L’oie sauvage aux san blas


10 décembre 2007 à l’aube, village du Tupak, Isla Pinos, c’est là que nous touchons les San Blas

L'Oie Sauvage aux San Blas !

10 décembre 2007 à l’aube, village du Tupak, Isla Pinos, c’est là que nous touchons les San Blas. Nous arrivons de Colombie, archipel de San Bernardo (09°47’2N/75°51’2W) escale que nous recommandons.

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Le lieu commun « village niché dans un écrin de verdure » me revient à l’esprit… Quelques huttes dans une abondante cocoteraie… Les San Blas, depuis combien de temps en rêvions-nous… A peine mouillé, le ciel crève et déverse une pluie diluvienne. Nous prenons notre petit déjeuner à l’intérieur en soupirant d’aise car nous nous sommes bien faits brasser durant les 130M de la traversée. Le nescafé fumant me paraît dégager un arôme incomparable. Pourquoi apprécie-t-on autant les petits plaisirs en bateau ?

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Un jeune indien kuna arrive dans une minuscule pirogue, un tronc d’arbre évidé, manié par une seule pagaie taillée dans la masse. C’est le moyen de transport le plus usité au Kuna Yala, la terre des Kunas. (Ne parlez pas de San Blas avec eux, c’est le nom donné par les conquistadors)

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Il s’appelle Davy, il est guide, il peut tout nous faire découvrir, il a une bonne tête, nous l’invitons à bord. Nous lui préparons un thé qu’il déguste avec une incroyable quantité de sucre. Il dit avoir fait ses études de guide à Panama. Sa première petite amie était française, elle s’appelait Emilie. Elle avait quatorze ans et lui treize. Elle vivait avec ses parents sur un bateau qui est resté trois mois à Tupak. Commence alors un récit inimitable et intraduisible dans un mélange d’anglais, d’espagnol et de français :

- Emilie était en my corazon. Yo la queria mucho…
- Ha bon, tu étais amoureuse d’une jeune française ?
- Si, y tambien me gusta mucho la tradicion frances para besar…
- Et c’est quoi la tradition française pour embrasser ?
- Emilie m’a dit que las chicas frances embrassent siempre on la bocca, es la tradicion frances, me gusta mucho….
- ????
- … Un jour, le voilier est parti, moi je suis resté sur la playa, muy triste… Maintenant je suis marié à une Kuna
- Comment l’as-tu rencontrée Davy ?
- Elle s’appelle Yanouris. J’étais à Panama, elle m’a appelé en me disant, yo te quiero mucho, viens à Tupak. Je suis venu, nous nous sommes promenés, elle m’a embrassé. Pero, une vieille femme nous a vu et en a parlé au congresso. Le congresso m’a infligé une amende de 60 dollars. J’ai payé et je suis retourné à Panama. Alors elle m’a appelé de nouveau. Elle m’a dit, yo te quiero mucho, mucho, viens à Tupak. Alors je suis revenu à Tupak, nous nous sommes promenés, elle m’embrassé, no sex, solamente besar, pero la misma vieja mujer nous a vu et en a parlé au congresso. Le congresso m’a infligé une amende de 120 dollars. Je ne pouvais pas payer alors nous nous sommes mariés, nous avions quinze ans… Voilà !... J’avais pu embrassé Emilie mucho porque elle était frances, mais Yanouris est kuna… Quand ma petite fille est née, je l’ai appelé Emilie en souvenir…

Il viendra à bord dans l’après midi avec Yanouris et ses enfants, petits cadeaux, jus de fruit…

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Les San Blas sont un archipel d’environ 350 îles qui s’étirent sur la côte panaméenne sur une centaine de miles. Certaines îles sont habitées, d’autre complètement désertes. Les plus éloignées sont à une dizaine de miles des terres.
Nous avons observé avec beaucoup d’intérêt le mode de vie des Kunas. Je m’attendais à trouver une des dernières communautés vivant selon les grandes idées de l’ancien soixante-huitard que je suis : Vive la Liberté, absence de contrainte, harmonie avec la nature !
Las, dans chaque village, il y a un chef (le Sayla) un sous-chef, un sous-sous-chef qui décident de tout. Pas de relation entre garçons et filles avant mariage, contrôle des déplacements hors du village, contrôle quotidien de la récolte etc… Très grande discipline donc ! Et ça marche ? Ben oui, ça a l’air… Chaque semaine se réunit le congresso. Chacun peut y émettre un avis, faire des propositions, participer à la vie de la communauté.

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Combien de temps arriveront-ils à préserver cet équilibre entre tradition et impératifs de la vie courante ? Pas facile, les réserves de la mer s’amenuisent comme partout. Il faut aller chercher les langoustes de plus en plus profond. Des jeunes commencent à succomber aux poisons des villes à Colon ou à Panama City : Coca cola, Internet, drogue. Près de Porvenir certains enfants mendient, non pas qu’ils soient vraiment dans le besoin, mais c’est là que les paquebots américains déversent leurs flots de touristes…

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Nous avons beaucoup aimé Mamitupu, (9°11’2N / 77°58’5W) qui est resté un village très traditionnel. Pêche et culture de la noix de coco sur la côte. Pablo nous invite dans sa famille. Il vend des savons à base de noix de coco. Il dit qu’un rassemblement Kuna va avoir lieu à Mamitupu, qu’il y aura des chants et des danses. Le courant passe, nous lui demandons de chanter en kuna. Il fredonne une complainte qui veut dire : « Bonjour, bienvenue au Kuna Yala » Il nous demande de chanter à notre tour. Nous y allons de « Alouette, gentille alouette » Tout le monde se marre.

- Montre-nous une danse Kuna Pablo !

Il fait quelques petits pas entre les huttes où vit sa famille.

- Et vous, comment dansez-vous en France ?

Et nous voilà, tout en chantant de bon cœur, en train de danser un madisson, puis un rock. Les femmes rient, applaudissent en nous demandant instamment de remettre ça… C’est la valse sur l’air du Beau Danuble Bleu. Encore, encore ! Les enfants courent dans tous les sens, le grand-père essaie de rester digne, mais il essuie de grosses larmes, la grand-mère se gondole aussi, on dirait qu’elle souffre avec sa bouche édentée sur sa bouille toute ridée.
Mon petit diable, ulcéré, lève les yeux au ciel :

- Non, mais c’est pas vrai, tu t’es vu à 60 piges, en train de danser le rock chez les indiens Kunas…

Ma conscience me fait discrètement comprendre que c’est très bien, que le paradis doit ressembler un peu à cela. Ils nous disent qu’ils ne nous oublieront jamais. Nous non plus mes amis.

Il y a quelques jours, alors que l’Oie Sauvage s’en donnait à cœur joie dans l’alizé, notre fils nous apprenait par SailMail que nous allions être grands-parents pour la première fois. Immense bonheur qui nous a submergés... Quelques jours plus tard, nous apprenions le décès d’un ami… Nous voudrions être sur place pour étreindre les enfants dans le bonheur et essayer de trouver les mots qui réconfortent pour l’amie qui reste seule… Allez, arrête de déconner, l’andropause te ramollit mon vieux, le voyage continue…

Noël arrive. Nous le passons sur l’île de Chichime (9°35’3N / 78°52’7) Nous négocions avec Umberto un petit cochon que nous accommoderons nous même au BBQ, la méthode Kuna ne nous ayant pas complètement convaincus. Ce sont les derniers moments que nous passons avec nos chers amis. Nous nous suivons depuis le départ en 2005, mais nous allons nous séparer. Ils ont décidé de rester dans la Caraïbe. A chacun ses impératifs, ses rêves… Pour nous (pour moi devrais-je dire) c’est le Pacifique, nous passons Panama en janvier.

Le volet technique :

Navigation : Un guide de navigation est indispensable. Les deux plus connus sont « The Panama cruising guide » de Eric Bauhaus (3ème édition) et « The Panama Guide » de Nancy Schwalbe Zygler, tous deux en anglais. Muni de l’un de ces ouvrages, la navigation dans les San Blas ne pose pas de problème particulier à condition d’être prudent et de naviguer à la bonne heure dans les coins un peu délicats. Près des côtes, ce n’est parfois pas évident, surtout après de grosses pluies, lorsque les crues des rivières côtières rendent l’eau trouble. MaxSea (en tous cas avec les cartes que nous avions) est inexploitable, sauf peut-être pour revenir sur sa trace. Nous avons utilisé avec profit SeaClear (gratuit) avec les cartes du guide qui avaient été scannées. La Isla Pinos (8°59’9N / 77°45’6W) est suffisamment accore pour atterrir de nuit.

Le bateau idéal : Nous venons de rencontrer trois jeunes qui semblent très heureux sur un Arpège ! Il y a un mois, c’était un couple avec enfant sur un Gin Fizz, avant un jeune en solo sur un First 30 ! C’est dire si la marge de réflexion sur le bateau de voyage est importante ! Nous somme quant à nous toujours très content de notre Bavaria.

Energie : (Eternel sujet de discussion…) Les journées de mouillage avec peu ou pas de soleil et peu de vent ne sont pas rares. Conséquence : Les 150W de panneaux et notre éolienne sont dans ces cas-là insuffisants. Nous avions pensé être à l’abri de ce problème en faisant l’acquisition d’un groupe Yahama 1000W. Las, c’est en épluchant la doc que j’ai vu qu’il ne donnait en fait que 880W. Les 1000W sur la boite, c’est pour faire joli. Avec notre chargeur de 45A, ça ne passe pas. Il navigue maintenant sur le bateau d’un bon pote. Si c’était à refaire j’installerais un chargeur de quai moins puissant qui permettrait de charger les batteries avec un petit groupe de 1000W en cas de nécessité. (Nous ne sommes jamais à quai)

L’eau : On trouve de l’eau dans tous les villages et nous avons eu beaucoup de pluie. Notre dessal Livol est mort, déclaré irréparable par des bricoleurs d’élite. Nous l’avions pourtant méticuleusement entretenu. Je suis vert en pensant à l’investissement que cela a représenté pour nous. La caisse de bord ne permettant pas le renouvellement de ce jouet, nous sommes revenus aux bonnes vielles méthodes et ça marche : Taud de récupération d’eau et « bidonnage » Notons au passage que plus nous avançons, et plus nous constatons que les dessals sérieux fonctionnent sur pompe attelée au moteur principal.

Annexe : C’est très utile pour la chasse sous-marine, les remontées de rivières, etc… L’idéal serait une semi-rigide avec un 15ch. Cela veut dire un budget pour cela, un portique pouvant supporter ce poids dans la brafougne, un bossoir pour le moteur, des réserves d’essence conséquentes etc… Pour l’instant, nous nous contentons de notre petit zodiac pliable avec notre 3,5ch, mais c’est vrai que nous faisons un peu pauvre dans les mouillages … A propos, nous rencontrons très peu de zodiac sous cette latitude. Le matériel utilisé par cette marque est renommé peu résistant aux UV…

Froid : Le système nous avons fait installer à notre passage au Marin par Tilikum marche pile poil. Salut à toi, Fred, si tu lis ces lignes ! Ceci dit nous consommons encore trop car l’isolation de la glacière est médiocre. Ami, si tu prépares le grand voyage, isoles bien la glacière, c’est LE point clé du poste énergie.

Communication : Nous sommes toujours très contents de SailMail. Nous échangeons des mails quasiment quotidiennement. Nous avons également un Iridium acheté d’occasion pour les cas d’urgence. La BLU est un super outil de communication entre bateau. Skyfile est beaucoup plus répandu chez les voyageurs étrangers, les canadiens en particulier. C’est un système qui permet également d’envoyer des mails par la BLU, qui est gratuit, mais réservé aux détenteurs d’une licence radioamateur. Pourquoi celle-ci est-elle apparemment plus facile à obtenir à l’étranger qu’en France ?


Serge et Dominique

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