Franchissement du canal de panama en 2007


Presque autant qu’une traversée transatlantique, le passage du canal de Panama est perçu avec une certaine appréhension lorsqu’on s’y prépare pour la première fois ;
Le voisinage des supertankers dans les écluses, les courants légendaires, autant que la montagne de formalités administratives ou les aléas supposés de la transmission récente du contrôle technique des Etats-Unis à l’état panaméen, la mauvaise réputation des rues de Colon, tout cela bouillonne dans l’esprit des yachties candidats au passage .

Aussi, lorsqu’à la haute saison ( soit février à mai ) la liste d’attente est longue et que l’on annonce 10 à 20 jours avant le grand saut, on est presque soulagé de pouvoir se préparer dans les meilleures conditions et on renonce le cœur léger à mettre ce délai à profit pour retourner sur les rivages paradisiaques des San Blas .

Autant le dire tout de suite, on peut dédramatiser largement cette affaire …


franchissement du canal de panama en 2007


1°) Formalités

a) les intermédiaires

3 possibilités en arrivant à Colon :

- on se sent sûr de soi, on a un bon bouquin comme guide avec tous les plans et les détails, et on décide de tout faire par soi-même ;
c’est jouable, d’autant que les sites sont géographiquement concentrés, et que les courses des taxis sont dérisoires .
En outre, sur place, les fonctionnaires sont en général accueillants et patients .
Le risque est de tomber sur ceux qui ne le sont pas, ou qui jouant avec les heures d’ouvertures, vous font perdre des journées entières parce qu’il vous manque une photocopie…

- on se décharge complètement de l’affaire et l’on prend un « agent » qui vous démarche en général à votre arrivée à Colon.
Cela vous coûtera entre 50 et 100 dollars us et vous ne vous occupez effectivement de rien, le lendemain ou le surlendemain au soir vous avez votre code et votre date ( provisoire ) de passage .

- possibilité intermédiaire : embaucher un chauffeur de taxi pour l’ensemble des formalités
( les autres voiliers vous indiquent les plus expérimentés et honnêtes ), il vous accompagne alors pendant 2 jours dans toutes vos étapes pour le prix des trajets augmenté de votre « prime pour service » si vous le jugez bon .
Dans ce cas, la somme déboursée sera inférieure à 30 dollars, en général.

b) formalités d’entrée

franchissement du canal de panama en 2007

A moins de 500 mètres au nord-ouest du Panama Canal Yacht Club de Colon, se trouve l’immeuble des autorités maritimes : sur place, à toute heure ouvrable, vous pouvez faire votre clearance muni des passeports, des papiers du bateau (pas de certificat d’assurance demandé !), des visas de sortie de la précédente escale, et une liste d’équipage, remplie sur place . Pour quelques dizaines de centavos, vous y obtiendrez les photocopies nécessaires pour cette étape et les suivantes .
Tout fier, vous sortez ensuite avec votre Cruising permit, avant de foncer à l’étape suivante : l’immigration .
Pour les européens que nous sommes, les visas et leurs significations relèvent plus d’une dialectique occulte que d’une rigoureuse gestion des flux migratoires, d’où ce conseil anodin : renoncez à comprendre .
En effet, il faut payer un visa d’entrée à Colon, état de Panama, puis un visa de sortie de Colon, état de Panama, pour s’offrir un nouveau visa à Panama city, afin d’être en règle…
Il va de soi que nous ne nous vanterons en aucun cas d’avoir court-circuité ingénument la dernière étape …

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c) l’ Admeasurer

En général, et si l’officier de l’immigration (seul habilité à apposer son précieux tampon) était bien à son poste aux heures prévues, ces deux premières étapes s’effectuent en moins d’une heure, surtout si votre accompagnateur-chauffeur-interprète-entremetteur est bien introduit .
Vous vous rendez ensuite dans les bureaux de la société du canal, dont la tour siège près des autorités maritimes, pour faire une demande écrite de jauge du bateau, et on vous donne rendez-vous pour le lendemain matin à votre bord au port ou au mouillage .

L’officier mesure la longueur hors-tout, contrôle que vous avez bien 4 aussières de 38 mètres, une avertisseur sonore électrique ou pneumatique, un lieu d’aisance pour le pilote, un endroit ombragé et aéré où il puisse prendre repas et boissons que vous vous engagez à lui fournir, vous demande le pas de votre hélice et de confirmer la main sur le cœur que votre moteur auxiliaire peut sans difficulté assurer 8 nœuds plusieurs heures durant !!!

Au bout de cette visite, vous obtenez le précieux document de la société du Canal qui vous permet…de vous rendre à la banque.


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d) la City bank

Celle-ci est située en face des autorités maritimes et c’est peut-être là que vous risquez les principaux soucis .
Seuls la carte Visa ou le cash sont acceptés, vous devez payer le droit de passage
( 550 dollars ) plus une caution de 600 dollars restituée quelques semaines après le transfert .
Or la somme totale est supérieure à ce que votre banque autorise généralement en prélèvement-cash pour une telle carte et il est donc habituel que votre paiement soit refusé et qu’il vous faille faire des tractations téléphoniques interminables et coûteuses avec votre banque .

Le soir-même, un simple coup de fil et votre date de passage est fixée, total 48 heures dont 3 heures de paperasserie effective, on voit bien qu’il n’y a pas de quoi fouetter un gato solo …
(animal sauvage de la taille d’un petit blaireau et ressemblant un peu au raton laveur)

2°) Préparation du bateau et de l’équipage

Les formalités sont réglées, plus rapidement que prévu, le bateau est en règle avec la société du Canal pour son franchissement .
Avant de profiter du temps libre en prospectant la free-zone ou en remontant à la voile le paisible rio Chagres et sa jungle tropicale primaire, il faut se convaincre que l’on est effectivement paré : les aussières (que l’on peut louer sur place), les défenses, renforcées ou non par des pneus (2 dollars pièce), les 4 équipiers en plus du barreur ( ne pas compter le pilote ) que l’on choisit en général au mouillage avec un système d’échange de bons procédés qui donne parfois lieu à des méthodes étranges de relations publiques …
Et l’équipage lui-même qui doit (en tout cas cela nous semble la meilleure façon de faire) acquérir l’expérience par un passage sur un autre voilier (compter 2 jours et 2 nuits ).

Alors on aura désamorcé la plupart des frayeurs qui agiteraient les nuits des plus anxieux !

3°) Les Supertankers

Certes, il n’y a rien de réjouissant à l’idée de voisiner dans une écluse avec un cargo dont l’hélice sort de l’eau à quelques mètres de vous, ajoutant au courant son aspiration inexorable !

En fait, la plus petite écluse fait 110 pieds de large, ce qui limite grandement la taille de ces bateaux, et si les pilotes (en fait des « conseillers »)des voiliers sont souvent inexpérimentés et que leurs consignes doivent être parfois examinées, discutées, voire carrément ignorées si nécessaire (çà arrive),
Les pilotes des grands navires de marchandises sont extrêmement rodés et minutieux et leurs manœuvres ne provoquent en général pas de difficultés aux voiliers .

4°) La sécurité à Colon

De mauvaise réputation, la dernière étape atlantique de tous les migrateurs tropicaux véliphiles est sur la pente de la rédemption .
Si l’on respecte les règles habituelles, éviction de certains quartiers, pas de vêtement ou d’accessoire trop ostentatoire, Colon est devenue une ville comme les autres et la campagne panaméenne de réduction de la criminalité ( affichage de promotion du tourisme et présence ubiquitaire des forces de l’ordre) a porté ses fruits .
Lorsque l’on ne se sent pas en sécurité, on prend un taxi…

5°) Les écluses

Si vous passez avec un tug-boat ( en général à votre demande ) ou à couple d’un ou deux autres voiliers, la procédure est rodée est similaire .
Départ de nuit au coucher du soleil vers les écluses ascendantes de Gatun, à 5 milles du mouillage de Colon, mise à couple avec vos partenaires (2 amarres et 2 gardes), la composition du convoi est faite en fonction de la taille des embarcations, de la puissance des moteurs et du pas des hélices .
En général, le plus grand yacht est au centre et est le seul à utiliser son moteur, selon la hauteur de pont, les « boulines » des haleurs arrivent sur les bateaux latéraux et donc en général seuls 2 équipiers (parfois aucun ) et 2 aussières sont utilisées.

Les 3 écluses de Gatun font monter le bateau de 30 mètres sur le lac, atteint vers 22 heures pour passer la nuit sur une bouée, à distance du flot continu des cargos.
Le pilote, hydraté et restauré, quitte le bord .
A l’aube, vous êtes réveillés par les cris des singes hurleurs avant que le nouveau pilote n’arrive pour vous guider sur le gigantesque et labyrinthique lac artificiel pendant une trentaine de milles, avant de rejoindre la partie commune du canal, où le percement à été le plus coûteux en vies humaines et en temps .
Les écluses descendantes sont franchies de la même façon, et après être passé devant l’ancienne et curieuse marina de Pedro Miguel, entre 2 écluses, aujourd’hui désaffectée,
La dernière porte s’ouvre sur le pont des Amériques, Balboa et l’océan Pacifique…
Cà y est !!!

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