point final à la formation), la rédaction du fameux "rapport de mer" et de la pratique sur un bateau à moteur. Pour le reste, quelques oraux sur la météo, etc.... sans grande difficulté.
* Le module 3 "machine" alias PCMM - Permis de Conduire les Moteurs Marins 250 kW. Important également, avec des notions d'électricité et de moteurs, mais rien côté pratique (pas de clefs à molette ;-) à part le démarrage d'un vieux Baudoin DK3 à air comprimé, qui nécessite d'avoir tout bien compris. Côté théorie par contre, un gros oral et la rédaction d'un "rapport d'avarie" où on analyse une panne imaginaire.
* Le stage feu, qui donne quelques notions sur les spécificités d'un incendie sur un bateau (acier) et les moyens de lutte.
* Le Certificat Restreint d'Opérateur radio, équivalent professionnel du CRR.
* Le stage Médical 2 d'une semaine, avec l'intervention d'un urgentiste du CCMM de Purpan et l'AFPS (secouriste).

Avec çà on peut être capitaine 200 sur un bateau à moteur de moins de 200 UMS (environ 100 Tx) et moins de 250kW de puissance moteur. On pourrait aussi être chef mécano, sauf qu'à ce niveau le capitaine peut être polyvalent, c'est à dire qu'il fait tout. Sur des bateaux plus gros ou plus puissants ce n'est plus vrai, même s'il a les diplômes requis, le capitaine ne peut plus être en même temps mécano: il faut une personne différente. On peut emmener des passagers, et naviguer jusqu'à 20 NM de son port d'attache, ça ne va pas bien loin.

* Le module 4 "pêche" optionnel, permet d'exercer son titre de capitaine sur un bateau de pêche. Un oral de comptabilité, un sur la législation de la pêche, mais ça ne représente qu'une douzaine d'heures de cours en plus. On l'a passé parce qu'on nous l'a proposé et que ça donne une autre possibilité de travail, mais ça va pas changer notre vie (enfin, c'est pas le but !!!!).

Si vous avez suivi, vous aurez compris qu'un capitaine 200 + module 4 peut commander un (petit) bateau à la pêche, l'ensemble forme ce qu'on appelle le capacitaire à la pêche ou "CAC PP".

* Le module 5 "voile" enfin, qui permet à un capitaine 200 d'exercer sur un voilier. C'est la partie de la formation où il y a un peu de pratique, mais enfin c'est limité, seulement 3 semaines (120 heures). A 6 par bateau, ça fait pas des masses de manœuvre chacun. Pour le reste, beaucoup de navigation théorique: calculs de loxo- et orthodromie, navigation astronomique.... et pas de GPS!
Par rapport aux autres modules ça a été le plus dur, et le seul où il y a réellement un risque d'échec, sur la théorie à cause des calculs, mais surtout sur la pratique où ils exigent une maîtrise sans faille et surtout un grand sens de la sécurité. Beaucoup d'entre nous, même si ils naviguent beaucoup, ont sur leurs bateaux un comportement qui ne serait pas toléré. Ceci dit, les 3 semaines de pratique permettent normalement de se remettre à cette discipline. Pour le reste de la pratique, il y a une sélection assez stricte avant où un novice en voile n'a normalement aucune chance d'être reçu (50 candidats pour 20 reçus chez nous, moi je suis passé de justesse). Une certaine forme physique est nécessaire aussi.
On ne peut commencer la formation du module 5 que si on est reçu aux modules 1, 2, 3, CRO, Méd2, et feu.

On peut très bien choisir de passer ces modules séparément. En particulier passer d'un côté le capitaine 200, et plus tard, une fois qu'on a les navigations professionnelles qui permettront une validation immédiate, passer le module voile. Le capitaine 200 coûte 4500 € environ, le module 5 seul 2500 €, ou la formation complète 6000 €. C'est donc plus cher, mais les avantages sont:

* ça permet de répartir l'investissement en temps et en argent ;
* dès qu'on a le module 5, si on a ses 12 mois avant, on est de suite pleinement opérationnel ;
* il n'y a pas de sélection pour le capitaine 200, seulement pour le module 5 ;
* on peut se faire financer le capitaine 200 alors que c'est beaucoup plus dur pour le capitaine 200 voile ;
* on peut choisir son centre de formation séparément. Il y a un particulier qui ne fait que le module 5 au Cap d'Agde, par exemple, au même prix, mais ils n'étaient que deux sur le bateau et ont bien mieux travaillé que nous, pratique comme théorie ;
* pendant le capitaine 200 on se retrouve mélangé à d'autres catégories professionnelles (pêcheurs, etc...) ce qui permet de tisser des liens différents.

Une troisième possibilité serait même de passer le seul Certificat d'Initiation Nautique (CIN), de faire ses 12 mois comme matelot, et ensuite de faire la formation complète. Celui-ci dure quand même 8 semaine (et non pas 2 comme j'ai pu le dire une fois, il y a 280h), et doit coûter quelques 1200 €.

Et pourquoi pas.... aller passer ses diplômes en Inde, où se trouvent les meilleures écoles maritimes du monde ? Ce sont des diplômes STCW....

Le stage feu, les formations médicales doivent être rafraîchies tous les 5 ans. La formation radio aussi si on ne l'a pas utilisée professionnellement.

Et sur la formation elle-même...

Sur le fond, la formation est très contrainte par le programme officiel. Voir l'arrêté du 25 avril 2005 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000444365) pour le cap 200 voile, ou sa version capitaine 200 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809123). C'est dommage parce que sur certains aspects on aurait pu aller plus loin. Le résultat est une formation pas très intéressante sur le fond, mais enfin bon c'est comme çà et c'est vrai dans tous les pays de l'OMI. Il est clair que toutes ses formations maritimes font beaucoup trop de théorie et pas assez de pratique, c'est un point que le Bureau Enquête Accident met régulièrement en exergue dans ses rapports.

Il y a quand-même des choix possibles. Par exemple, plutôt que de faire le CRO, on aurait pu faire le CGO directement. C'est un peu plus dur donc il y a un petit risque d'échec en plus, mais honnêtement il est minime. On a eu un peu l'impression que les organismes de formation se ménagent leur clientèle future....

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