Alternateur d'arbre d'hélice à aimant permanent


Installation d'un alternateur d'arbre d'hélice quand on y connaît pas grand chose. Première partie : la genèse.

Coincé entre le pilote automatique et mon épouse qui protestent tous les deux, l’un parce que la tension des batteries devient trop faible et l’autre parce qu’elle est réveillée par le bruit du moteur ou du groupe que je suis obligé de mettre en route, j’ai décidé d’installer un alternateur d’arbre d’hélice. Avantage escompté : une production de courant très supérieure à la consommation du pilote et du frigo réunis (ma femme, préposée à l’administration des vivres, n’aime pas non plus que je coupe le frigo). L’inverseur le permet sûrement car, moteur arrêté, il est impossible de bloquer l’hélice que ce soit en enclenchant la marche avant ou arrière. L'hélice tourne donc en permanence avec un joli petit ronronnement. (Yanmar 4JH-DTE)

Première question : quel alternateur ?
Vu les vitesses de rotations envisagées, j’ai identifié trois possibilités :
- Alternateur à basse vitesse d’excitation ( Valeo-Motorola AL018 ) rejeté pour coût prohibitif ( 900 euros ! )
- Rebobinage d’un alternateur d’automobile, trop difficile à réaliser compte tenu de mon niveau de compétence.
- Alternateur à aimant permanent.
Avantage de ce dernier : pas trop cher (190 euros aux US en août 2008 ), peut faire beaucoup de courrant à basse vitesse de rotation, possibilité d’adapter le stator aux conditions d’utilisation.
Inconvénient : pas de régulation possible, il faut impérativement passer par un chargeur capable de gérer des tensions d’alimentation variables sur une large plage, en courant continu et qui accepte une puissance importante. Les chargeurs exclusivement conçus pour les panneaux solaires ne conviendront pas.
Mon choix s'est porté sur le modèle D-520.
Lien : http://www.windbluepower.com/

En théorie, sous 12 volts, l'alternateur que j’ai choisi commence à charger vers 200 t/mn, donne 20 ampères à 1000 t/mn et 25 à 2000 t/mn. En testant sommairement à l’aide d’une perceuse, d’une batterie de voiture et d’un contrôleur universel, on constate que cela fait effectivement pas mal de courant à basse vitesse. Evidemment, ça fait aussi du couple ! (je n’ai pas pu dépasser 12 ampères sous 12 volts avec ma perceuse qui, il est vrai, n’est ni très rapide ni extrêmement puissante) Sans charge, toujours entraîné par ma perceuse, la tension est de l’ordre de 50 volts. Difficile de se faire une opinion sur la véracité des performances annoncées par le constructeur car je n’ai rien pour mesurer les vitesses de rotation.

Deuxième question : Installation.
C’est ici que les problèmes sérieux se dévoilent. Evidemment, la place derrière l’inverseur n’est pas grande et, de plus, le tourteau se trouve juste à l’aplomb d’une membrure échancrée pour la circonstance : impossible de placer la poulie d’entraînement entre les deux plateaux d’accouplement car son diamètre est bien trop grand. Naturellement, je n’hésite pas à ne pas tailler dans cette membrure pour lui faire de la place (en plus, elle supporte les rails de fixation du moteur) Je suis donc contraint de placer la poulie sur l’arbre, à une dizaine de centimètre à l’arrière du plan. Pour couronner le tout, l’alternateur ne pourra pas être fixé sur le bloc moteur-inverseur à moins d’accepter un porte-à-faux très important et une grande difficulté de réalisation. La platine supportant l’alternateur sera donc solidaire de la coque et non du moteur. Horreur !! Les puristes vont sûrement désapprouver et je vais me trouver cloué au pilori sans délais! Du coup, je gamberge un peu sur les problèmes que cela pose.

Contrainte sur l’arbre : la tension de la courroie peut théoriquement induire un flambage de l’arbre et exercer une contrainte importante sur le roulement de sortie de l’inverseur . Dans le cas présent le risque est négligeable (arbre inox de 35 mm de diamètre, point de tire situé à 20 centimètres du roulement de sortie de l’inverseur) A tout hasard, faisons néanmoins un calcul approximatif (si je me plante dans mon raisonnement, je porterai plainte contre moi). En charge, la tension de la courroie augmente du coté qui tire. La puissance transmise par la courroie peut être considérée comme le produit de la tension du brin tirant par sa vitesse de déplacement (en supposant que la tension de l’autre coté soit nulle)
Puissance : à 1000 t/mn (16 t/seconde), l’alternateur donne au maximum 20 ampères sous 12 volts, soit 240 watts.
Vitesse de la courroie avec une poulie de 6 cm de diamètre : 3,14*0.06*16 = 3 m/seconde
Tension = 240/3 soit 80 newtons ( ~ 8 kg)
Tout ceci est bien entendu théorique car en réalité, il y des frottements et des pertes qui diminuent le rendement et il faut ajouter une partie de la tension à l’arrêt de la courroie. Dans la réalité, pour une tension à l’arrêt de 3 kg, la tension de la courroie du coté qui tire devrait se situer autour de 10 kg, et celle de l’autre coté devrait diminuer vers 2 kg, soit une force totale appliquée sur l’arbre estimée à 12 kilos. (estimation qui n’engage que moi et que j’adopte à l’unanimité) Ceci représente à peu prés la moitié du poids de l’arbre d’hélice. Tirant vers le haut, la courroie va seulement soulager le roulement de sortie de l’inverseur du simple poids de l’arbre. Me voici rassuré!
Vibrations du moteur : Plus ennuyeux à mon avis. Monté sur blocs-amortisseurs, le moteur bouge lorsqu’il fonctionne (vibrations et couple de renversement). La poulie d’entraînement va donc bouger par rapport à la coque donc par rapport à l’alternateur lorsque le moteur sera en marche. (autre raison pour laquelle il vaut mieux fixer l’alternateur d’arbre sur l’inverseur) Ces mouvements semblent faibles (quelques millimètres sur l’axe « arbre d’hélice-alternateur » d’après ce que j’ai pu observer) Dans mon cas, ils peuvent, à mon avis, êtres négligés à condition de ne pas utiliser une courroie trop rigide et de ne pas la tendre à l’excès. J’ai choisi une courroie trapézoïdale étroite (9,5 mm) que je tendrai au minimum. De plus, le serrage de l’alternateur sur le support de réglage de la tension courroie sera, dans un premier temps, léger. Si des efforts de tension important devaient se manifester, la courroie se détendrait. Si à l’utilisation le problème s’avère bien réel, j’envisagerai un dispositif de tension à ressort.
Conclusion de toutes ces élucubrations : mon optimisme congénital ayant terrassé les objections, osons l’installation !

Limitée par la place dont je dispose, la poulie d’arbre fait 24 cm de diamètre. Tournée dans de l’aluminium, elle est en deux moitiés serrées sur l’arbre par quatre boulons. La poulie d’alternateur fait 6 cm de diamètre ce qui donne un rapport de démultiplication de 4. Au régime maximum du moteur, compte tenu du rapport de réduction de l’inverseur, la vitesse de rotation de l’alternateur sera de 5500 t/mn. Au ralenti, elle sera de 750 t/mn. L’alternateur est donné pour supporter sans problème 10000 t/mn en continu.
Je n’ai aucune idée de la vitesse de rotation de l’arbre sous voile à une vitesse donnée, comparée à celle qu’on observe au moteur. Si quelqu’un a une information rassurante là-dessus, il est le bienvenu. (si son information est pessimiste, qu’il scelle ses lèvres et se taise à jamais)
Enfin, l’alternateur va tourner en sens inverse de son sens normal ce qui implique la réalisation d’une hélice de ventilateur inversée. Je l’ai réalisée à l’identique de celle fournie d’origine, au sens de rotation prés, avec le fond d’un moule tarte en alu. (hélice Tefal qui n’accrochera jamais)

Chargeur : Les alternateurs à aimant permanent ont l’avantage de fournir du courant à basse vitesse mais l’inconvénient de ne pas pouvoir être régulés en tension. Il faut donc passer par un chargeur à courant continu si on ne veut pas détruire ses batteries. Beaucoup de ces chargeurs sont conçus pour les panneaux solaires et ne sont pas adaptés aux dispositifs à aimant permanent (éoliennes ou alternateur d’arbre) La raison est la suivante : ces chargeurs fournissent aux batteries l’énergie nécessaire mais ne s’occupent pas de l’énergie excédentaire. Pour des panneaux solaires, ce n’est pas grave car, au pire, la tension d’entrée du chargeur va grimper, avec la limite théorique suivante : intensité nulle et tension égale à la tension de coupure des panneaux (en général une vingtaine de volt sur un system 12 volt) Pour un alternateur à aimant permanent, la tension de coupure n’est pas la même (suivant les modèles, on peut grimper allègrement à une centaine de volts pour des vitesses de rotation de l’ordre de seulement 1000 t/mn) Tous les chargeurs destinés aux panneaux solaires ne supportent pas une telle plage de tension d’entrée.
Bien sûr les industriels ont réalisé des chargeurs adaptés. Le mien (Morninstar TS-45)accepte des tensions d’entrée de 0 à 125 volts et des courants de 45 ampères. Il peut fonctionner selon trois modes différents :
- un mode « Load Control» qui est ici hors sujet (c’est un mode de protection des batteries à la décharge et non un mode de charge)
- un mode « Solar Battery Charging » ou il se comporte comme un chargeur normal.
- un mode « Diversion Charge Control » ou il prélève l’énergie nécessaire pour suivre son cycle de charge et dissipe l’excédent sur n’importe quel dispositif consommateur d’électricité qui accepte une tension variable (dans la pratique seule les résistances conviennent)

Bien sûr, j’ai grossièrement essayé tous cela en « laboratoire » (mon garage) Une perceuse à variateur pour entraîner l’alternateur, une batterie comme cobaye et quelques ampoules de phare de voiture comme charge de diversion. Le résultat est le suivant :
Configuré en mode « Solar Battery Charging » la tension de charge prévue dans le cycle est atteinte à faible vitesse et, en tenant la perceuse, on sent très bien l’augmentation du couple résistant de l’alternateur. Si on accélère encore le couple n’augmente pas dans un premier temps, puis, brutalement, le chargeur se déconnecte, la led alarme s’allume, la tension d’entrée augmente, le couple s’annule (aux frottements près) et, soulagée, la perceuse monte en régime. Si on diminue le régime, le chargeur tente une reconnections après un certain délai. La documentation indique qu’il ne tentera pas plus de deux reconnections. Au-delà, il faut le réinitialiser.
En mode « Diversion Charge Control » les choses se passent de la même façon sauf que le chargeur ne se déconnecte pas. Aux environs de la vitesse de rotation ou il avait décroché en mode « Solar » les ampoules utilisées comme charge de diversion commencent à rougeoyer. Plus on accélère, plus l’intensité lumineuse est forte, et plus le couple résistant est fort. Coté batterie, la tension correspondant au cycle de charge est maintenue. Pour seulement allumer deux ampoules de phare de voiture, le couple résistant de l’alternateur est impressionnant. Peut-être une idée pour ceux qui ont des éoliennes qui s’emballent par grand vent.
La difficulté, c’est de concevoir la charge de diversion. Il faut qu’elle accepte des courants de tension et d’intensité variable couvrant la puissance maxi de l’alternateur (300 watts). Il faut aussi qu’elle dissipe l’énergie sans risque pour le bateau (les ampoules de phare pour 300watts, c’est un peu chaud)
Je m’oriente vers un système simple de résistance chauffante (fil resistif cupro-nickel) en bain d’huile avec ou sans échangeur.

Les différentes pièces étant réalisées, il n’y a plus qu’à installer l’ensemble. Cela devrait être fait d’ici un mois si j’ai le courage d’aller le faire par ces frima.

Tous les articles