Superstitions et anecdotes

J'ai parle sur un autre sujet de l'animal à grandes oreilles il s'agit bien d'un clin d'œil sûr toutes les superstitions et autres petites manies de nos douces moitiés
Je suis certaine que vous avez des "anecdotes" qui ne manquerai pas de nous faire plaisir
Par exemple mon gobis en parle sans jamais prononcer le nom fatal mais toujours avec un sourire malin
Quand a moi j'ai pris par mimétisme la même habitude et cette petite complicité nous plait bien surtout quand nous sommes invités sur un bateau ou c'est tabou

L'équipage
16 mar. 2014
16 mar. 201416 mar. 2014
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A la mise à l'eau de mon ex-sangria, une amie avait déposé à l'intérieur un peu partout des petits lapins en papier découpé.

j'ai fini par tous les trouver et j'ai navigué par la suite trois ans sans le moindre soucis…

Il y a un truc bien plus fort que les lapins, c'est un bateau en bon état !

17 mar. 201417 mar. 2014
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et le bateau tu l'as peint comment :pouce:

16 mar. 2014
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histoire veçue

l'année derniere mamie et papi partent en bateau avec leurs deux petits enfants (7 ans le m^me jour) . Pour faire peinard et agreable nous remontons le Blavet direction Hennebont .. pour une raison bizarre le bateau s'echoue 2/3 mn ... au retour idem mais là un petit 1/4h a attendre que la marée nous sorte de ce mauvais pas ...incomprehensible ..le patron est nul ,pas possible c'est moi ...
arrivé au ponton on se met à table ,apres l'apéro ,du patée , ma petite fille demande ," c'est du patée de quoi? et bien du patée de l.....n dit mamie

j'avais enfin l'explication ,bien soulagé qu'etre pour rien dans les échouages ...evidement mamie c'est fait en... :bravo:

17 mar. 2014
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échouement, pas échouage... puisque il semble que ce soit involontaire !!!

17 mar. 2014
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Un petit mnémotechique , échouage = volontaire ( cerenage ) échoument = involontaire ( enmerdement ) Roy :-D

16 mar. 2014
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Les plus anciens, dans le secteur de La Rochelle se souviendront peut être d'un navigateur du nom de GICQUEL parti faire un tour de l'Atlantique sur son voilier nommé "Monsieur Lapin" et fit, en son temps, la photo de couverture de Voiles et Voiliers. Il a depuis refait plusieurs traversées et un tour du monde, tout cela en solitaire et se porte fort bien. Comme quoi!...

16 mar. 2014
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une autre veçue egalement ,j'ai du dejà la raconter ..

Le grand jour des essais en mer d'un bateau neuf arrive , c'est pour le chantier un gros evenement à la fois stressant et sympatique un peut la fete aussi ..

evidement tous les sous traitants sont presents pour regler et valider leurs installations officielement , le chantier en premier , avec quelques personnes du BE , les Aff Mar , le BV , l'armateur et son commandant , quelques membres de l'équipage ,le chef mecano ,un pilote du port... pret de 50 personnes ...

les machines sont en route , les remorqueurs attendent.. et le traiteur arrive avec ses repas pour la grande journée ... il monte à bord par la coupée avec un grand plat en alu recouvert d'une feuille d'alu le commandant tout rigolard regarde le plat .........silence ,le commandant devient rouge, blanc,vert.... il prend le plat le balance pardessus bord et crie à la cantonnade

"et bien messieurs les essais seront pour demain"

et il se barre à son hotel ...

C'était du lapin ....

et les essais ont bien été retardé de 24h ... :alavotre:

veridique ...

José

16 mar. 201416 mar. 2014
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La petite histoire sur Tabarly, il me semble, raconte qu'il arpentait les pontons avant chaque départ pour RECUPERER les boites de lapin au pruneau et paté de lapin que d'autres coureurs s'étaient vu offrir par sponsor ou famille et ne voulaient pas embarquer.
J'avais moi-même tendance à rigoler de cette superstition, au point que je mettais un point d'honneur à spécialement cuisiner du lapin que je mettais en conserve avant nos croisières estivales. Mais en 2010 le bateau a rencontré un caillou sur l'ile d'Yeu et depuis, y'a comme un tabou qui flotte à bord....
Isabelle

16 mar. 2014
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Faut le faire!

17 mar. 2014
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En fait, c'est lors de la Transpacifique, gagnée à bord de PD V que Tabarly récupéra les terrines de lapin chasseur que Terlain refusa d'embarquer à bord de Blue Arpège.

16 mar. 2014
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On est encore au moyen âge ?
,

À mon avis , faudrait brûler quelques sorcières , ça ira mieux tout de suite.
,
Bien entendu pas les sorciers, tout le monde sait que les problèmes viennent des femmes , impures , inférieures , et pourtant si convoitées ..
.
ISA , la terrine était réussie ? Bises , donne moi ta recette,,,
.
Cela me rappelle le temps où , ma plus jeune fille , Anne , et moi , passions volontairement sous des échelles , nous criant " sept de malheur " , nous en rions encore. Bernard
.
Je ne suis pas sûr du niveau d'humour de certains posts ci dessus...ni de certains qui vont suivre.

22 avr. 2020
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Pour les échelles c'est pas de la superstition mais c'est le risque de prendre un pot de peinture ou une tuile sur la figure. moi je fais le tour.
Part contre je n'aime pas le 13 quand j'ai acheté mon bateau neuf il devait avoir le N° 13 j'ai donc demandé d'avoir le N° 14.
Car avant j'avais eu beaucoup de déboire avec deux commandes de bateaux neufs non réalisées.

16 mar. 2014
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Ben en tout cas, ton humour à toi, on ne le voit pas, Bébert !

17 mar. 2014
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Il peut être délicat de mélanger humour et superstitions, par égards à ceux qui y croient. C'est un peu comme les religions, question de croyances: sujets sensibles...

16 mar. 201416 mar. 2014
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A notre bord, c'est madame qui est superstitieuse.

Moi, je ne suis pas superstitieux parce que ça porte malheur ... ;-)

Pas question de débaptiser un bateau, pas de coque verte (j'ai jamais compris d'ou ça venait le coup du vert?) ect, ect.

Le seul grandes oreilles qui à été toléré à bord, c'était le doudou (un lapin bleu) de ma fille aînée quand on à commencé à l'emmener à bord de notre Kelt 6.20. Il faut dire qu'elle avait 3 ou 4 mois et que ça aurait été cruel de la priver de son doudou.

Pour l'anecdote, lorsqu'on à acheté notre Biloup, il s'appelais "Marsupilami" Ce nom plaisait à tout le monde .. jusqu'a ce qu'on s’aperçoive qu'il avait été débaptisé par son ancien proprio, elle à exigé qu'on lui redonne sont nom initial "Now"

Il faut dire que l'ancien proprio avait eu que des soucis après avoir changé le nom du bateau :langue2:

Le bateau à donc été débaptisé deux fois et nous à emmener partout sans soucis particuliers pendant presque 10 ans ... :langue2:

17 mar. 201417 mar. 2014
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Pour le vert il me semble que la superstition populaire ai associée l’oxyde de cuivre (vert de gris) et toxique qui était employé pour teindre des vêtements en vert qui effectivement à put empoisonner certaine personne. Mais c’est plus les sulfates qui avaient la préférence des empoisonneuses à l’ origine de cette association. Et puis le vert c’est aussi la couleur du fruit pas mûr. C’est la couleur de la pourriture de la moisissure. Bref 1000 raisons de ne pas aimer le vert et plus dans l’actualité c’est la couleur des Irlandais qui nous on battue au rugby ! Une raison de plus ! ;=).

J'aime pas le vert !

;=)

17 mar. 2014
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c’est la couleur des Irlandais qui nous on battue au rugby !

arg! ah oui, c'est vrai, je comprends, ça ne peux venir que de la le coup du vert !

17 mar. 2014
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Pour le doudou, Harry, il faut être prévoyant.

Dès les premiers jours de grossesse, et à chaque fois, nous avons prévenus tout notre cercle d'amis et jusqu'aux cousins les plus éloignés : "pour les cadeaux de naissance, pas de doudou lapin !"

Comme ça, on a eu des souris, des vaches et je ne sais quoi encore, mais pas la bête aux grandes oreilles.

Qui effectivement, peut causer des soucis. Il y a 15 ou 20 ans, ma soeur à bord n'arrétait pas de me taquiner à coup de "mon lapin, passe moi ci, fait ca etc". Jusqu'à ce qu'elle se prenne un coup de bome mémorable dans une risée. On a du la coucher tellement elle était sonnée. Depuis, plus une personne ne cite la bestiole à bord !

Jacques

17 mar. 2014
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Elle a eu de la chance, elle aurait pu se faire le coup du lapin.

21 avr. 2020
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L'histoire du vert vient des théâtres/opéras (les machinistes des théâtres étaient pendant longtemps des marins, d'où la profusion de poulies et de perches contre-balancées pour manipuler les décors) la couleur verte des costumes était obtenue grâce à un mélange à base de cyanure. Par forte transpiration, nombre de comédiens ou chanteurs vêtus de vert mourraient car le cyanure pénétrait dans leur organisme. Il a fallu pas mal de morts pour s'en rendre compte ...

17 mar. 2014
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Pour nous, nous nous sommes aperçu quelques années après que le nom de notre Biloup n'était pas celui d'origine comme il n'y avait pas eu de catastrophe malgré notre inexpérience nous n'avons rien changé .

17 mar. 2014
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Moi je crois pas aux superstitions, mais j'aime pas parler de ça parce que ça porte malheur !

17 mar. 2014
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Après 6 mois de rénovations intense de notre voilier, le jour de la mise à l'eau, nous avons versé du champagne sur le pont et dans l'eau pour remercier les dieux Éole et Poséidon. Nous ne sommes pas particulièrement superstitieux mais nous avons trouvé la petite cérémonie très sympa...

17 mar. 2014
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il y a aussi les gens qui emmenne des œufs dur a bord et on reviens bredouilles

17 mar. 2014
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hier a bord il y a eu le vrai de l'animal a grandes oreilles qui a été prononcé grrrrrrrrrrrr moi qui est superstitieux
que faire de la personne qui prononce ce mot

17 mar. 201416 juin 2020
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:pouce:

17 mar. 201416 juin 2020
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Les Australiens n'ont pas de problème avec l'animal.

Nous on a gagné aucune régate avec notre rafiot, c'est sûrement à cause du changement de nom...

19 avr. 2020
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Les avions australiens sont parmi les rares (je regarde toujours), à avoir un rang de sièges numéroté 13.

17 mar. 201417 mar. 2014
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Personnellement j'ai toujours placé une pièce (pas en or, mais si j'en avais les moyens sûrement) sur le pied de mat de tous mes bateaux à chaque rematage. C'est pour prévenir tout dématage accidentel, et ça a bien marché jusque là...
A part ça je ne suis pas supersticieux, mais je me méfie quand même.

18 mar. 201416 juin 2020
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Je l'ai déjà montré sur H&O.
Il ne quitte jamais le bord.
Au début que j'avais le bateau, que des ennuis, panne, fuite de vache à eau, voie d'eau......ma fille me l'a offert à Pâques, depuis, je suis peinard.
Les héonautes qui sont venus à bord connaissent bien Félicien. :coucou:

19 avr. 2020
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Je déterre ce poste car je suis bien embêté.
Le doudou de ma fille est un lapin... J ai réussi à négocier de lui faire amener une autre peluche pour les ronds dans l eau mais après cette période de confinement je crois que je vais me rattraper en faisant de longues croisières. Et je crois que je suis pas prêt à emmener son doudou 🤔

20 avr. 2020
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Un DOUDOU c'est sacré !!!

19 avr. 2020
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Pour moi, toutes ces superstitions c'est de la flûte. Si c'était vrai il n'y aurait plus de bateaux en Europe.
Les anglais disent que les bananes portent malheur, et le fruit est présent sur tous les bateaux français.
Les français disent que ce sont les lapins et en Espagne, la couchette cercueil s'appelle la "conejera"(le clapier a lapin).

19 avr. 2020
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Bonjour,

pour un convoyage des Sables d' Olonne aux Antilles, la fenêtre météo pour dégolfer nous faisait appareiller un vendredi soir.

Avec le copain qui m' accompagnait, on s' est dit, tant qu' à faire, on fait la totale!

On a donc rempli le bateau de pâté et terrine de lapin, on déconnait tous les jours avec çà, et on a eu aucun problème!

Gorlann

19 avr. 2020
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On ne peut tirer une conclusion générale d'un cas particulier.

19 avr. 2020
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Je suis allé en 98 en Irlande avec les enfants et c’est l’année où j’ai eu le plus de mauvais temps. Ma fille aînée m’a avoué au retour qu’elle avait emmené son doudou, un ravissant lapin blanc dont elle ne se séparait jamais et que lui avait offert sa marraine ... 18 ans plus tôt...
Croisière ventée, mais superbe !

19 avr. 2020
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Je n’ai jamais mis de pièce d’or ou autre sous mes mâts, à l’exception d’un j’ai débaptisé sous mes bateaux, lors du baptême du bateau qui nous a amené de l’autre côté de la grande mare la marraine s’y est prise à 3 fois avant de casser la bouteille, ma fille a embarqué à bord sa peluche lapin et il y en avait plein dans ses livres d’enfants.
Nous partons souvent en nav le vendredi soir et quand je veux secouer un peu l’équipage je les appelle les p’tits lapins.
Jusqu’à présent ça va...

19 avr. 2020
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Je n’ai jamais mis de pièce d’or ou autre sous mes mâts, à l’exception d’un, j’ai débaptisé tous mes bateaux, lors du baptême du bateau qui nous a amené de l’autre côté de la grande mare, la marraine s’y est prise à 3 fois avant de casser la bouteille, ma fille a embarqué à bord sa peluche lapin et il y en avait plein dans ses livres d’enfant.
Nous partons souvent en nav le vendredi soir et quand je veux secouer un peu l’équipage je les appelle les p’tits lapins.
Jusqu’à présent ça va...mais faut peut-être faire gaffe quand même.

20 avr. 2020
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tous mes bateaux ont été rebaptisés,le chiotte de mon dernier mono jeannot l’a peint...jusque l’a ,ca va 😥
pas superstitieux ,ca porte malheur 🤣

20 avr. 2020
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Tout à fait d'accord mais essayez de dire lapin à bord du Belem et revenez nous en parler .... si vous avez pu vous relever!

22 avr. 2020
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Une fois avec un client on arrivait à Calvi en parlant de ça,etje disais que c'étaient des superstitions idiotes et que l'on pouvait bien dire le mot LAPIN sans soucis .
Eh bien ça a pas loupé deux minutes après on a entendu un gros clang clang sur l'arbre d'helice et on a dû arrêter le moteur...
Le regard noir que m'a lancé le client était très clair, c'était de ma faute !
Bon on a fini à la voile et une fois au mouillage on a vu une branche coincée qui s'est dégagée facilement à la main ...
Comme quoi on n'est jamais trop prudent !

22 avr. 202016 juin 2020
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Salut à tous, pour ma part, j'ai rebaptisé mon bateau donc pas vraiment supersticieux mais je compte peindre un Œil d'Horus et un Œil de Râ. C'est le symbole de la victoire du bien sur le mal, il symbolise également l'entier, la santé et l'intégrité mais c'est aussi le symbole de la connaissance. C'est un symbole protecteur utilisé depuis des millénaires, il était également peint sur les bateaux pour leur assurer de paisibles voyages et leur permettre de voir l'invisible. L'œil de Râ représente l'œil droit, et l'œil d'Horus l'œil gauche.

04 mai 2020
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Le bateau malchanceux.
En 1967, mes parents décidèrent de se faire construre un bateau. Après avoir vu des Maïcas à Cherbourg (trop étroits) des Taillefers et tinas à la trinité (trop chers), ils se décidèrent pour un Dauphin Vert. Classe 3 du RORC, 10 m de long, plan Sergent construit Chez Debordes, à Saujon en bois moulé.
La construction fut lancée à l'automne 66 pour une livraison Juin 67.
Mais vous savez comment c'est, mon bon monsieur. La livraison prit du retard et la mise à l'eau eut lieu début août.
Le projet de cet été était d'aller en Espagne.
Mon papa n'avait pas une grande expérience de la voile. Quelques sorties en dériveur et des locations de Golif sur la côte d'azur. Par contre, il connaissait la mer car il travaillait sur France II, dont le frère jumeau est au musée de La Rochelle. Frégate météo, son rôle était d'aller dans les dépressions d'Ttlantique Nord en toute saison pour voir ce qui s'y passait et en évaluer les risques pour l'Europe. En dessous de 40 nœuds de vent, il faisait beau. Au dessus de 70 on fermait les tapes des hublots. Au delà de 100, ca piaulait.
Donc, lorsque pour le jour du départ la météo annonçait un avis de Gd frais à coup de vent pour le golfe de Gascogne, qu'est ce que 7 à 8 beaufort hein ?
La sortie des passes de la Gironde fut facile, le vent était encore sud. Mais quelques heures après, mon papa découvrit de 35 Noeuds sur un voilier de 10 m, c’était bien pire que 70 sur la frégate météo.
Le retour se passa mal. Bateau roulé par une déferlante, mat cassé, moteur noyé … nous ne dûmes notre survie qu'au chalutier « Le vagabond des Iles » rentarnt d'une marée en Irlande qui nous ramena à Royan sains et saufs ;

L'année suivante, après un hiver de réparations, redépart vers l'Espagne. Tout se passe bien jusqu'à ce qu'un gros chalutier espagnol d'une vingtaine de m rate sa manœuvre de port. Nous étions le long du quai en face de sa place et la marche arrière ne passa pas. Il écrasa l'A…… de ses 100 tonnes. A vitesse très réduite, certes, mais malgré l’élasticité de la coque, des lisses et des membrures se fendirent et le gréement devint bien mou.
Le retour se fit bien prudemment par beau temps et l'A…. repartit dans son chantier.
A chaque sortie, une avarie. Ce fut un bateau posé le long d'un quai qui en tombant, nous entraina dans sa chute, une écluse de port qui refusa de marcher juste le jour ou nous étions dans le bassin à flot…
Mes parents vendirent l'A….
Le jeune couple qui l'acheta était sympatrique comme tout. Leur but était d'aller doucement vers le Quebec en passant par les Alizées . Ils restèrent pendant tout le voyage en contact avec nous.
A Dakar, à quai au fond du port à couple des chalutiers basques, le bateau fut écrasé par un cargo sortant du radoub et dont les remorqueurs avaient perdu le contrôle. Le mat fut cassé. Réparé à l'arsenal de la marine française, ils purent continuer leur route.
Mais ils avaient pris du retard et rentrant dans le St Laurent tard en saison, ils se prirent le 1er growler descendant le fleuve. La coque fut déchirée mais ne coula pas ; Ils furent sauvés par les gardes côtes de Gaspésie et vendirent le bateau pour s'établir sur place.

La suite de l'histoire, nous ne l’apprîmes qu'une dizaine d'années plus tard, par hasard.

Avec l'A……. III, nous passions à Port Vila, capitale des Nouvelles Hébrides, qu'on appelle maintenant les Vanuatou. Nous y rencontrâmes Madeleine et Joseph Merlot, grands navigateurs qui apparaissent dans les bouquins de Moitessier, Bardiaux ou Annie Van de Wiel.
En arrivant à bord, ils nous dirent qu'ils avaient vu un bateau du même nom, il y a quelques années et nous décrivirent le petit A…….Ier, bois moulé, plan sergent … Mais, dire-t-ils, c’était un bateau malchanceux.
A l'entrée de Port Vila, la bouée qui marque le bout du platier avait été emportée par un cyclone. Quand l'A… arriva, ils tournèrent trop tôt et le bateau fut drossé sur le corail. L'équipage fut sauvé et le bateau, contre toute attente aussi. Il fut récupéré à l'état d'épave, une partie de la coque manquant, par un menuisier local qui le retapa complètement, et le vendit à un australien de Cairns, sur la côte est.
Le bateau fut perdu sur la grande barrière, vingt miles au nord de Cairns ; Il n'en resta rien.
« Objets inanimés, avez vous donc une âme ? »

04 mai 2020
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Ça c'est vraiment la poisse, comment ne pas devenir supersticieux ?!

04 mai 2020
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Tristes histoires .. « A.. » était-il un nom « dangereux », a-t-il mis été à l’eau un vendredi, la bouteille s’est cassée comment, en bref comment trouver la raison de ces malheurs étonnants ..??

05 mai 2020
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Mon bateau actuel s'appelle toujours A..... troisième du nom. Je crois que comme des gens naissent vernis ou malchanceux, les bateaux peuvent l'etre. Je parle souvent à mon vieil A......, et pense à lui tout seul en ce moment dans son chantier.

05 mai 2020
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Belle histoire et bien rapportée ! ça change tout pour le lecteur quand c'est bien écrit... ;-)

05 mai 2020
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Merci Flora

14 mai 2020
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ED je découvre l'histoire de votre bateau. C'est fou. Le pauvre était né sous une mauvaise étoile, quelle poisse. Et en même temps une vraie vie d'aventure.

04 mai 2020
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On dit que cela porte malheur de changer le nom d'un bateau..

J'ai acheté mon premier bateau en 1984. Je ne l'ai pas débaptisé pour ne pas lui porter malheur. Et il a fini sa carrière en 1986, abordé au port par un chalutier turc qui avait oublié de passer la marche arrière.

J'ai acheté le second en 1989 (avec l'argent de l'assurance en grande partie). Il s'appelait Aurélie 4 donc je l'ai de suite débaptisé. Et je navigue toujours avec. Comme quoi

05 mai 202016 juin 2020
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A la demande de certains, quelques photo de l'A.... 1er
* Au port
* 1ère mise à l'eau
* Lendemain du 1er naufrage.

14 mai 2020
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@ED850;
superbe bateau !!!
;-)
Quel dommage !

14 mai 2020
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Ça rappelle qu'il n'y a pas encore si longtemps les bateaux étaient plus des oeuvres que des produits. Dans artisan il y a art.

14 mai 2020
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Je ne suis pas spécialement croyant ni superstitieux mais j'ai toujours a bord la bible ,la tora, et le coran ...on ne sait jamais .Pour la patte de lapin je ne sais pas encore si on peut

14 mai 2020
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Moi c'est une petite étoile en bronze sur le mat( pas encore fixée sur le nouveau tout beau) et dedans en dessous de celui ci sur le barreau une petite clé. Deux gris gris stupides censés m'éviter de me le ramasser sur la tête. Pour la bestiole, interdit. Mais au moment des carénages les rouleaux au nom des pattes vont et viennent, et à ce temps on décrète une tréve passagère.

14 mai 2020
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Bonjour,

Je me demande bien si il n'y a pas des séries de bateaux qui ont la poisse:
Dans les années 80, j'avais envisagé de me construire un Punch 8.50 .

J'avais donc contacté Philippe Harle qui m'avait envoyé un dossier complet de présentation du bateau et... l'essai du proto dans le golfe du Morbihan, où, à la barre lui- même il avait...demate!

Au centre nautique où je bossais, ils en avait commandé un au chantier Léonard Philip à La Rochelle.
Le bateau fu fini avec 3 mois de retard alors que des stages étaient déjà prévus dessus, puis lorsqu'il fut enfin a l'eau, un copain du centre, très expérimenté (ex-miniiste) devait convoyer le canote de La Rochelle à la baie de Concarneau avec une coéquipière.

Appareillage par vent frais de Noroit, au louvoyage dans le Pertuit, ils ont pris une scélérate par dessus la coque au vent, deferlant dans le cockpit, arrachant au passage l' intégralité des hiloires du rouf sous le vent (il ne restait plus que les cloison verticales) et la cadene de galhauban tribord, le mât ne tenant plus que par celui de bâbord et l'étai!
La coque tribord entre deux eaux, ils n'ont eu d'autre choix que d'echouer le bateau dans les rouleaux de la plage de Jars sur Mer.
Bateau neuf detruit au bout de quelques Milles!

Un ami de Pont-Aven avait également construit un Punch 8.50.
En Octobre 87, il était posé demate sur le quai à sable de Pont-Aven quand...l'ouragan est passé!
Le vent a pris sous la plateforme, le bateau s'est envolé et est retombé 100m plus loin, a l'envers au milieu de la rivière (a marée basse bien sûr!)

Après remboursement par l'assurance, le bateau fut reconstruit avec des ponts flush-deck, des jupes et...un mât rallongé de 3 m pour porter des voiles de formule 28.

J'ai navigué tout l'été 91 en sortie à la journée sur ce bateau pour le compte de l'école de voile de Port-Manech jusqu'au jour où... la GV en Milar bien fatiguée a éclaté du guindant a la chute juste audessus du 3ème ris.
Le vent etant de terre, on a essayé de remonter avec tout le haut de la GV qui battait à mort car le HB n'etalait pas, et... au bout de 5 minutes, le mât a pété au niveau du manchon!!!

J'ai connu 3 Punch et navigué pas mal sur 2 des 3, mais bien que j'adorais ces bateaux, j'ai abandonné d'idée d'en avoir un à moi!

Gorlann

14 mai 2020
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Dis donc le bateau dévasté par la vague, ça fait froid dans le dos.

14 mai 2020
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Oui, le Punch est en CP epoxy de 6mm, avec joints congés, mais pas de stratification.

Et plusieurs tonnes d'eau qui déferlent par le travers dans un cockpit de cata ressortent par le plus court chemin, soit à travers la coque sous le vent.

Heureusement dans cette fortune de mer que le skippeur et l'equipiere (qui 2mn plus tôt était allée chercher de quoi grignoter dans la coque ss le vent) étaient assis adossés au rouf bâbord, et que l'expérience et le sang-froid du skippeur a permis de ramener tout-le-monde sain et sauf!

Gorlann

14 mai 202014 mai 2020
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Ah j'avais imaginé la vague retombant directement de l'autre coté. En effet...
Ils en fabriquaient aussi en Martinique je crois. Dans les 80 90'ça en était rempli dans les Antilles. Un beau succés.
Il y avait eu il y a quelques temps un recit d'un 12.50 qui s'était échoué sur une plage du Bresil et s'était disloqué en quelques jours. Pas de bol.

14 mai 2020
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Premier voilier: pas de nom. Je le baptise à ma façon = zéro soucis.
Deuxième voilier: nom qui ne me disait rien. Je le débaptise = chaise moteur qui pète et hors-bord au fond dès la première sortie qui a suivi.
Troisième voilier: nom à la c..., donc je le débaptise = un safran (sur deux) perdu quelque part lors d'un voyage en Corse, deuxième sortie de l'engin. Retour piteux sur le continent avec une grosse planche à la place.
Le prochain ?
Ben, on verra hein.

14 mai 2020
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le prochain: inommable????

14 mai 2020
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Extrait d'un récit de traversée de l'Atlantique, commençé avec plein de galères en Méditerranée, voici la fin d'un mois de réparations à Marbella, dans le Sud de l'Espagne :
" Sur un plan plus spirituel, nous débusquons enfin, peut- être, la vraie cause de tous nos malheurs :
une figurine en caoutchouc d'un cousin du lièvre, l'animal aux longues oreilles, se cachait depuis le départ au tréfond d'un tiroir. Cet animal est interdit de séjour sur les voiliers honnêtes, même son nom ne doit pas être prononcé à bord. Il a probablement provoqué de nombreux naufrages, en grignotant les cordages de retenue du chargement, l’étoupe d’étanchéité des coques, voire des chevilles ou des planches de bordé, ce qui lui a valu cette réputation diabolique superstitieuse. Nous l'immolons sur le quai, sommairement et sans procès, par le fer et le feu. Puis, dans un élan de purification inquisitoire proche de la chasse aux sorcières, je découpe soigneusement toutes les images et recettes concernant ce rongeur dans les nombreux livres de cuisine du bord.
Ma main en tremble encore de rage !.."
La suite s'est passée sans problème notable ...!;-)

14 mai 2020
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La source?, C'est un livre?

14 mai 2020
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Le mien s'appelle "Papoose", normal pour un petit Iroquois, me direz-vous ! Je voulais le rebaptiser avec un nom plus marin, mais mes filles, à l'époque toutes petites m'en ont absolument empêché, non pas par superstition, mais parce qu'elles trouvaient ça très joli ! J'ai bien sûr cédé, et je navigue depuis sans jamais un coup de malchance… Mais je ne suis pas superstitieux !

14 mai 2020
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C'est juste un récit que j'ai écrit, sur ma première traversée de L'Atlantique, et que j'aime bien afficher de temps en temps ..
En voici une première partie, à suivre si besoin ..
Merci pour vos retours !

Hiro traverse l’Atlantique !

Marseille Pointe-Rouge, octobre 1984
« Mais non Eric, l'avant c'est plutôt de l'autre côté, là- bas ! »… Bon, il faut dire que Hiro, le bateau, repose sur des cales dans la cour du chantier. Ce gros ketch de 15 mètres, plus 2 mètres d’étrave à guibre et bout-dehors, c‘est à dire une étrave très courbée, avec une sorte de poutre horizontale tout à l‘avant, avec ses deux solides mâts en bois, fut construit parmi les premiers, à Taiwan, quand les usines de jouets en plastique furent transformées en chantiers navals.

Alors, évidemment, vu sous cet angle, pour Eric qui dégringole directement de sa Haute Savoie natale, ce n'est pas facile à deviner. Heureusement les trois autres sont déjà montés sur le pont d’un voilier.
Il y a « Bracquetuit », du nom de son village de Normandie, mécanicien en machines agricoles reconverti en éducateur spécialisé, Claude, électricien auvergnat se relevant avec vaillance d'un grave accident de moto, et Philippe, un jeune chef cuisinier aux dents longues. Il n'est pas parisien mais il a quand même déjà presque tout fait, nous dit-il. Et pour nous accompagner il y a aussi Mimi la petite chienne du bord. Elle n'est pas très volumineuse mais elle est très cool.
Cet équipage disparate, qui paye pour vivre cette belle aventure qu’est la traversée de l'Atlantique, s'harmonise bien avec ce « canote », qui fait du charter, l‘hotellerie flottante, pour le compte d’une agence de location parisienne.
Portes en teck massif, sculptées de bas-reliefs marins, vernis finition cirée, salles de bains partout et des équipets regorgeant d’ustensiles de cuisine et de services à poisson.

Le business est florissant, mais les skippers se sont quand même succédés à bord, et personne n'a jamais eu le temps et le budget pour entretenir sérieusement le bateau, juste assez pour son aspect de surface, histoire d’assurer sur l’accueil et le bien-être des clients.
Par exemple, les papiers officiels du bord sont juste constitués d’une photocopie douteuse de leur déclaration de vol, établie à Palerme en Sicile, valable deux mois et périmée depuis trois... Le pavillon est grand-breton, le bateau est immatriculé à Tortola dans les îles Vierges britanniques, au nom d'une compagnie de la « Perfide Albion ». La réglementation y est beaucoup plus souple, et les taxes vraiment plus légères, paraît-il !

Pierre, le skipper aux commandes, vient de terminer la saison de charter, en Turquie. L'Atlantique sera sa première grande traversée. La mienne aussi d'ailleurs, mais il a besoin d'aide. Nous faisons connaissance par l’intermédiaire d’un ami commun et j'embarque comme « Second ». Et comme vous peut-être, devant ce tableau sommaire, je me demande un peu pourquoi, bizarrement, on prononce ce mot avec un « g » ...!?
Mais bon, tout va bien : trois semaines de chantier à Marseille, carénage de la coque, révision complète du moteur, de l'inverseur, de la survie, une grand-voile neuve et pour le mauvais temps un tourmentin solide provenant d'une espèce de péniche en béton de 60 tonnes. Ca devrait aller quand même, non ?
Les premiers clients seront théoriquement accueillis à bord le 13 décembre prochain en Martinique.
Nous quittons Marseille le 4 novembre 1984 avec une bonne semaine de retard sur les prévisions. Il ne nous reste même pas 40 jours. Nous n’avons pas vraiment intérêt à traîner en route, mais la Méditerranée, à cette époque, nous promet sûrement du vent fort pour progresser rapidement... En automne et en hiver, il y a plus de violents coups de vent dans le Golfe du Lion que partout ailleurs sur les côtes françaises.
Les amarres sont enfin larguées du port de « Pointe- Rouge ». Beau temps froid, mer plate. Personne n'a vraiment pris la dernière météo du jour, mais depuis une semaine l'anticyclone est scotché sur la France et il n'y a pas de raison que ça change d’un coup.
En sortant de la rade, une petite brise vient d’ailleurs nous saluer. Plutôt du genre thermique, un peu dans le nez, mais le bateau avance bien, au bon plein, cap au Sud, sous le soleil et le génois médium.
Tout l'équipage veut prendre la barre, et la Vie est quand même vraiment belle, vue d’ici. Puis le vent monte un tantinet, Hiro allonge joyeusement sa foulée.
Mais, deux heures plus tard, « ccrraaac » : c’est le bruit fort désagréable que fait le génois (notre plus grande voile sur l‘avant du mât) en se déchirant sur toute sa longueur,à l‘horizontale, un mètre au-dessus du pont, sans crier gare le moins du monde.
Bon, le génois inter, plus petit et plus costaud, le remplace assez vite, mais Pierre revient de ce travail sur la plage avant, ses yeux bleus ayant viré au verdâtre d’une façon remarquable.
Il s'agenouille tranquillement contre le balcon arrière (superbe, en teck tourné), pour nourrir un peu les poissons. Il nous remercie d'ailleurs courtoisement de lui laisser l'honneur d'inaugurer cette place.

Il existe évidemment de bien meilleurs présages, surtout qu’il reste encore 4.200 milles à parcourir...
Enfin, vous trouvez ... !
La nuit en profite pour tomber, fermement et sans prévenir. On sent bien qu’elle n’est pas là pour s‘amuser, et qu’on va surement rester dans le noir un bon moment.
Plus tard, sous artimon, la voile envoyée sur le mât arrière, génois inter et un ris pris dans la grand-voile pour réduire sa surface : petite météo marine et radiophonique du soir, sur France Inter : « Pour cette nuit, pour les zones Golfe du Lion, Nord Baléares, Ouest Sardaigne, avis de coup de vent à forte tempête, force 8 à 11 Beaufort, d‘Ouest d‘abord, et s'orientant rapidement Sud puis Sud-Est...». Et le baromètre est d'accord !

Bingo, c'est pour vous ! Gros baston en plein dans le nez, juste dans l'axe de votre route, parfaitement optimisé : d'abord un peu sur la droite, puis au milieu et on termine très fort juste sur la gauche pour être tout à fait sûr !
Ce bulletin, lu au pas de course, qui impatiente la plupart des auditeurs de la station, à cette heure de grande écoute, prend pour nous une dimension majeure et presque tragique.
Nous voilà plongés sous une menace très redoutable, que les râleurs ne peuvent pas imaginer, dans leur chaumière campagnarde, ou leur loft des beaux quartiers.
C’est sûr, la Vie ne peut pas être toujours si belle, non plus ! Il faut adopter une stratégie efficace devant cette adversité qui, forcément, nous interpelle un peu quelque part, selon les termes politiquement corrects consacrés.
Sur la plage arrière tout l'équipage a bien suivi l'exemple du skipper qui affine largement sa technique personnelle.
Mon estomac n'est pas au top de sa forme non plus. Les forces en présence sont donc plutôt contre nous, et Pierre envisage sérieusement d'opérer une sorte d'élégant repli tactique, en direction de Sète ou de « par là-bas »...
Bien sûr c'est tentant, surtout qu'Isabelle, sa charmante fiancée, est justement restée « par là-bas », elle aussi. Mais nous sommes déjà loin au large, ce qui nous promet un atterrissage sans doute au beau milieu de la nuit, sur cette côte sableuse, basse et rectiligne, sans carte précise de surcroît, poussés par cinquante nœuds de vent et leurs probablement délicieux rouleaux d’automne assortis.
L'idée ne me passionne guère, ce soir. Je propose, au contraire, de progresser le plus vite possible dans notre direction, vers les Baléares, pendant que les conditions restent encore maniables. Au moins si un abri n'est pas atteint avant le plus fort de la « brafougne », nous bénéficierons peut-être d'une certaine protection sous le vent des îles, avec au pire, tout le Golfe du Lion pour se laisser dériver « peinards » !
J'enlève assez facilement la décision.
Pour l'instant l'équipage est reparti rendre l'âme dans ses cabines. Généreux comme tout, mais pas mécontent de rester accroché à la barre, j'invite Pierre à se reposer quelques heures dans sa couchette, pendant que j'assure le premier quart de cette nuit prometteuse.
Le vent monte régulièrement, disons 30-35 nœuds maintenant, et j'apprécie bien les 28 tonnes de la coque pour passer en force dans la courte houle du Golfe du Lion. Rien à dire, le système d'arrosage automatique fonctionne bien, et même à 15 mètres de l'étrave, la douche salée m’asperge régulièrement.
La nuit sans lune, la morsure du froid, l’eau salée qui pénètre dans les yeux, mais quand même pas trop le temps pour les états d'âme. Toutes les 7 ou 8 secondes une nouvelle lame soulève la quille, comme la précédente. La prochaine aura elle aussi, à sa façon personnelle, la volonté marquée de mettre la coque en travers de la route, et de nous détourner des Baléares, et des Antilles qui sont juste derrière.
Aucun répit pour l'homme de quart, attentif à chaque mouvement de l’eau dans cette nuit noire. Mais, la grande roue en teck sait rester bien douce sous la main crispée, et le système hydraulique répond sans faiblesse à la pression des masses d'eau. Je barre à la vague, et à l'aveuglette aussi, mais des sensations de petit bateau, dans une “régate de clocher” me glissent dans le dos.
Finalement vous êtes là à vous faire secouer dans le noir, à cent milles au large, avec des mauvaises nouvelles du ciel, sur une baille en plastique aléatoire et chargée de points d'interrogation. L'humanité ne pourrait déjà plus rien de bien utile pour vous. Sans être spécialement en danger, vous restez tranquillement à la merci des forces magistrales de l'air et de l'eau. Évidemment que vous vous sentez tout petit et tout seul, mais c'est un moment très fort, et vous n'échangeriez pas volontiers, déjà, votre place contre un pique-nique sous les pommiers.
Quoique, un petit million d'heures et de vagues plus tard, quand Pierre se hisse péniblement par la descente, et me demande comment ça va, après trois terribles spasmes, j'hésiterais presque un instant !
Le vent souffle à peut-être 40 nœuds établis, assez réguliers, l‘angle du pont rase les flots rageurs. Mais on marche fort, c'est notre option choisie, et il faut rester bien toilés. Un nouveau ris dans l'artimon, et le mal de mer aidant, je renvoie Pierre en bas pour encore un moment de répit.
La bataille reprend dans la nuit, David et Goliath, Hiro, (dont le nom signifie tout simplement «héros» en japonais ...) s’accroche encore comme il peut sur le dos du dragon. Ne pas penser trop fort, rester discret, se faire oublier dans notre coin, et surtout essayer d‘éviter le contact direct avec les vagues, pour ménager leur susceptibilité.

Debout et calé contre le tabouret de barre, je m'enfonce un peu plus profond dans cette obscurité humide, une engatze en marseillais, guetté par le sommeil implacable.
Mais, Newton ne doit sans doute jamais dormir, lui, et la prochaine vague me réveille dans un désagréable mouvement basculant et descendant, autrement dit en pleine chute. Heureusement, malin comme un renard, je me suis bien amarré. Ficellé par trois bouts autour de la taille, mon poste ne peut pas vraiment m'abandonner.
Allez, le reste de l’équipage et de l’humanité toute entière est peut-être endormi... Je me ressers encore une petite dose d'adrénaline pour la route et pour moi tout seul...
Quoique, ce proverbe touareg me travaille l’esprit : « Dans le désert noir et la nuit noire, sur la pierre noire, une fourmi noire ... Dieu la voit ! ».
Quelqu’un me voit-il aussi ...?
Mais voici finalement le moment clef, où une petite goutte égarée parvient à faire déborder le vase. Vers quatre heures du matin, je profite d'un passage du skipper sur le pont pour lui rendre sa casquette et mon tablier, et je vais enfin me coucher !
Dans la cabine arrière, vous découvrez soudain le paradis. Chaleur, calme et volupté, ambiance douce et relaxante ; tout à coup plus de seaux d'eau dans les yeux, plus de claques de vent sur les oreilles, plus d'efforts dans les bras et les jambes. Le vacarme est très atténué, le mauvais temps a dû s'apaiser d'un coup, juste pendant que vous passiez par le capot de la descente. C’est assez magique !

Le sillage a l’air moins rageur à travers les trois « baies vitrées » de ce château arrière. Mimi vient même se blottir chaudement contre vous, sur la couchette, et vous envoie planer dans une parfaite béatitude.

Mais, une bonne heure plus tard, branle-bas de combat: je suis réveillé à coups de bottes (sur le pont, au-dessus de ma tête), et d'appels sans appel de Pierre.

Genre Tarzan, je bondis presque aussitôt dans la descente, mais une liane baladeuse en câble de dix millimètres passe aussi par là en sifflant, et seul un plongeon réflexe m'évite d'être atrocement lacéré.
Des câbles qui tiennent les mâts sur l‘arrière sont cassés. Un des pataras du grand mât et un des bas-haubans de l’artimon sont sectionnés en bas au niveau des ridoirs, et les deux têtes de mât s'agitent un peu bizarrement.
Ding dong, amis campeurs bonjour, réveillez-vous pour une belle journée de navigation automnale, en Méditerranée..!
Les mâts semblent vouloir néanmoins rester debout, pour l’instant en tout cas, et Pierre me demande de réveiller l'équipage. Je m'exécute courtoisement, en leur expliquant très vite que, vu une sorte de problème sérieux et inattendu dans le gréement, leur présence serait fort appréciée sur le pont, avec cirés et harnais de rigueur, et ce, dès qu'ils le souhaiteraient, mais tout de suite serait sans conteste le mieux …

Sans s'affoler on affale rapidement les trois voiles, les mâts sont assurés avec des drisses, les 120 chevaux du Ford sont lancés en avant lente, pour que Hiro reste manœuvrant, et demi-tour, nous repartons dos aux vagues, en s’appliquant à contrôler les grands départs en surf. La coque, de forme bien classique, avec étrave à guibre, château arrière, quille longue et retour de galbord, est bien sûr terriblement ronde ; sans voile pour nous appuyer, le roulis est à la mesure de cette grosse mer de novembre. Bon, voilà, ça se corse un peu plus, mais l'enthousiasme du moment ne m'empêche pas de retourner me coucher, dans cette superbe cabine arrière avec ses trois baies vitrées à petits carreaux, vue imprenable sur mer démontée, juste histoire de finir ma nuit quelque part au chaud malgré l‘agitation ambiante.
Et, c'est alors qu'au petit jour, Claude soulève un des planchers du carré pour jeter un coup d'œil au moteur. Mais saisi d'une vision d'horreur, il referme le panneau, fort précipitamment ma foi, et nous gratifie de ce hurlement funeste :
"OOONN COOOOOUUUUULLE !"
Ding dong, j'espère que vous avez assez dormi cette fois encore, parce qu'évidemment, là il va falloir à nouveau réagir à cet appel caractéristique, et sans doute assez rare dans une vie normale !
Les fonds sont en effet pleins d'eau, très sale et très salée aussi, nous dit le goutteur. Déjà quarante centimètres de hauteur sur toute la longueur du bateau, qui se baladent au gré du roulis.C’est impressionnant, peut-être cinq tonnes de Méditerranée sont passés à l’interieur du bateau ! On se jette dans tous les coins et recoins, sous toutes les couchettes et les vaigrages pour vérifier les passe - coques, les vannes, les tuyaux et durites diverses, et l'état de la coque, mais aucun trou béant ne nous apparaît …

Bien entendu sa crépine se bouche en quelques minutes et la petite pompe électrique grille presque aussitôt. Et nous voilà en train de brancher sa remplaçante, dans la cale inondée, de l'eau jusqu'aux genoux, comme dans le manuel du parfait petit électricien de marine.
De toute façon ça ne suffit pas pour étaler, et il faut utiliser la grosse pompe manuelle, celle avec le grand levier de un mètre, qui débite 2 ou 3 litres par coup.
Mais elle est carrément difficile d'accès, au fond d'une penderie de la cabine arrière, et plutôt dure à manoeuvrer, c'est vite exténuant.

Je dois organiser des tours de pompe, dix minutes chacun, et faire usage d'une certaine autorité pour que tout le monde s'y attelle à son tour. Évidemment le niveau ne descend pas, visiblement en tout cas ..

Bon, faisons le point !?

Vous êtes toujours sur le même bateau qu'hier soir, la météo du matin vous promet la même punition que la veille, et les vagues commencent à vous impressionner, surtout depuis qu'il fait jour.

Vous naviguez depuis bientôt 24 heures à l'estime dans la « brafougne », sans instruments ; le navigateur en titre se bat courageusement contre son estomac. Il vient juste de déclarer publiquement, et sans rire : « si jamais on s'en sort vivant, j'arrête la voile », alors forcément, vous êtes assez ennuyé.

Votre bateau a pris des coups, son gréement est hors service pour l'instant, une voie d'eau sans doute importante se cache quelque part, mais où ?
Si le niveau monte encore un peu, même votre moteur va être noyé. Mais, vous tentez de croire que ça pourrait être pire, et qu'il reste un peu de temps avant les prières. Votre optimisme de base vous répète que la Vie vaut probablement encore la peine d'être vécue...
Entendu plus tard à la radio VHF du bord :
« Crossmed, Crossmed, Crossmed de Hiro... Crossmed, Crossmed, Crossmed de Hiro... » - « Ici le Crossmed je vous écoute sur le canal 9 »

- « Crossmed, Crossmed, Crossmed de Hiro »

- « Hiro de Crossmed je vous écoute »

- « Bonjour Crossmed, nous avons quelques problèmes que voici : (.........), mais nous sommes toujours à flot, et je vous demande simplement de rester attentif en veille, pour le cas d'urgence où je n'aurais pas le temps de vous raconter notre vie à nouveau ».
- « Ok Hiro, bien compris, je reste en veille sur vous et je cherche d'autres bateaux sur zone, bon courage, terminé ».
Super, le Crossmed !

Même s'ils ne peuvent ni calmer les vagues, ni sécher le bateau, ni remplacer les haubans, ils nous redonnent un atout dans notre jeu qui s'affaiblissait : oui il y a encore d’autres hommes sur la planète !

Et le pompage - roulis continue, on dirait les Shaddocks dans leur tournée méditerranéenne ! Nous y sommes ! Bien entendu, (et uniquement pour les vrais connaisseurs expérimentés), une bonne réserve d'huile de vidange et de gazole égaré garnissait au départ le fond du profond puisard, sous le moteur. Cette couche bien grasse se retrouve maintenant en première ligne flottant par dessus l'eau salée et, gentiment, à chaque coup de balançoire, un peu de ce pétrole badigeonne par dessous, surement en sifflotant dans son fort interieur, le contenu des équipets, la nourriture, la vaisselle, les vêtements, les matelas.
« C’est trop sympa, merci »!

C’est alors que l’on constate que les portes des placards s'ouvrent à la gîte, que les toilettes refoulent l'eau de mer, que les mains courantes sont absentes ou mal placées, que ça craque partout, que les planchers vernis sont de vrais patinoires , bref, que Hiro aurait sans doute besoin de pas mal de travail et d'un peu plus d’amour pour devenir vraiment marin : le TLC, le « tender loving care » chez les américains.
Pourtant, après quelques heures de cette petite fête, on dirait que l'eau ne monte plus...
Et même redescendrait un peu !?
Dans le même esprit, paf, un oiseau nous apparaît, puis des sommets pyrénéens enneigés, et finalement la côte espagnole. Enfin même un rayon de soleil, et le vent finit aussi par mollir un peu... Nous voici d’un coup sans doute sauvés des eaux, et tous ces dons du ciel, en toute banalité et incognito, font de nous les hommes les plus riches du monde !

Nous devons maintenant remonter toute la Costa Brava vers le Nord, jusqu'à Port-Vendres, histoire de réparer en France. Nous avons marché comme des avions la nuit dernière, pour être déjà là…

Hiro rejette son eau et l'activité diminue à bord.
Comme par hasard la barre est encore pour moi, et je la partage avec Bracquetuit, qui a retrouvé la forme.
La mer se fait extraordinaire de puissance et de beauté, comme souvent en fin de « cartouche », 10 mètres selon les Manifestants, 5 mètres selon la Police. La houle devient quand même énorme dans ces parages du Cap Creus, où les fonds remontent. Mais le vent faiblit et ça ne déferle plus.

Nous surfons au moteur ces collines en mouvement, parmi les oiseaux, en essayant, tant bien que mal, de garder le bateau sous ses mâts dégarnis …

Le froid continue pourtant à mordre, et deux petites soupes brûlantes sont enfin les bienvenues, suivies de deux petites bières glacées pour célébrer l'événement, suivies de deux petites soupes brûlantes pour nous réchauffer, suivies de deux bières glacées, suivies de deux soupes brûlantes, suivies de deux bières glacées, suivies de ... je ne sais plus ... probablement de quelques histoires drôles, et des vraies chansons bien solides ...
Dans la soirée, Hiro vient mouiller au quai d’honneur de Port-Vendres. Manœuvre de haut vol du Capitaine, dans le clapot et les rafales de Sud-Est qui recommencent à siffler. Dans l'indifférence générale, à part pour le Crossmed que nous remercions de son soutien actif, les héros extra- terrestres débarquent avec difficulté, pour se payer un steak frites et une bonne bouteille.
Philippe, qui n'avait pas bougé de sa couchette depuis vingt-quatre heures, prend une chambre à l'hôtel.
Il passera à bord le lendemain, pour récupérer ses affaires et déclarer modestement : « finalement la mer, je crois que c'est pas pour moi » ! Plus tard, Eric nous racontera comment, saisi d'une remontée stomacale pressante, Philippe eut la bonne idée d’ouvrir et d’utiliser directement le hublot de coque de sa cabine, et comment une vague inopportune et refoulant l'a proprement douché et fortement contrarié ! Pour l'heure, il s'agit de convaincre notre skipper de changer d'avis et de « continuer la voile ». Avec un bon repas et l'arrivée de la belle Isabelle, qui lui apporte sans doute le réconfort espéré, mais aussi les haubans de rechange, sa bonne nature relance la roue dans le bon sens.
Nous réparons vite, mais pendant quatre jours le vent va souffler trop fort pour envisager de repartir. Chaque matin la météo nous promet une punition de Sud-Est, du vent entre force 8 et force 11, ça fait beaucoup trop. La mer est montée à l'assaut du port, assez ouvert dans cette direction. Un joli clapot submerge les quais, et les grands chalutiers de haute mer sont mouillés en travers du bassin, « pour sauver la ville », tout simplement !
Alors, en attendant, vous faites calmement la fête avec la réserve d'usage pour les plus de 4.000 milles qui vous restent à parcourir avant de rejoindre ce, déjà ancien, Nouveau Monde.

Et puis, un beau jour le vent tourne enfin et Hiro repart donc vers son destin, en début d'après-midi. Évidemment le skipper a du sortir sa bouteille d'air et plonger pour dégager l'ancre, qui s‘était accrochée sur la chaîne - mère au fond du port.

«Tu m'étonnes qu'on tenait bien et même tous les bateaux voisins, qui reculaient contre le quai, mouillés sur leur ancre également, s'accrochaient solidement à nous » !
Adieu Port-Vendres et merci pour tout ! Une petite navigation superbe nous attend, vent du Nord médium, coucher de soleil de démonstration, avec visibilité « laser » sur les iles Baléares qui défilent au large, avec un équipage en pleine forme, la Vie se refait une beauté.
Et ensuite, tranquillement, le vent refuse, tourne à l'Ouest, au Sud-Ouest et forcit, reforcit, et dix de der ! Et, tout tranquillement, nous voici sous trois ris et tourmentin, luttant pour progresser dans l'abri relatif de la rade d'Alicante. Et toujours aussi tranquillement, le tourmentin explose en lambeaux...
Et Pierre décide à nouveau de tout arrêter !
Vous voici donc amarrés au superbe Real « Club Nautico» d’Alicante, à attendre que la dépression s'éloigne, en écumant les bodégas de la vieille ville, avec la force tirée de deux belles « brafougnes » et la retenue suggérée par 3.700 milles entre vous et vos Antilles.
Les tapas et quelques bottes secrètes locales sauront regonfler le skipper et, quatre jours plus tard, nous décidons de forcer le passage, dans une accalmie relative.
Après cette agréable escale espagnole, les chimères ne vous font pas peur, et vous êtes prêts à combattre tous les moulins qui se dresseront sur votre route !
La Vie opine également du bonnet.
Et, bien sûr, rapidement, trente nœuds de vent se retrouvent dans l'axe de notre route, accompagnés de leur petite mer cendrée. Hiro malmené tire « des bords carrés », atteint et dépasse les limites de résistance de son inter qui se déchire en lambeaux, désolidarise ses réservoirs de gazole de la coque, et finalement nous pète une durite de refroidissement moteur, pour l'essentiel... Escale forcée à Cartagena où le cercle infernal reprend : réparations du bateau, soutiens au skipper, détente pour l’équipage, la routine s'installe.

Sauf que Cartagena est un port militaire, ce qui lui confère une certaine rigueur, parfois contraignante pour le marin en bordée. La ville n’a pas pu se « libérer » aussi vite qu’Alicantede la période sombre, après la fin toute récente de la dictature de Franco, mais nous échapperons encore une fois à la maréchaussée.
La Vie se tient donc, pour l'instant, encore un peu à carreau, évitant ainsi, elle aussi, de se faire interroger...
Et, les militaires ne sachant pas nous retenir plus longtemps que nos quatre jours habituels d’arrêt de rigueur, nous repartons à la première ouverture, prêts à tout pour atteindre notre but lointain. Après référendum à bord, nous embarquons des bateaux - stoppeurs en direction de Gibraltar, deux « Sudacas » : Tito le fier Argentin et Fernando le rebelle Urugayen, chaperonnés par Vishnou, leur grand chien noir dont un de ses nombreux ancêtres est sûrement arrivé de Terre-Neuve, il y a longtemps. C’est un bon gros chien, il est bien gentil même s’il ne semble pas avoir inventé l’eau tiède.
Mais, personne ne lui a sans doute demandé de le faire non plus !
Et le temps nous gâte, pour passer le cap du même nom : conditions anticycloniques, vent portant, presque tiède, soleil et mer plate.
La Vie monte d'ailleurs se faire bronzer sur le bout- dehors, et vous constatez qu'elle a justement, encore une fois, justement retrouvé du chien, et que son charme n'a donc pas perdu un poil à vos yeux.
Pour la suite, le programme s'établit ainsi : escale de quelques heures à Marbella, pour retirer un mandat (qui doit déjà nous attendre à la poste), de l'agence de location, puis nous fonçons à Gibraltar chercher une voile d'avant, solide et efficace, pour la traversée et l'hiver aux Antilles et, grand départ aussi vite que possible.
Entre chien et loup, dix-sept jours après notre départ de Marseille, nous atterrissons sur Marbella. Moteur au ralenti, tout est calme sur l'eau. Salut propret aux douaniers qui battent paisiblement le pavé, mitraillette sur la hanche, sous le phare, au pied de la ville.
Nous sommes éblouis et fascinés par les lumières, les bruits et le flamenco qui s‘échappe des nombreuses guinguettes du port. C'est le choc habituel après plusieurs jours de mer. Comme dans toutes les marinas espagnoles sérieuses, un préposé nous indique aussitôt une bonne place pour la nuit.
Nous manœuvrons pour nous mettre « cul à quai », selon l'usage en Méditerranée, en faisant pivoter le bateau grâce au pas de l'hélice. Marche avant, marche arrière, marche avant, marche arrière, les quinze mètres de coque tournent doucement. Marche avant, marche arrière, marche avant, marche ... avant, marche avant, marche avant ?!?
L'inverseur hydraulique reste fermement bloqué en avant, et voilà notre petite trentaine de tonnes lancée à petite vitesse en direction du fond du port.
C’est bien trop étroit pour faire demi tour ... « mouille » !... je libère l'ancre illico, mais évidemment la grosse manille rajoutée à Marseille se bloque dans le barbotin du guindeau et nous continuons d'avancer... Hiro va t’il faire un carton dans les jolis bateaux au bout du quai !?!
Enfin non, encore pas cette fois : à coups de masse je débloque le problème et nous voilà mouillés au milieu du chenal !
Ouf, adrénaline nous en ressert un petit ! Immédiatement notre agent portuaire sur le quai, qui n'apprécie pas ce véritable bouchon dans son domaine, se met à vociférer dans sa langue, quelque chose comme : « Ancla, ancla » ! Soulagés mais bien conscients du dérangement créé par notre affaire, nous l'assurons tant bien que mal de notre désir partagé de remonter cette ancre, mais également de notre besoin préalable d'être reliés à la côte andalouse par un lien quelconque :
« Problemo motoro, necessito una liña primero... ».
Il a compris quand même et quelques instants plus tard nous distinguons un youyou qui sort de la zone d'ombre du quai et progresse vers nous. Il vient prendre l'extrémité de notre amarre, exécute un demi-tour parfait d'un coup de rame expérimenté et s'enfonce à nouveau dans l'obscurité. Nous filons la ligne à mesure qu'il s'éloigne. Et, bien qu'éblouis par les lumières de la ville en arrière-plan, nous le distinguons arriver à terre.
« C'est bon, tirez doucement » nous crie-il dans la langue de Don Quichotte et nous reprenons lentement le mou du cordage.
« - Tirez !!
- Ok, ok
- Mais tirez bon sang !!
- Mais on tire, non ?
- Tirez nom de Dieu, @#§ !!!
- @#
§ de #°§#@, mais on tire pourtant ?!? »
Suit un échange sonore et coloré de quelques jurons sympathiques et convaincants, chacun dans sa langue maternelle.
Quand même il y a un problème et je demande aux Sudacas, qui parlent bien sûr espagnol, d'essayer de comprendre...
Et voilà : arrivé au quai, notre ami a demandé de lui laisser du mou, et nous avons compris de reprendre le mou ! Bref, il était dans sa barque, le cordage entre les dents, à ramer comme un fou pendant qu'on tirait comme des ânes pour le ramener à bord. Plus il gueulait, plus on tirait, en toute bonne foi !...
Évidemment nous sommes morts de rire et lui complètement furieux, il disparaît jusqu'au lendemain où nous échangerons des excuses en rigolant du tableau !
Bon, Hiro touche finalement le quai, le spectacle est terminé et tout le monde va se coucher de bonne heure, sans vraiment céder aux tentations de la fête. Parce que demain il faudra voir cet inverseur.
Il y a déjà trop longtemps que vous êtes parti, vous n'avez de toute façon plus d'états d'âme.
Le lendemain matin, évidemment aucune trace de notre mandat à la poste et l'agence à Paris ne répond pas. Merci « monsieur » le directeur, l'éternelle incompatibilité entre la mer et l'administration !
Ameutés par les agents du port et nos deux sud- américains, tous les mécaniciens spécialistes donneurs de conseils de la ville se retrouvent à bord et nous réparent une dizaine d'inverseurs chacun. Humbles mais désargentés nous décidons d'attaquer la chose par nous- mêmes, sous la direction éclairée de Bracquetuit et de son lointain passé de mécanicien agricole.
Les vérifications d'usage ne nous apprennent rien, il faut donc sortir la bête de son repaire et lui ouvrir le ventre. Débrancher les commandes, électricité, gazole, refroidissement, désaccoupler l'arbre d'hélice, le moteur, et hop, à travers un capot de pont nous extirpons péniblement le malade, grâce au palan d'écoute de grand-voile. La table du carré en marqueterie fait office de table d'opération, le vernis protégé par des lambeaux de tourmentin pliés en quatre.
Face à cette masse compacte et énigmatique, inspirés par la muse des mécaniciens amateurs, nous décidons de « creuser » en commençant par le côté moteur. Grand bien nous a pris, car après une progression d'une quinzaine de centimètres en quelques heures, sans outils spécialisés, victoire !
Nous découvrons un orifice obstrué et une courte réflexion nous amène à conclure qu'il s'agit bien du circuit que doit nécessairement emprunter l'huile hydraulique, pour engager la marche arrière. Rapidement, le canal est débouché et nous remontons la vingtaine de pièces diverses, bagues, clips et rondelles soigneusement numérotés et stockés dans l'ordre de démontage. Des vrais pros !
Palan d'écoute, redescente dans la cale, accouplement au bloc moteur, à l'arbre d'hélice, rebrancher le refroidissement, le gazole, l'électricité, les commandes, etc.
Démarrage, brroum, brroum, impeccable, levier d'inverseur : marche avant ... marche avant ! Marche avant ?! Aucun changement.
Grosse incompréhension et déception assortie. Finalement vous êtes bien loin du pro !
Le lendemain, le courage nous tombe dessus au réveil et nous remettons ça : débrancher les commandes, électricité, gazole, refroidissement, désaccoupler l'arbre d'hélice, le moteur, et hop, extirper soigneusement cet inverseur toujours malade grâce au palan d'écoute de grand-voile. Le tourmentin sur la table marquetée, doucement, doucement posé et nous voici prêts pour une nouvelle plongée dans le monde fascinant de l'hydraulique marine.
Après un regard pour imposer le silence à la muse, nous pénétrons cette fois par l'autre côté. Et bien sûr une quinzaine de centimètres plus loin, nous découvrons enfin la vraie raison du blocage : une bague s'est mise en travers et gêne le bon fonctionnement du levier.
La bête ne peut plus nous échapper à présent !

Nous reconstruisons la machine en bon ordre et refermons la boîte. Palan d'écoute, redescente dans la cale, accouplement au bloc moteur, puis à l'arbre d'hélice, rebrancher enfin les circuits de refroidissement, de gazole, l'électricité, les commandes, etc... la routine quoi, presque les yeux fermés !

Démarrage, brroum, brroum, impeccable, levier d'inverseur : marche avant ... marche avant !!!???? marche avant !!! Toujours aucun changement.
Cette petite fantaisie récalcitrante commence à vous chatouiller l'amour-propre et vous décidez de rejouer ça immédiatement après le déjeuner. Vous ne prenez d'ailleurs pas d'apéro, merci.
Une allumette entre les dents, tout en sifflotant l'air de rien, débrancher les commandes, électricité, gazole, refroidissement, désaccoupler l'arbre d'hélice, le moteur, et hop, extirper tranquillement l'objet infernal grâce au palan d'écoute de grand-voile.
Tourmentin sur la table, gestes sûrs, poser.
Et les cinquante centimètres de pièces de métal assemblées s'offrent à nouveau à nos mains expertes. Il ne nous reste plus qu’à explorer un boîtier de vingt centimètres, blotti au cœur de cet enfer. En quelques passes habiles, nous sommes face au dernier disque gardant l'accès à ce tabernacle secret.
Fébriles, tel l'égyptologue moyen pénétrant pour la première fois dans la chambre de la Reine, nous ouvrons délicatement ... pour tomber nez à nez avec un gros bloc de limaille de fer, là où devrait se trouver soigneusement alignée au dixième de millimètre toute une série de pignons, axes, roues dentées et autres « satellites ».
Explosé, pulvérisé, détruit, irréparable ! Très las, vous restez à bord pendant que la Vie fait la fête en ville, avec des copains d'un soir. Évidemment, le lendemain il pleut sur notre misère. C'est lundi, mais toujours aucune nouvelle de notre mandat à la poste. Le patron de l'agence est parti aux Antilles et la secrétaire n'a reçu aucune instruction nous concernant. Encore merci !
Le moral du skipper plie sous tant d'adversité, il décide de jeter l'éponge définitivement. Démission, déménagement de tout son barda, location d'une voiture et il démarre en trombe direction la France en me laissant les clefs du bateau avec ces mots :
« Si tu veux tu continues, moi j'arrête. »
Et me voici au pied du mur, avec un yacht franchement mal en point, un équipage sans expérience et encore 3.500 milles d'Océan... Pierre est parti avec tout son matériel de navigation, il ne reste à bord qu'une seule carte, le « routier » de l'Atlantique, une gomme en très bon état, un loch qui a besoin d'être sérieusement étalonné et une VHF de base. Plus de jumelles, baromètre, compas de relèvement, ni de sextant... de toute façon je ne sais pas vraiment m'en servir ...
Bon, le bateau affaibli, le gréement fragile, les voiles en ruine, l'inverseur cassé, l'argent absent, la traversée, la responsabilité, les innocents, le passé difficile depuis Marseille et le manque d'expérience à venir, vous préférez réfléchir un moment au calme.
Bien sûr ! La mariée est largement assez belle, je saute donc sur l'occasion à pieds joints, et décide de prendre en charge la suite de cette odyssée intercontinentale …
En effet, on ne se trouve pas tous les jours non plus aux portes de Gibraltar, avec un grand ketch offert, sous ses petites bottes personnelles.
Dès le retour du patron de l'agence, je m'accorde avec lui sur les besoins de Hiro et les conditions de l'équipage et du nouveau skipper pour réussir à faire voguer cette galère et traverser cet océan.
Comme Pierre, au départ de Marseille, j'ai besoin d'aide. J'appelle du renfort en France. Un copain, qui s’appelle Sylvain lui aussi, accepte vite l'aventure. Les prénoms identiques vont compliquer un peu la communication à bord, et même s’il a peu navigué, il est solide et débrouillard, j'ai confiance en lui. Il apporte une belle contribution à la réputation globale d’efficacité de ce prénom mythologique ... Il me rejoint avec Etienne, un ami moniteur de voile à ses heures. Il amène aussi mes quelques instruments de navigation personnels, et il a même pu trouveer un sextant et des tables de calcul.
Paris contacte le chantier qui a révisé l'inverseur, exige et négocie le dépannage sur place et sous garantie. Juste en face de l'Afrique et de tous ses trafics, le port de Marbella est très surveillé, et Bernard, le mécanicien de Marseille, provoque une petite émeute douanière en arrivant au bout de la digue avec un inverseur neuf, couvert de scellés bizarres, à l'arrière de son break. Il a pour mission de réparer par tous les moyens locaux et de n'utiliser la pièce neuve qu'en toute dernière extrémité.
Un jour suivant, notre belle andalouse de postière éclaire franchement son sourire, car un peu d'argent nous attend enfin.C'est la moitié de la somme promise par Paris, mais nous pouvons maintenant relancer le jeu ...
Une vérification majeure du bateau s'impose, de la quille à la tête de mât, pour tout ce qui concerne navigation et sécurité. La liste prend deux pages sur le livre de bord et s'allonge à mesure que les premiers points sont contrôlés.
Resserrer les boulons de quille, fourrer les barres de flèches avec moquette et chambre à air, recharger les extincteurs, remettre en état les feux de navigation, installer des cale- pieds pour le barreur et des systèmes de blocages aux portes de placards, rien n'y échappe. Du nettoyage sérieux des fonds au remplacement des vis de rail d'artimon, en passant par le réglage du mât, l'éclairage du compas, les cliquets de winch, la pharmacie, et l'étanchéité des jolis capots à l'ancienne... Je n'hésite pas à découper les beaux vaigrages de la cabine avant pour atteindre la coque et déboulonner les cadènes de haubans. Sur tribord elles montrent des microfissures douteuses. Une plaque triangulaire est soudée en bout d'un plat d'inox chinois, et des efforts importants passent par ce point. Un coup de meuleuse révèle que le soudeur taïwanais n'avait pas pris le temps de nettoyer le « laitier », l'oxydation due à la soudure entre ses passes. Sur huit millimètres d'épaisseur théorique, il n'en reste que trois de métal sain !
Une navigation tribord amure dans ce coup de vent du Golfe du Lion, et le mât n'avait probablement aucune chance de rester debout ...
Et vous remerciez d'ailleurs humblement Eole, de vous avoir envoyé cette tempête depuis le Sud-Est, et non pas depuis le Nord-Ouest habituel !
Fébrile est l'activité à bord, mais le temps s'écoule tranquillement sur la Costa del Sol.
Ce modèle d‘inverseur étant également monté sur des tracteurs, j'écume agréablement la campagne alentour avec Bernard, le mécanicien, à la recherche de pièces d'occasion pour le moteur, et aussi d'un inter solide pour le triangle avant de notre plan de voilure.
La carte de crédit, que la banque a finalement réussi à me faire parvenir, ne produit que deux mille francs par semaine, et notre budget quotidien est un peu serré. Mais l'expérience des deux routards sud-américains et les efforts de chacun font que la vie reste vraiment royale. Nous donnons même régulièrement de charmantes réceptions à bord, qui commencent à être courues, au grand dam des douaniers, fort perturbés par cette activité inhabituelle au bout de leur jetée !
Nous faisons un peu partie du paysage local, des amitiés se nouent, un vieux pêcheur nous offre son bateau si nous acceptons de nous installer ici... Noël approche et nous envisageons même assez sérieusement une proposition de prendre un petit restaurant en gérance pour les fêtes.
Mais la Vie commence à jouer un peu trop sur deux tableaux en même temps, et il va falloir qu'elle se décide bientôt : les vagues ou les castagnettes ?
A force de s'intéresser à tout, nous finissons par découvrir notre fameuse voie d'eau du Golfe du Lion. Le puits à chaîne, situé dans un petit cockpit à l'étrave, n'est pas étanche à l'intérieur. A la gîte, les dalots, les trous d’évacuation, mal placés, ne peuvent évacuer toute l'eau assez rapidement, et au près, par mer forte, cette petite baignoire reste pleine en permanence. Sans le couvercle de l'écubier, qui avait du sauter sur une vague, la mer s'est fait une joie de s'engouffrer en continu toute la nuit, par ce passage de dix centimètres de diamètre. A la découverte de la « voie d'eau », nous étions déjà en fuite au moteur, ce cockpit était donc relativement sec et l'eau ne rentrait plus, d'où l'impossibilité de comprendre...
Sur un plan plus spirituel, nous débusquons enfin, peut- être, la vraie cause de tous nos malheurs : une figurine en caoutchouc d'un cousin du lièvre, l'animal aux longues oreilles se cachait depuis le départ au tréfond d'un tiroir. Cet animal est interdit de séjour sur les voiliers honnêtes, même son nom ne doit pas être prononcé à bord. Il a probablement provoqué de nombreux naufrages, en grignotant les cordages de retenue du chargement, l’étoupe d’étanchéité des coques, voire des chevilles ou des planches de bordé, ce qui lui a valu cette réputation diabolique superstitieuse. Nous l'immolons sur le quai, sommairement et sans procès, par le fer et le feu. Puis, dans un élan de purification inquisitoire proche de la chasse aux sorcières, je découpe soigneusement toutes les images et recettes concernant ce rongeur dans les nombreux livres de cuisine du bord.
Ma main en tremble encore de rage !
La liste des travaux s'amenuise, et je peux m'intéresser au sextant. Le nôtre est un appareil en plastique, acheté d'occasion par un ami. Il partait traverser le Sahara, d'Ouest en Est, et voulait une ultime bouée de secours, en cas d'égarement total.
Quand j'ouvre le coffret pour la première fois, je tombe presque sur un bloc de sable compact ! Mais quelques fouilles délicates me permettent d‘en dégager cet instrument optique de précision ...!
Des semaines plus tard je trouverai encore des grains de sable saharien dans la boîte. En attendant, avec de nombreux essais sur la digue, j'arrive à sortir de l'appareil des latitudes méridiennes pas trop ridicules. J'échafaude aussi, par tâtonnements, une méthode de calcul personnelle pour la longitude. Le doute reste embusqué derrière les chiffres, mais après tout, Christophe Colomb n'avait même pas de sextant, et il a bien traversé quand même, non ?
Je finis par m'impatienter auprès de Bernard qui cherche toujours vainement ses pièces de rechange. Une discussion houleuse restera dans les mémoires des douaniers alentours. Malgré tout, il installe finalement l'inverseur flambant neuf dans la cale.
Avec lui, comme on s’y attendait bien un peu, ça „marche avant - marche arrière“ à nouveau, sans problèmes !
Un dernier élément capital nous manque toujours : un génois. Je finis par en débusquer un très convenable, mais l'argent nous fait encore défaut. Même en économisant fort sur l'avitaillement, il faudra payer le port, soit plus d'un mois de stationnement.
Le vendeur de la voile rentre en Angleterre pour les fêtes et ne peut pas attendre la manne hebdomadaire de mon distributeur de billets. Plein d‘espoir, je lui demande de passer à bord le jour de son départ, au cas où. ..!?
Et, justement, un petit miracle de Noël nous tombe dessus: une enveloppe, que nos deux sud-américains disent avoir trouvé dans une poubelle, nous offre une grosse liasse de pesetas. Personne ne semble les réclamer, et ça fait juste le compte pour notre inter, quasiment au franc près !!!
Notre anglais s'empare de tout et me redonne un billet pour « acheter deux bouteilles pour Noël » !
On dirait que la chance a sérieusement tourné, et vous ne manquerez pas de remercier votre bonne étoile, dès que vous serez seul avec elle ...
Encore quelques essais et vérifications, oublier doutes et interrogations, faire nos adieux à Bracquetuit que son patron réclame trop impatiemment. Enfin, une ultime soirée avec un mémorable « churrasco », le barbecue des « Sudacas », sur notre quai, avec nos douaniers. Les derniers joueurs de guitare quittent le bord vers minuit, ce 23 décembre. La météo s'annonce favorable, le capitaine du port et son expérience m'ont assuré d'une nuit tranquille sur le détroit.
Ce n‘est pas le moment de tenter les démons en partant un vendredi. Et c'est donc vers 1 heure du matin, le samedi 24 décembre, que nous larguons vraiment les amarres. L'estomac et le cœur serrent un peu, mais nous restons bien sanglés dans nos certitudes de connaître notre bateau presque sur le bout des doigts, et de pouvoir affronter les aléas avec un peu plus de brio.

14 mai 2020
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Très beau récit...est-ce qu'il a une suite?

14 mai 2020
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Magnifique oui !

14 mai 2020
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J'ai pas la suite, mais j'ai le début de ton histoire. Je vais la mettre dans "vos histoires de mer". (Non, c'est pas le même bateau ;-). Mais ça aurait pu, c’était à la même période.)

14 mai 2020
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Idem, même période et lieux de départ ou presque, trajet vieux port-autre côté du champ de houle. Que des minots sur un 50 p.
Même conditions, meteo surprise en plein hiver. Ce super récit m'a bien plu . Mais moins de galères importantes. Faut dire que pas de cousin à bord surement 😁

Prepa, rencontres, lieux, assortiment d'équipage et recits de bord comme si c'était hier (on baignait plus dans le vomissou qui tapissait les fonds melangé à une blanquette évadée du frigo devasté que dans l'huile). Excellent et trés bien d-écrit.

14 mai 2020
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Merci, comment s’appelait ton bateau ?

14 mai 2020
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C'est drôle, on etait plusieurs d'ici sur l'atlantique à la même période : Pour moi, Setubal - la Palmas Novembre 84 ; la palmas - Conakry décembre 84 ; Conakry - Iles du cap Vert : Janvier 85 et Cap vert - Martinique : Février 85.

14 mai 202014 mai 2020
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Le bateau s'appelait "Baby foc". Plan Mauric de 14.5 quillard. Il appartenait à un proprio. En 86 .

14 mai 202016 juin 2020
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Bonjour ,procédure a respecter pour baptiser ou debaptiser un navire. Euh en théorie.

14 mai 2020
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Ratafia1 envisageait de rebaptiser son Rush dans le respect strict des traditions.
Qu'en est-il?

14 mai 2020
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Bonjour,

Perso je n'ai jamais fait attention à toutes ces croyances, tout en respectant ceux qui y croient bien sûr.

J'ai toujours rebaptisé mes bateaux, mangé du lapin à bord lorsque j'en avais envie, etc etc...

Jusque là tout va bien...

Fañch

14 mai 2020
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Le coup du Vendredi et du nom j'y crois pas. C'est un complot.

14 mai 2020
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mon grand père marin pécheur , m'a inculqué toutes ses chimères , et bien maintenant je suis bien avec ça!!! j'ai beau me dire c'est des conneries,et bien n’empêche ça reste toujours dans un coin de ma tête 😣

ex: si un pote achète du pâté de lapin sur son canote je vais en manger ,mais de moi même jamais je ne mettrai du lapin dans ma cambuse!

ma femme et mes enfants on déjà trouvé le nom du nouveau bateau je vais cédé mais je suis pas fan ...
pour les autres j'avais mi mon véto

allez j’arrête la je suis définitivement timbré 😂

14 mai 2020
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Hiro, suite, pardon d'être sans doute en dehors du sujet,mais la supersitition est présente tout au long de ce récit ;-)

Ému comme le roi mage moyen, poussé par un gentil souffle méditerranéen, Hiro se faufile entre les lumières de l'Europe et celles de l'Afrique. Hercule s'est absenté mais ses colonnes balisent toujours la voie. Nous naviguons maintenant sur une échelle planétaire, parmi un défilé de cargos venus du bout du monde... Les éclats du phare du cap Spartel disparaissent dans le jour naissant. La houle, plus longue et régulière, du genre venue de très loin, nous assure d'avoir bien changé de plan d'eau. Une offrande s'impose et vous ouvrez une de vos deux précieuses bouteilles de « Sang de Taureau », moitié pour Eole et Neptune, moitié pour Hiro, et bien sûr une bonne moitié pour l'équipage ! La deuxième bouteille coulera à flots pour le réveillon du soir, partagée entre le Père Noël, l'Enfant Jésus, toutes les étoiles du ciel, et l'équipage qui n'en rate pas une, évidemment ! Nous gardons de l'Ouest dans notre Sud pour rester bien au large de cette côte marocaine peu hospitalière, et je navigue avec plus de confiance dans l'estime que dans mon point astro, qui tombe toujours entre trois et trente milles autour ...
Les puissants alizés portugais nous trouvent rapidement. Sous voilure réduite, Hiro descend joyeusement les vagues, dans un grand frais de Nord, malgré l'inquiétude un peu viscérale du Capitaine, qui perd évidemment le sommeil à chaque coup de barre. Il est bien clair maintenant que tous les craquements, grincements, claquements, couinements et autres sifflements, résonnent bien plus fort dans les oreilles quand on est le maître à bord !
Un empannage incontrôlé, avec la retenue de bôme qui casse, et l'écoute de grand-voile qui arrache son rail et le capot du carré, me décident à calmer radicalement le jeu.
Donc, sous le petit torchon de la trinquette seule, ou bien même à sec de toile, j'organise un cours de barre en situation réelle, avec pour objectifs pédagogiques principaux la présentation correcte de la coque aux déferlantes méchantes, le maintien du bateau sous ses mâts, et accessoirement la tenue d’un cap convenable.
Une trentaine d'heures de cette petite fuite tranquille et le beau temps revient sur un équipage, amariné et soudé, qui apprécie de plus en plus le portant.

L'ambiance du bord est restée à la fête depuis Marbella, et ce petit coup de vent ensoleillé nous a mis un certain baume au cœur.
Venue de nulle part mais d'où ? Il y a toujours un peu d'eau dans les fonds, et les batteries se rechargent mal, mais rien ne nous empêche de trouver l‘île de Lanzarote, après quatre jours de navigation, et six nœuds de moyenne. Trente milles d'écart sur l'estime, et vingt sur le sextant, c'est pas trop inquiétant, vu les paramètres météo en présence.
Encore deux petites journées de vent faiblissant, un passag dans le détroit entre Lanzarotte et Fuerteventura, et nous arrivons dans la nuit devant Puerto Rico, le petit port d’un centre touristique, au Sud-Ouest de Gran Canaria, le 30 décembre. Calme plat cette nuit, mais je préfère attendre le jour pour une première arrivée, et dans un port inconnu sans carte de surcroit. Je m'entraîne à manœuvrer au moteur, arrêté au large, histoire d'apprendre un peu les réactions du bateau en marche arrière.
La dernière entrée dans un port, à Marbella, restant un souvenir moyen, autant mettre un peu d'atouts dans votre jeu, non ? Le soleil se lève juste derrière la montagne noire quand l'ancre touche le fond, et nous reculons comme des rois, pour venir nous mettre à quai, avec précision, dans le silence et la paix. Merci pour tout !
Ce petit port a l'air bien tranquille, quelques voiliers accrochés au quai, une belle plage, vide pour l'heure, au pied d'un grand amphithéâtre rocheux couvert de constructions d'un blanc éclatant. Le calme est biblique, jusque vers dix heures du matin. Quand soudain, les escaliers qui descendent vers la plage se couvrent de colonnes de futurs baigneurs, de colorations diverses, oscillant entre le blanc laiteux et le rouge parfois vif ...
Le sable disparaît presque sous la foule étalée, et une forte odeur de crème solaire envahit les couches basses de l'atmosphère. Toute l'Europe du Nord s'est donnée rendez-vous ici pour finir l'année, les agences de voyage ont bien vendu leurs produits, et j'espère que tout le monde y trouve son compte.
Les scandinaves viennent oublier la nuit et le froid chez les espagnols qui ont le soleil et le sens de la fête. Et, comme souvent dans les îles, les commerçants indiens et libanais font sérieusement les comptes de ces joyeuses retrouvailles.
Mais pour nous pas le temps de trop badiner, nous ne sommes pas en villégiature, mais en escale technique. Faire les pleins, eau, gazole, nourriture, resserrer le presse-étoupe, changer les batteries avec un nouveau câblage plus sérieux, revérifier tous nos points sensibles, pour l'essentiel.
Ici nous devions embarquer une nouvelle équipière, cliente de l'agence, venue avec des cartes détaillées et instructions nautiques des Antilles. Mais la dame s'est probablement envolée depuis longtemps sur un autre bateau, vu le retard de notre arrivée, plus d'un mois. Et c'est sûrement par vengeance que les documents ont du rester dans son sac !
A la recherche de ce genre d'aides à la navigation, je rencontre plusieurs skippers plus expérimentés, et j’en profite pour peaufiner ma technique personnelle du point astro. Observations et calculs sont corrects, mais c'est dans le tracé sur la carte que je commettais une erreur : en arrondissant au degré de latitude la position estimée, j’apportais une imprécision supplémentaire aléatoire, située donc entre zéro et trente miles supplémentaires au maximum, ce qui n‘est pas rien quand on approche des côtes !
Les tables à cartes bourrées d'électronique de nombreux bateaux fascinent vite le navigateur de base que je suis, muni seulement d'un sextant, dont la précision varie déjà considérablement suivant les variations de température et la force avec laquelle je le tiens ! Mais la confiance ouvre tout de même une brèche pour s'installer en place.
Notre quai reçoit de plein fouet le clapot qui rentre avec la brise de l'après-midi. Il faudra remouiller plusieurs fois sur ce fond de galets de mauvaise tenue. Fort de cette expérience toute neuve de manœuvrier correct, je n'hésite pas à diriger de loin la mise à quai difficile d'un plaisancier un peu en perdition, avec sa femme, son lévrier afghan et son superbe yacht tout neuf. C'est tellement plus facile vu de l'extérieur !
Pendant que je suis à la banque, le chauffeur qui livre à bord notre grosse commande du supermarché oublie d'encaisser le règlement. Et le soir du 31 décembre, le patron surgit comme un diable de sa limousine, juste devant la passerelle, heureux de trouver nos amarres toujours à quai et le bateau à l'autre bout ! Il nous offre même deux bouteilles de Champagne pour fêter dignement 1985, que nous saluerons dignement, en effet.
Changement de destination :
«Allez à Saint-Martin, rendez-vous au port de Gustavia » nous demande le fax reçu de l'agence. Sauf que Gustavia ce n’est pas à Saint-Martin mais à Saint- Barthélemy !
Evidemment, tout çà c’est très loin de Paris ... !
Enfin, les jours fériés, les batteries et les petites anglaises vont encore occuper notre début d'année, mais il faut bien en finir un jour avec les préparatifs et un beau soir nous décidons finalement d'être prêts.
Jeudi 3 janvier 1985, 18h15, ne devant plus rien à personne et portant fièrement tous ses mâts et ses marins au complet, Hiro s'engage dans l'Atlantique immense, glissant droit vers le soleil couchant. Seul, fier et vaillant, face aux Dieux, aux monstres et aux sirènes, quasiment en charge de la voûte céleste, pendant que l'humanité insouciante vaque à ses occupations coutumières.
Un peu Bilbo s’engageant dans le Mordor, un peu Don Quichotte, et pas mal d'émotion ! Mais votre bonheur est un vrai plaisir et vous refusez d'accorder beaucoup d'oreille à la petite voix qui vous tordrait gentiment l'estomac d'angoisse. Après tout, jusque là, c'est bien toujours la Vie qui a gagné, et tel Christophe Colomb, vous commencez à lui faire franchement confiance. Vous partagez aussi un peu religieusement une bouteille de bon gin avec l'Océan, les Dieux, la Vie et ses animateurs, histoire de renouer le dialogue correctement.
En vieil habitué de cette aventure, Eole lui-même nous remercie rapidement avec ce bon force 5-6 dans le nez et fraîchissant, comme en Méditerranée ! Petites voiles, grosses vagues et encore une nuit à tirer des bords carrés, entre Gran Canaria et Tenerife. Plutôt du genre viril l'accueil de l'Atlantique !
Mais c'est probablement juste un test, et sur Hiro, rien, ni personne, ne relâche le moindre pouce.
Le lendemain, le sommet enneigé du volcan « Pico de Teide », sur l‘ile de Teneriffe,nous surveille encore à l'horizon. Le baptême va durer quatre jours pendant lesquels nous pointons l'étraveen alternance tantôt vers le Sahara, tantôt vers Terre Neuve.
Hiro entreprend de gagner au vent , et se bat vaillamment, avec le peu d‘atouts que les fées marines ont réussi à lui donner pour ce faire. Le cinquième jour un petit groupuscule, peut-être anarcho – gauchiste, d’après la police, mais sûrement contestataire et incontrôlé, décide d'exiger le remboursement de nos places, au premier guichet ouvert. En effet, il est maintenant parfaitement clair que les Alizés sont un piège à touristes pour catalogues commerciaux, romans de fiction, pilot-charts britanniques ou américaines, et autres publications invérifiables . Nous avons été bernés nous aussi, par cette pure légende à l'eau de rose, colportée par les récits invérifiables de toute cette bande de navigateurs écrivains, un peu bizarres, et souvent solitaires et célèbres. L'Atlantique c'est du près serré de bout en bout, nous en vivons la preuve ici même, sept témoins énervés pour confirmer, remboursez !
La colère gronde et la révolte couve ! Heureusement, l'opinion publique majoritaire semble finalement influencer les sphères du pouvoir, qui finit par céder enfin un peu : voilà que l'on nous fait parvenir un message apaisant, sous la forme d'une rotation marquée du vent, au Nord- Ouest, assortie d'une mesure populaire et bien accueillie : le rétablissement d'une mer peu agitée, sous dix nœuds de brise tiède et régulière...
Une joyeuse baignade collective sur fond de ciel flamboyant, l'image nous confirme probablement une position subtropicale avancée. Le sextant tourne d'ailleurs à plein régime, et les résultats, invérifiables également, publiés par la chambre des calculs, semblent néanmoins s'affiner quotidiennement.
Le 9 janvier, cédant enfin à nos revendications, le Dieu concerné verse enfin un peu d'Est dans son Nord, et la lutte nous devient franchement favorable.
Les Alizés s'avancent timidement à notre rendez-vous. Hiro s'amuse à dévaler les pentes, après les avoir remontées péniblement, une par une.
La radio annonce des températures record en France (jusqu’à moins 36° ! à Mouthe dans le Jura), alors que nous prenons le quart chaque soir avec une couche de vêtements en moins.
L'après-midi le pont est désert, hormis l'homme de barre luttant contre les ardeurs du soleil, sous le sombrero espagnol de rigueur.
Le train-train s'organise agréablement, le rythme des quarts, la douce voix d'Arielle Cassim sur Radio France Internationale nous annonçant personnellement des conditions météo idéales pour notre zone. Il y a ces trois mouettes un peu stupides qui nous escortent, en pêchant régulièrement le leurre de la ligne de traîne, sans comprendre que c'est un faux, les petites cérémonies des droites du matin, de la méridienne, de l'après-midi, le petit verre de gin citron du coucher du soleil, partagé entre tous, sauf le capitaine, qui le prend sec, son gin.
En une semaine, un quart de la route a défilé sous la quille, malgré les vents contraires. La moyenne s'établit à cent vingt milles par jour, sans tirer sur la machine, pour arriver entier sur l'autre rive.
Puis Tito nous pique une petite crise de mal au ventre un peu inquiétante. Le fréon des frigos et congélateur s'est envolé depuis Marbella, et la chaleur des jours précédents a peut-être daubé nos dernières saucisses ? Mais il est le seul touché, donc l’empoisonnement n’est peut-être pas collectif, et j'affûte plutôt mon Opinel, tout en préparant une bouteille de gin et un épais morceau de cuir à mordre, pour une éventuelle opération de la dernière chance...
Après deux nuits de soucis, un vendredi, jour traditionnel de poisson à bord, une petite daurade fait honneur à notre table, et cela semble commencer à le requinquer.
Le dimanche suivant, jour anniversaire d'Eric, le luxe d'une mayonnaise et les lampions de la fête le trouvent à nouveau en pleine forme. Les saucisses ont fini par passer et c'est tant mieux. Ou bien était-ce juste l'angoisse existentielle qui guette souvent le marin en mer, surtout en début de traversée ... ?
Puis voici le 14 janvier, avec un obstacle majeur qui nous barre carrément la route : le célèbre et si symbolique „pli de la carte“ ! De l'autre côté, un monde peu connu et impitoyable, libre et sauvage, sur lequel à peine quelques poignées de plaisanciers téméraires ont eu la folie de s'aventurer avant nous. Mais, tous fascinés par l'appel de l'horizon, nous passons ce pli comme une lettre à la poste, bien au Sud de la route directe, la loxodromique, au demeurant.
Le lendemain, Hiro traverse une route importante de cargos, ceux qui remontent de l’Amérique du Sud vers l’Europe Hiro, et nous croisons plusieurs lueurs silencieuses, au loin dans la nuit, ainsi qu‘un véritable embouteillage de poissons volants effarouchés dans la journée. Puis une baleine solitaire nous tient compagnie, et un joli troupeau de grands dauphins, bien agités, le jour suivant. Des vrais gamins, ils ne pensent qu'à jouer, sans nous laisser aucun message vraiment clair ; en tout cas à bord personne ne parle suffisamment bien le dauphin tropical, pas même Vishnou le chien, qui a pourtant surement déjà acqui la sagesse et le savoir de celui qui a vu du pays !
Et dans la série « toujours plus fort », deux espèces de globicéphales, d'une dizaine de mètres chacun, viennent chatouiller notre sous-barbe devant l’étrave du bateau, juste pendant l'heure du gin - citron, histoire de nous remettre à notre place devant la puissance, la facilité et le mystère dégagés par ces énormes mammifères sauvages, qui se déplacent avec grâce pour nous saluer et nous tourner autour...
Je recommande à tout le monde de bien se tenir, au cas où une goutte de gin malheureusement égarée leur ferait perdre l’exacte notion des distances de sécurité et de freinage, pour éviter une fâcheuse collision.
Jusque là, Hiro tient bien la route, il glisse sur l'eau, facile à barrer et confortable au portant. Nous restons souvent un peu sous - toilés la nuit, forts des faiblesses du bateau, mais les révisions d'Espagne portent leurs fruits, la casse se limite aux broutilles.
Nous entretenons soigneusement notre monture : visite dans le gréement par-ci, démontage d'un winch par-là, point de couture sur un renfort par derrière, un petit coup de peigne, mais pas de maquillage, quoi ! D‘ailleurs l'équipagene se salit que très peu dans son ensemble. En tout cas il ne se lave guère, peut-être aussi parce que j'ai débranché toutes les pompes électriques du circuit d'eau douce. Car en effet, nous avions presque épuisé nos 2000 litres de réserves entre Gibraltar et les Canaries, malgré les « économies » promises par tout l’équipage.
A peine sept jours d'autonomie en eau, c‘était un mauvais signe pour rester plusieurs semaines en mer et en vie, sous le soleil tropical !
Donc maintenant la pression est débranchée sur tout le circuit, et seule une pompe manuelle sur l'évier délivre le précieux liquide. Elle demande du temps et un effort musculaire certain pour débiter, alors qu'une pompe à pied facile et puissante gère l'eau de mer ; si bien que rapidement, seuls la cuisine, la boisson et le café resteront à l'eau douce. Quoique vers la fin du voyage, des soupçons subsisteraient sur certains matins, où le goût salé du petit-déjeuner ne viendrait pas que de la vaisselle...
Une autre raison à cette faible consommation d’eau est due à une belle erreur de dosage de ma part ... Avec un peu d’interrogation et d’inquiétude sur la qualité sanitaire de l’eau, stockée pendant des semaines dans des grands réservoirs et des conditions tropicales, j’avais décidé aux Canaries d’y ajouter « quelques gouttes » d’eau de Javel. Pour 2000 litres, j’ai complété le plein d’eau au dernier moment, avec un berlingot de 25 centilitres, ce qui représente un dosage d‘à peine 1 pour 8000, soit environ 0,012 %, ça me semblait presque symbolique, non ... ?
Et bien malheureusement pas du tout, l’eau avait vraiment pris un goût infernal d’eau de piscine, et même d’une piscine municipale en plein été, quand elle est bien envahie au quotidien, et qu’elle est donc vraiment bien chargée en chlore, parce que là, il ne faut pas rigoler avec les infections, hein !!! En gros, notre eau était devenue presque imbuvable ... Heureusement les Dieux avaient sans doute prévu le coup et, je ne sais pas comment, ils avaient réussi à isoler un des réservoirs, avant « la contamination globale », en fermant la vanne de communication dudit réservoir !
L’équipage a donc pu bénéficier de 700 litres d’eau douce sans le goût de piscine, soit finalement plus de 4 litres par jour pour chacun, y compris le chien bien- aimé.
Mais les restrictions ont commencé de bonne heure en cuisine, même si ce n’est pas exactement comme le rationnement pendant l’Occupation, ni le jeûne forcé des Troyens assiégés. De toute façon il semble que nous n’ayons pas un seul rat à nous mettre sous la dent à bord. Donc le génie des cuisiniers consiste maintenant à marier subtilement, les ingrédients de base encore disponibles, pour présenter un plat original et délicieux, et qui surtout, tiendra au ventre le plus longtemps possible...
Toutes les recettes traditionnelles sont développées, de façon nouvelle cuisine minimaliste, et le grand gagnant restera une sorte d’« aïoli du chef » de toute beauté, un peu spartiate certes, mais que certains estomacs gardaient en mémoire le lendemain encore.
Nous nous méfions quand même des derniers œufs en réserve. Présentés dans les grandes barquettes de vingt- quatre, ils n’étaient déjà sûrement pas pondus du jour quand nous les avons achetées à Marseille, il y a trois mois fin Octobre. Ils ont été conservés depuis dans un congélateur éteint, et les conditions tropicales depuis plusieurs semaines auraient probablement fait hurler toutes les mères du monde à leur sujet. Nous les cassons juste avec précaution dans une tasse individuelle, avant de les mélanger pour les tortillas, et seulement deux ou trois nous ont donné raison ...
C'est dans ce climat un peu „radeau de la Méduse" et hors du temps, progressant entre deux mondes tous les deux assez lointains, qu'apparaît sur le journal de bord notre troisième vendredi de traversée. Jusqu'à présent la ligne de traîne, que nous promenons à longueur de journée, n'a pas donné grand-chose, sauf le vendredi, traditionnel jour du poisson, dans notre vieille culture judéo-chrétienne en tout cas. Pétole noire ce jour-là, lesvoiles ont du mal à se gonfler, deux heures de moteur à l'aube, puis nous nous traînons parmi les bouffées d'air éparses. Quand soudain, surgi du Grand Bleu, un groupe de gros poissons nonchalants et curieux vient s'agglutiner paisiblement sous la coque. Réaction éclair, déclenchement de l’alerte rouge : «opération survie», nous ressortons les lignes qui servaient à pêcher la petite friture pour nos tapas espagnols de Marbella. Après réflexion, un vieux morceau de croûte de pain de mie est sacrifié, et hop, en quelques minutes, une prise, de peut-être deux kilos, frétille déjà dans le seau. Joie viscérale de tout l'équipage un peu tenaillé par la faim. Puis un deuxième, puis trois, puis sept !
C’est comme à la criée de Lorient avant les quotas européens, c’est la marée du siècle pour nous !
Un petit détail tempère toutefois mon euphorie : je n'ai jamais vu des poissons comme ceux là. Ronds et plats, une peau noire épaisse, sans écailles, une petite bouche sans dents et un gros dard repliable sur le dos. Plutôt curieux pour des catholiques, et c’est engageant à moitié seulement ! Je consulte la bibliothèque du bord pour rechercher quelques informations sur les poissons tropicaux toxiques. Et je leur trouve finalement des caractéristiques vaguement similaires avec le funeste Tétraodon, délicieux paraît-il, mais responsable de la plupart des empoisonnements culinaires au Japon, mortel une fois sur deux, seulement ..!
Mon choix est vite fait : le doute existe vraiment, et compte tenu de l’éloignement avec le centre anti poison et les services de secours compétents les plus proches, je n'y goûterais pas, même s’il y a moins de risque que ce poisson soit vénéneux au grand large, plutôt qu’en zone corallienne.
Mais, comment faire avaler cette déçision à tout l'équipage ? Si j'impose une interdiction arbitraire à ces estomacs un peu vides, je risque une mutinerie, voire des réactions anthropophagiques... Si je laisse faire, je risque de finir la traversée en solitaire, et pas envie de devoir tout nettoyer, ni consoler seul toutes les futures veuves en larmes. Alors, en fin de matinée j'ouvre un petit forum pour débattre de ces hypothèses. Et devant les sarcasmes généralisés, je décide qu'un des poissons sera cuisiné ce midi, seuls un ou deux goûteurs - testeurs volontaires le mangeront, et nous dégusterons les autres au dîner, à condition bien sûr que nos cobayes soient toujours à bord et en bon état ...
Évidemment, une fois au pied du mur, ou exactement au pied du potentiel échafaud improbable, à l'heure de ce possible dernier déjeuner, aucun fanatique n‘est assez affamé et téméraire pour franchir le pas, alors que nos galettes de patates à l'oignon ne soulèvent vraiment aucune inquiétude. « Vous l'avez probablement échappé belle, je crois ».
Après-midi tranquille, petites baignades rafraîchissantes dans le grand bain, tout bleu et sans mousse. Je suis en train de monter un hameçon « grand comme la main », sur un gros bas de ligne en fil d’inox d’un millimètre de section, détoroné d’un hauban énorme, pour « attraper une vache », et Etienne s’apprête tout juste à remonter à bord, après un bon bain vivifiant, un peu au large du bateau. Quand soudain, Claude qui scrutait la mer, l'œil et l'esprit toujours vifs, s’exclame : « des requins .. ! » en pointant son doigt vers deux éclairs bleus dans l'eau. C’est un peu provocateur, mais Etienne, un gaillard qui n’a pourtant peur de rien, a beau rejoindre le bord pratiquement en courant sur l’eau, tel un ancien messie devenu très célèbre, puis virer indiscutablement au blanc, tout en bégayant un peu curieusement, ces « requins promis » sont en fait un couple de magnifiques daurades coryphènes, qui viennent sans doute chercher la bagarre avec Hiro, imprudemment avancé tout seul dans leur moitié de terrain.
Pendant que je termine rapidement le montage de cette ligne, quelques gros quartiers de notre pêche miraculeuse du matin sont jetés en appâts «aux fauves ». Ils les engloutissent voracement, sans aucun état d'âme, rapport à tous ces malheureux japonais empoisonnés...
Mon hameçon, caché dans un beau morceau « nippon » n'a pas le temps de se mouiller vraiment que déjà une daurade a mordu. Je ferre efficacement, au risque d’arracher la tête du poisson... et nous le remontons immédiatement, à plusieurs, avec gaffe et épuisette. Le monstre atterrit dans le cockpit, mais il n’est pas vaincu pour autant. Novices dans cette taille de pêche, nous expérimentons plusieurs techniques de mise à mort : la noyade dans le seau, les coups de manivelle de winch ou de marteau, et, au final, une méthode plus toréador, à la dague pointue. Mais il y aura quand même une bataille acharnée, dans un véritable bain de sang. Après avoir amarré le fauve au siège de barre, façon rodéo, il faudra dix bonnes minutes de combat rageur, pour qu’enfin la bête ne remue plus du tout. Les superbes couleurs et reflets métalliques de sa dernière robe d’apparat, jaune vif moucheté de gros points bleu outremer, virent au gris d'un seul coup. Nous marquons alors un grave instant de recueillement respectueux et un peu cannibale, devant le spectacle de ce formidable combattant, finalement vaincu, dont nous allons nous repaître. Ambiance un peu Bornéo, un groupe de fiers guerriers Dayaks vient de terrasser le vaillant héros d'une redoutable tribu rivale. Paix à son âme, nous allons absorber son enveloppe charnelle pour nous charger de sa force.
Un mètre trente, une douzaine de kilos, nous en tirerons quatre repas, plus encore une soupe, et même Vishnou aura sa part, car il a su porter quelques aboiements, sûrement décisif, pendant l'action...
Une rude journée se termine dans l'Ouest lointain, mais votre tribu a encore su échapper aux multiples dangers du grand large. Elle va s'endormir ce soir à nouveau avec l'estomac plein, pendant que Hiro taille sa route sans broncher, en direction du Nouveau Monde.
Le bateau fonce dans la nuit tropicale, en allumant au passage des gerbes de plancton phosphorescent qui illuminent notre sillage pendant un moment, dessinant des traits lumineux et de grosses taches rondes dans l’eau sombre. Quand des poissons ou des dauphins viennent s’en mêler, et tracer leurs courbes fluo dans tous les sens, ce tableau vivant devient absolument féerique ...
Nous traversons la «mer des Sargasses». Donc le barreur zigzague tranquillement entre les paquets de sargasses, ces jolies algues jaunes qui flottent un peu partout sur notre route.
C’est surtout par principe et pour le fun, car nous n’avons rien qui dépasse vraiment sous la coque et qui risquerait de les accrocher, ni quille, dérive, ou appendice moderne effilé quelconque, et en général, nous les traversons en force, tels des laboureurs au volant d’un puissant tracteur avec charrue.
Elles s’effacent facilement, mais referment rapidement la trace ouverte, dans notre sillage.
Comme vous la Vie médite longuement, sûrement sur l’impermanence de toute chose sur cette planète, mais aussi sans doute sur la question bien personnelle et pourtant si délicate, des marques de bronzage sur sa peau, bien évidemment si fine et si soyeuse.
La Croix du Sud commence à se montrer en fin de nuit, et le temps qui passe devient une valeur de plus en plus abstraite. Vous sentez l'équilibre de l'univers et la grandeur de la nature vous prendre en leur sein, pour vous initier à la découverte d’une part de leur mystère. Ce n’est plus Hiro qui progresse sur l’Atlantique, mais le Globe qui tourne à notre rencontre, sous notre quille, un peu comme un tapis roulant que nous remontons, tout en restant au beau milieu du Monde visible et invisible ... Nous commençons à tutoyer les vagues et les nuages, à parler aux couchers de soleil les yeux dans les yeux, aux étoiles et aux Dieux dans leur langue maternelle, aïe, aïe, aïe, manifestement le niveau est monté d‘un cran …
Les nombreux rêves de chacun sont devenus plus variés et plus délirants, peut-être à cause de la chaleur et des mouvements du bateau, qui fluidifient le sang, et font se court-circuiter les neurones, et s‘entrechoquer les deux hémisphères dans la tête, et .. !?
La Vie est devenue encore plus intense, et pourtant presque transparente, tout devient plus simple, limpide et évident ...
L'Alizé reprend du nerf dans ce beau décor propice à la rêverie, et les records de distance journalière tombent quotidiennement. La droite méridienne est évidemment une petite cérémonie. Elle fait suite à l’un des instants majeurs de la journée, celui de la douce voix d’Arielle Cassim. Elle nous donne, par la radio, toujours avec le sourire semble-t-il, la météo des nombreuses zones de l’Atlantique Nord. Il faut d’abord balayer les différentes fréquences possibles, entre 8000 et 17000 kilohertz, pour capter Radio France Internationale sur celle qui passe le mieux, ce jour là, à cet endroit là. L’instant du top horaire est primordial, puisqu’un écart d’une seule seconde dans les calculs peut déplacer notre point de plusieurs miles. Il a fallu étalonner les différentes pendules et montres du bord, mesurer leur avance ou retard quotidien, pour avoir une précision helvétique sur ce point ! La petite montre de poignet Casio « digitale » (une révolution !) facilite grandement ce minutage exact de l’instant de la mesure. Avant de l’acquérir, aux Canaries, il fallait soigneusement égrener les secondes pendant la redescente du pont jusqu‘à la table à carte, où se trouve la pendule, ou bien être deux, un Maître du Soleil sur le pont, et un Maître du Temps au bureau. Pour le point de midi, y a moins besoin de se plonger dans les grandes tables de calcul astronomique HO 249, les corrections diverses étant très simplifiées pour cette droite de midiméridienne où le soleil est à son maximum de hauteur sur l’horizon. Elle nous place avec une assez bonne précision sur une ligne « horizontale » sur la carte, parallèle à l’Equateur. Cela apporte une sorte de paix et de sérénité bien agréable au navigateur responsable.
Loch et Sextant sont en principe assez d'accord sur les chiffres. mais vient le jour où un écart de dix milles les sépare, puis quinze le lendemain, puis une vingtaine. La différence augmente régulièrement et refaire maintes fois les calculs ne permet pas de trouver une erreur. Le doute s'immisce à nouveau dans la Chambre des Comptes : doit-on apporter des corrections différentes en se rapprochant de l'Equateur ? La terre est-elle aussi ronde à l'Ouest … ?
N’y a t’il pas une sorte de descente juste après le pli de la carte ? Le sextant souffre-t-il de la chaleur ?
Le courant peut-il varier autant dans cette région ?
Le temps s’est-il déjà ralenti, bien que nous ne soyons pas encore aux Antilles ... ?
Finissant par douter aussi du loch, je prends mon courage avec moi, et je descends dans les fonds du bateau pour sortir le capteur de son logement, soit un tube qui traverse la coque. Pas intérêt à rencontrer le moindre contretemps pendant l’opération. Respirer un grand coup et ne pas oublier de parfaitement garder son calme, c’est à dire juste résister à l’affolement majeur, ne pas faire de mauvais geste, positionner et revisser rapidement le bouchon de fermeture adéquat au filetage ultra fin, malgré la pression, et voilà, c’est tout !
Quel coup au cœur en voyant le bleu lumineux du fond de l'océan s'engouffrer en furie dans le bateau pendant un instant, un peu comme une lance d’incendie qui remplirait le bateau .. brr !
La petite roue à aube est vraiement propre et semble tourner bien rond. Ce sera donc juste un petit shot d’adrénaline de plus, avec un deuxième exercice grandeur nature des pompiers, pendant cette manipulation de remontage à haut risque, avec à nouveau la brève vision bleutée des profondeurs kilométriques de l’océan Atlantique... Et, en finale, malgré une connaissance pas vraiment biblique de la chose, j‘ose prendre le risque de carrément ouvrir le boîtier électronique de la table à carte, pour vérifier je ne sais quoi. Je démonte et ouvre la boîte, réputée étanche, et surprise ! une belle cucaracha s'en échappe à grandes enjambées. Elle est sans doute aussi étonnée que moi, mais sinon tout est propre. Aucune autre anomalie ne saute à mes yeux d’électronicien de marine débutant. Je remonte le tout, en me posant mille questions, l'atterrissage approche et ma fébrilité aussi. Mais, oh miracle, le lendemain loch et sextant sont à nouveau parfaitement d'accord ...!? J'apprendrais beaucoup plus tard que la blatte est un animal plein d'iode, un élément très conducteur et que sa promenade à six pattes sur un circuit électronique sensible comme un loch peut suffire à modifier notablement son fonctionnement... Mais comment était-elle arrivée là ?
Et oui, depuis toujours le marin doit bien savoir tout faire, ou bien improviser efficacement, même armé parfois pratiquement de son seul couteau (!) vous dites- vous avec malice et raison ..!
La confiance reprend une possession acceptable de la table à carte. Et c'est donc seulement avec les raisonnables angoisses d'usage, lors d'un premier atterrissage transatlantique, que nous scrutons, en direction de l’Ouest, l'horizon brumeux de ce 26 janvier, dans l'après-midi. Pas de sac d’or promis au premier découvreur de cette terre outre-mer, mais sûrement quelques futures doubles rations de rhum ou de gin ... Pendant des heures nos regards fouillent dans quasiment toutes les directions, jusque bien au-delà de l’horizon et des nuages. Les cumulus commencent d’ailleurs presque à rougir, probablement un peu gênés d’être autant observés. Ils doivent pourtant en avoir une certaine habitude, dans ce coin, à cette époque de l’année, depuis 1492, il y a maintenant trois siècles. Bien sûr les calculs sont refaits, vérifiés et revérifiés. Le doute commence à remuer au fond de son sac. Même la Vie semble se faire toute petite devant l’intensité et la gravité de cette véritable fouille visuelle ...
Et soudain, après des heures à scruter, à s’en déchausser notre bonne quinzaine de beaux yeux multicolores, apportant la délivrance, et la fin de la parenthèse, retentit, enfin, cet ancien cri cosmique traditionnel :
«TEEEEEEEEEEEEEEEEERRRRRRRRRRRRRRRRRRRE …….!!!!!!!!! »

Bien sûr les meilleurs commentateurs de foot brésiliens quand ils annoncent un but attendu depuis longtemps, ils se souviennent très bien du cri poussé lors de l’arrivée de leur première traversée,.
Waou, la sensation est carrément plutôt agréable ... !

Et, la Vie qui était toute tendue d’espoir et frémissante elle aussi, se fait élire d’un coup Miss Univers, à l’unanimité absolue, plus une voix si besoin.
L’île se dresse pile droit devant, juste dans l’axe de l'étrave, comme promis par les calculs récents de la Chambre des Cartes. Les mornes pelés de Saint-Barthélemy, puis ceux plus chevelus de Saint-Martin, sortent des vagues définitivement, quatre-vingt-trois jours après le départ de Marseille, quarante-trois jours après la première date prévue sur le planning parisien et vingt-trois jours après notre départ des Canaries.
Le bateau s’est bien amariné. Il est en nettement meilleur état de navigation qu’au départ. Mission accomplie, nous pouvons arriver la tête haute ! Au crépuscule nous pénétrons cette partie touristique du Nouveau Monde, baptisée la rade de Phillipsburg, du côté hollandais de l’île, à toute petite vitesse, effrayés de voir tout d’un coup tant d'obstacles et de dangers si proches de nous. Les effluves terriennes de fumée et d'épices, que nous sentions déjà curieusemment un peu depuis la veille, deviennent franchement excitants. Les lumières multicolores et les sons, de musique, de circulation automobile et même de voix parfois féminines, percutent de plein fouet nos sens aiguisés par ces vingt-trois jours de régime nature, à l'eau et à l'air plus ou moins salés , quasi exclusivement.
Ces sens, parfaitement aiguisés donc, mais sans doute déjà un peu corrompus par tous ces excès de la civilisation, ne nous empêchent toutefois pas de devoir éviter une collision en catastrophe, avec un bateau au mouillage, à peine éclairé par un petit fanal vacillant ! Ouf, ces avocats yankees, déjà bien imbibés, ne nous piégerons pas avec leur coque bleue marine dans le noir, pas cette fois en tout cas !
Notre ancre descend doucement dans l’eau noire, pour se poser, finalement, sur un fond de sable sans doute blanc dans la journée, un peu au large de tout le monde. Le bateau semble très bien accroché, pour le moment...
Vous décidez tous de rester à bord pour cette nuit encore. Une bouteille de gin refait surface, miraculeuse rescapée encore intacte. Elle s’était bien planquée, dans la cabine du capitaine, surement pour un cas de grande urgence, ou une trop belle occasion, mais elle n'ira pas plus loin vers l’Ouest... Beaucoup plus tard, vous vous endormez enfin, sous les étoiles, en remerciant la Vie les yeux dans les yeux, bien certain qu'en 1492, un dénommé Colomb ne baignait guère dans une félicité plus intense, après sa première traversée de l’Atlantique, pour lui aussi ...
Les jours et les semaines suivantes vont se passer à organiser le débarquement puis « l’exfiltration » de nos deux équipiers sud américains, et surtout de leur chien, sans risquer un contrôle douanier ou sanitaire. Heureusement, la situation bien spéciale de St. Martin nous facilite les opérations. C’est une île moitié française, moitié hollandaise, et la frontière est juste surveillée par un fort joli trait pointillé, tracé à la peinture blanche, sur le bitume de la route principale. Les deux parties ont un statut de zone franche, et tous les trafics plus ou moins avouables y sont une tradition. Les autorités semblent assez laxistes, ou peut-être même bienveillantes !?
Difficile de trouver rapidement un embarquement pour l’Amérique du Sud. Vishnou et son équipe décident de prendre un avion pour le Venezuela. Nous lui construisons la caisse réglementaire pour transporter ce grand chien dans la soute. Mais, sans doute rattrapé par une vieille peur de l’avion, juste au moment de l’embarquement, il décide de s‘échapper, en fracassant violemment cette caisse, de l’intérieur. Il se libère et s’enfuit se défouler sur le tarmac de la piste, sans s’inquiéter le moins du monde, de l’éventuelle priorité que pourrait avoir sur lui un Boeing 747 en phase d’atterrissage...
Cette escapade se termine bien, et finalement Vishnou rejoindra l’Amérique du Sud avec ses maitres, comme passager et matelots sur un petit caboteur, quelque temps plus tard.
Pour de multiples raisons, dont le manque d’expérience et le peu d’intérêt pour cette activité, je n’ai pas envie de me lancer dans une saison de charter.
Et c’est par une belle journée que je vois arriver Pierre et Isabelle, qui viennent finalement continuer leur service sur Hiro… Christian, le patron de l’agence les a carrément forcés, en refusant de leur payer le solde de leur saison en Turquie s’ils ne reprenaient pas le bateau aux Antilles !
Je vais jouer au chat et à la souris avec ce sympathique et roublard « homme d’affaires », pendant deux heures à bord, avant qu’il se décide enfin à me donner le chèque prévu. « On verra plus tard, d’abord les questions du bateau ... je ne trouve plus le chéquier ... j’ai dû le laisser dans la voiture ... j’ai pas de stylo ... à quel nom ... c’est combien le total déjà ... » ? Une vraie caricature comique d’Onc Picsou, et il a presque réussi à me donner le chèque sans l’avoir signé, quelle misère ! Enfin bon, chacun fait ce qu‘il peut avec ce qu‘il a … Eric va rester à bord, comme marin, pour la saison. Cette traversée lui a permis de trouver certaines réponses, et il a décidé de rester longtemps sur la mer .
Heureusement les tropiques ont du charme, l’eau est chaude et les occasions de s’émerveiller sont nombreuses. Il suffit par exemple de contourner la pointe d’un côté de la baie, et de mettre un masque pour regarder sous l’eau. On se retrouve tout de suite comme dans un aquarium avec des plantes et des bestioles de toutes les couleurs. Les poissons jouent au carnaval en permanence. Le décor, les déguisements et la chorégraphie sont bien là. C’est juste à un rythme un peu moins endiablé. Si l’observation du ballet des hippocampes sur un fond de gorgones et de coraux vous hypnotise un peu trop, alors il suffit de sortir la tête de l’eau pour admirer le vol stationnaire des oiseaux-mouches qui se délectent du nectar des orchidées locales … ou bien se régaler des plongées bruyantes et cocasses des grands pélicans en pêche.
Difficile de ne pas s’enthousiasmer !
Mais attention, en se retournant, il y a aussi ce petit groupe de barracudas, qui vous observe nager, depuis un moment, avec leur œil énorme et ce regard inquiétant. Vont-ils attaquer maintenant, attendre encore un peu pour vous lacerer une jambe ... ou juste continuer à vous escorter à petite distance jusqu’à l’échelle de bains? Prudence également, en allant chercher des petits citrons sauvages, indispensables pour le ti–punch, sur les pentes herbeuses du pic Paradis,. Attention donc à ne pas s’arrêter sous un mancenillier, ce bel arbre à la terrible sève brûlante, et aux petites pommes vertes très toxiques. Il paraît qu’on y attachait les condamnés sous leur feuillage, par temps de pluie, entièrement dévêtus. Les suppliciés subissaient alors d’atroces brûlures simplement avec l’eau ruisselante, devenue dangereusement toxique au contact des feuilles et de l’écorce. Heureusement pour les cueilleurs de citrons des collines, le mancenillier pousse surtout sur un sol sableux, donc en général pas trop loin des plages...
Enfin voilà, un chapitre assez tumultueux se termine, mais la Vie a encore envie de continuer cette aventure un peu plus loin. Elle me propose un nouvel épisode : le convoyage d’un joli voilier canadien, pour le ramener chez lui, à la fin de l’hiver.
« Julie IV » mesure onze mètres et quelques, c’est un joli plan Stephens, qui va retrouver le lac Champlain, entre New–York et Montréal. La route va passer par les Iles Vierges, Porto-Rico, à proximité de Saint- Domingue, traverser donc le Mona et le Windward Passage, et les routes des anciens pirates, puis remonter le Old Bahama Channel, entre Cuba et les Bahamas, pour arriver en Floride, à Miami. La route longera ensuite toute la côte Est des Etats-Unis, en coupant un peu par l’Intracoastal Waterway près du Cap Hatteras, pour éviter les zones difficiles de haut-fonds plein de courant : la Frying Pan Schoal devant le Cap Fear, soit la «chaussée de la poêle à frire», au large du cap Frayeur , brrr ...
Puis Julie remontera la baie Chesapeake, entre la Virginie et le Maryland, en saluant peut-être Norfolk, Annapolis et Washington, puis après un passage dans un petit canal, elle redescendra la baie Delaware, pour rejoindre l’océan, et finalement arriver enfin à Sandy Hook, à l’entrée de la baie de New York. Nous laisserons ensuite la statue de la Liberté à bâbord et le World Trade Center, les deux grandes tours de Manhattan à tribord, pour continuer sur l’Hudson River. « Julie » escaladera ensuite une partie des montagnes Adirondack, grâce à plusieurs écluses. Le mât sera allongé sur le pont, pour la partie où justement les ponts ne s’ouvrent pas, ne basculent pas, ne s’élèvent pas, ne coulissent pas et ne pivotent vraiment pas non plus. Ensuite il n’y aura plus qu’à redescendre le canal, étroit et bordé de sapins et de chanterelles, pour arriver enfin dans ce beau lac tout en longueur, à la frontière des Etats-Unis et du Canada... Le bateau est à vendre, je suis prêt à faire escale un peu partout sur la route, pour en proposer la visite aux agences et acheteurs intéressés éventuels.
Même si le génois est immense pour ses petits winchs de salon, si les haubans semblent bien dimensionnés pour un bateau beaucoup moins lourd, si la taille de l’hélice serait plus adaptée à une maquette, ou à un bateau de course … Globalement le programme est plutôt sympathique, non !? Surtout qu’il va d‘abord falloir attendre la fin de l’hiver sur place ici aux Antilles ...
Et en plus, belle cerise exotique sur le gâteau, il y a Peggy, cette grande et charmante brune australienne, équipière légère sur le joli bateau en bois de son frère, ancré dans les parages. Elle passe et repasse devant le bateau, en ramant efficacement sur une grande annexe en bois-epoxy. Elle me dira avec des arguments très convainquants, un dimanche soir de barbecue sur la plage, qu’elle a très envie de venir habiter avec moi sur «Julie», et aussi de naviguer tous les deux au moins jusqu’à New York …

Et même la Vie est d’accord, elle vous remercie d’ailleurs de lui avoir toujours fait confiance, et vous envoie son merveilleux petit sourire mutin des jours de beau temps !
A suivre !?

14 mai 2020
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😀👏👍
Super récit
Merci et bravo

14 mai 2020
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Merci beaucoup, il est 23 heures, j'ai bien ri, je vais passer une bonne nuit !!!!

15 mai 2020
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Pas de femme a bord , sur les GITANA le baron a toujours interdit leur présence a bord et meme sur la coupée
Autrefois sur les navires de peche on embarquait LA VIERGE MARIE protectrice des marins ( c'est pour cela qu'en Bretagne on donnait le nom de Marie au garcon )on raconte que sur les bancs de terre neuve si la peche n'etait pas bonne l'effigie de la vierge passée parfois par dessus bord

Si la nav n'ait pas bonne c'est interdit de mettre les équipettes a l'eau
bonne nav a tous les petits vainards , patience aux autre

15 mai 2020
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J'ai changé le nom de mon bateau et à la première navigation un peu musclée, catastrophe, un tiers du réservoir de gasoil n'est vidé dans les fonds. Le chantier auquel j'avais confié des travaux avait tout simplement oublié de retracer le reniflard du réservoir qui s'était gentiment vidé dans les fonds…
Alors malchance liée au changement de nom sans respecter les traditions ou connerie du chantier ?
A mon avis, c'est la deuxième hypothèse car il m'a fallu trois ans de navigation pour tout rattraper, mais la question est posée…
👹

15 mai 2020
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C’était donc une erreur humaine ... et pas une malchance impondérable superstitieuse !
J’imagine que parmi les navigateurs, nous sommes nombreux à raconter notre propre histoire de fuite de gasoil infernale ..!? ;-)
Pour moi la pire c’était un bidon mal fermé au départ d’une remontée de l’alizé, des Antilles aux Açores, 3 jours de mal de mer coriace pour me remettre ..;-(

Farol do Arnel, Sao Miguel, Acores

Phare du monde

  • 4.5 (147)

Farol do Arnel, Sao Miguel, Acores

2022