Restauration d'un fletan beneteau


Parti d'une annonce d'un petit bateau à vendre (enchères sur le net), je me suis lançé dans la re-conception, puis re-construction d'un petit cotre houari de 4,5m. Récit de cette modeste aventure, qui peut donner des idées à d'autres passionnés ! Il n'est pas nécessaire d'être fortuné, ni expert en arts de la résine et de la scie sauteuse ... juste avoir envie de créer, puis de naviguer.

Récit de l'aventure ...

Par curiosité plus que par envie, je surfais sur internet, plutôt du coté d'un célebre site de ventes aux enchères, et surtout du coté des annonces de voiliers. Je ne possède pas de bateau, j'ai fait quelques stages en cotier et hauturier et mes bases viennent de ma tendre jeunesse, bercée de quelques expériences en Optimist, Caravelle, Vaurien et 420. Rien que du très classique !

Au travers des différentes pages web visitées, je m'arrete sur une jolie coque bleue, de look "années 60", comme un joli petit canot de pêche à peine sorti des mouillages bretons. L'annonce stipule que le bateau est en bois, qu'il mesure 4,5m et qu'il est vendu avec sa remorque, des voiles, des gilets etc ... Autant le dire tout de suite, j'ai attendu la fin de la période des enchères, pour contacter le vendeur par email. Quelques semaines plus tard, j'étais avec mon épouse du coté de Lorient et la jolie coque du nom de DEDE devenait notre propriété. C'est le début de l'histoire ! DEDE n'est pas en bois comme décrit dans l'annonce, mais c'est une coque en fibre de verre. Elle semble saine. Le bateau a été abimé, la coque porte les traces d'une restauration "rustique" mais cela ne me gène pas. Pas de concours de beauté au programme ... juste l'envie de réaliser un petit rêve et de remettre à l'eau ce bateau.

restauration d un fletan beneteau

Qui est DEDE ? Après avoir eu les papiers en main, vu la bateau et cherché un peu sur le net, je sais que ce bateau est un FLETAN, vaillant pêche-promenade produit pas Bénéteau dans les années 60. Le premier en fibre de verre, marquant ainssi la fin du bois dans la production industrielle de ce constructeur.

Le bateau est ramené en région toulousaine, je met à l'abri tout ce qui trainait dedans, le vide d'un amas de feuilles et aiguilles de pin et commence l'inventaire de l'accastillage et du matériel.

En même temps, à travers livres et revues, internet et discussions avec les amis, je commence à imaginer ce qu'il va devenir. La coque n'a plus de cabine ... ce sera un dayboat ouvert. Sa forme est très "vieille plaisance" ... je vais en faire un petit bateau de charme. Il y a deux beaux avirons dans l'inventaire ... ce sera un voile-aviron ! C'est ainsi que je dresse le programme de mes futurs navigations, tout en noircissant des pages d'un cahier d'écolier, pour le plus grand intéret des enfants.

Les grandes lignes sont choisies : ce bateau aura deux longs bancs de cockpit en bois massif, pourra acueuillir les 4 membres de la famille, un banc de nage pour les avirons, un grand coffre sous le pont avant, un à l'arrière et deux équipets. Il sera insubmersible. Il sera gréée en cotre houari et le mat ne dépassera pas les 4,5m. Il portera un bout-dehors. Je ferai tailler une belle GV houari, le foc restera ... le foc et la GV marconi d'origine sera retaillée en génois pour aller sur le bout-dehors.

Ca ressemblera à CA :

restauration d un fletan beneteau
restauration d un fletan beneteau

Une fois la théorie validée ... par moi-même, il faut passer à la pratique. Le canot est amené au garage (vive les petits bateaux), posé au sol et bien bloqué pour y travailler.

Je décide de commencer par l'intérieur et je fais sauter (à la disqueuse et scie sauteuse) tout ce qui n'est pas la coque !!! je me retrouve donc quelques weekends plus loin avec une belle barque (dixit les enfants), entièrement vide. La fibre de verre est poncée, dégraissée à l'acétone, puis enduite de résine epoxy liquide.

Grace à des gabarits, j'ai pris les dimensions des pièces structurelles, les couples et éléments longitudinaux des bancs. Traçage sur CP CTBX, puis découpe et ajustage. Le CP est enduit de la même résine epoxy liquide, puis collé avec des joints congés en mastic epoxy. C'est pas trop dur ... ca aura couté deux plaques de CP 13mm et qqs pots de résine.

A ce stade, DEDE est renommé AVEL, il ressemble à cela :

restauration d un fletan beneteau

On commence à rêver, les enfants montent dedans, on peut presque s'asseoir sur les bancs.

Une fois la structure verticale collée, j'attaque les plans horizontaux qui sont simples : un pont, deux bancs lateraux, le banc de nage et le coffre arrière.

Je commence à me poser des questions de dérive ... ou de plan anti-dérive, mais rien n'existe dans la coque initiale. J'imagine réaliser une quille longue à l'ancienne, une fois la coque retournée. On verra plus tard !

Le plus tard arrive assez vite, car les surface horizontales sont terminées, en épicéa massif traité à l'huile.

La coque est sortie dans l'herbe (c'est l'été), retournée avec quelques bras volontaires et deux pneux (plus un palan) et calée sur des madriers pour pouvoir aller dessous facilement.

Surprise !!!! que vois-je sur l'embryon de quille ? La trace du puit de dérive, soigneusement bouché avec de la choucroute et de la résine par le précédent propriétaire. L'histoire de DEDE se dévoile ... je savais qu'il avait subit un nauvrage (traces de réparations de la coque), qu'il avait très peu navigué à la voile (aucune usure de celles-ci) ... je déduit qu'il a été transformé en bateau de pêche à moteur, sans le puit de dérive. Son tableau arrière porte les traces de renfort, pour supporter un moteur HB assez lourd.

J'attaque donc le re-création du puit de dérive, puit le puit en lui-même en CP enduit epoxy.

J'en profite pour dessiner une dérive selon mes aspirations, pivotante.

la voici :

restauration d un fletan beneteau

Les angles seront arrondis à la meuleuse. La dérive est réalisée à partir d'une tole d'acier de 4mm d'épaisseur et pèse 15kg environ. Elle a reçu plusieurs couches de peinture antirouille car je n'ai pas trouvé d'inox au moment de mes recherches.

Je veux pouvoir voir le point de tire de ma dérive quand elle est relevée complétement, à travers une lumière faite dans les joues du puit. Par cette même lumière, je veux voir l'extrémité quand la dérive est abaissée, et la bloquer en cas de dessalage ou pour éviter les vibrations.

Je fais un manequin en CP 5mm, qui permettra de découper la dérive dans la tole d'acier.

AVEL a regagné le garage pour la peinture. J'attaque la préparation de la coque: Poncage, primaire, sous-couche et 3 couches de mono-composant.

Il ressemble à cela avec son manequin de dérive en CP (en attente de la dérive).

restauration d un fletan beneteau


Les voiles sont amenées chez un artisan voilier, on discute du programme, de la taille, du tissu.

Je récupère mes belles voiles, la GV houari toute neuve, le foc "révisé" et le génois taillé dans la GV d'origine.

Le foc fait 3m², la GV 10m² environ et le génois 5 ou 6 m². Le bateau devrait faire 350 ou 400kg (mais je ne sais pas exactement) et je me dis que ca devrait aller .... La construction amateur, dès lors que l'on ne suit pas une liasse de plans, semble faite de nombreuses options à prendre, sans jamais savoir si ce sont les bonnes ! Tout cela devra être confirmé ou contrarié en navigation !

J'attaque les espars :

Le mat sera en bois ou ne sera pas ! Je ne trouve que des prix prohibitifs pour des mats réalisés par des artisans, donc je me lance.

Premier essai à partir d'un madrier de Douglas, je tente de le faire en massif ... je n'ai qu'une scie circulaire, un rabot electrique et une ponceuse à bande.

Je taille mon poteau en octogone, puis le pose entre deux tréteaux .... j'appuie un peu au milieu, puis un peu plus, puis franchement et là !!!!! crack, je casse mon beau mat en deux ! je préfère le casser dans l'atelier que sur la tête de mes filles, donc je me console.

Second essai à partir de 3 belles planches de 27mm d'épicea. 3x27mm ca fait 81mm, comme je veux un diamètre de 80mm c'est parfait. je fais un lamellé-collé de 3 planches, puis re-scie, re-rabot, re-ponceuse et c'est mieux !

La corne et le bout-dehors sont réalisés à partir du vieux mat de la planche à voile familiale. 30 ans après, ca dégage la cave paternelle ! La partie la plus fine devient la corne. je réalise l'encornat à partir de chutes de bois et sur la base de quelques photos et croquis. La partie la plus épaisse de mon mat en fibre de verre devient le bout-dehors de 150cm, avec 90cm hors de la coque. Le bout-dehors coulisse sur le pont et traverse l'étrave, dans un tunnel renforcé à la résine.

AVEL ressemble de plus en plus à un voilier, il est comme cela dans le jardin :


restauration d un fletan beneteau

restauration d un fletan beneteau

AVEL a tiré ses premiers bords sur lac, dans des conditions de calme, afin de tester son comportement. Rien n'a cassé lors des premières sorties.

AVEL est très stable, sans doûte du fait de la forme de sa carène. C'est rassurant, surtout pour les enfants.

Coté performances, n'ayant pas encore de compas, je ne peux dire ce qu'il donne en remontée au vent. Au feeling, il va ou je lui demande d'aller ... sans pour autant sembler être une bête de près. Au portant, c'est le pied ! Gréée en cotre, les deux voiles d'avant de mettent en ciseaux hyper-facilement et il glisse à plat. L'embryon de quille longue lui donne une belle stabilité de route, et même dérive relevée à ces allures, il se barre avec deux doigts.

Le gréement de cotre houari permet de choisir et combiner les voiles de devant. Je dispose d'un foc de 3m² environ (en fait le foc d'origine) et d'un génois, taillé dans l'ancienne GV. Le génois se portes sur le bout-dehors. je peux porter l'une ou l'autre des deux voiles, ou les deux ensembles.

Voici deux photos d'AVEL par petit temps, en configuration de GV haute et foc seul. Le bout-dehors est sorti et en place, car un peu plus tard dans la matinée, ap. ces deux photos, nous avons établi le génois en supplément.

restauration d un fletan beneteau


Une toute petite trinquette va venir compléter la garde-robe afin d'avoir un bateau bien équilibré avec le premier ou le second ris.

Je me suis frotté à quelques beaux coups de vent (à l'échelle du bateau) :
20 noeuds ... ca passe avec la GV à deux ris, mais le foc est bien trop grand. Sans le foc, la barre est dure par manque d'une petite toile devant.
30 noeuds ... on se fait tremper à chaque vague croisée, malgré le beau volume avant de la carène.

Dans tous les cas, AVEL est parfaitement sain. Les surface de voile choises lors de sa re-conception en font un voilier très agréable par petit temps et qui avance tout seul. Le voilier doit être plus léger que ce que j'imaginais, et je pense avoir quelques m² de toile de trop.

La petite trinquette prendra le relais du foc très rapidement. Une troisième bande ris va sans doûte faire son apparition sur la GV. On verra plus tard si il est nécessaire d'ajouter 50 ou 60kg de lest dans le fond de la coque. Ce seront les exépriences qui guideront mes choix.

restauration d un fletan beneteau
restauration d un fletan beneteau

AVEL au "repos" durant une pause picnic et AVEL sous GV à 2ris et trinquette (suite à la nav sous un beau grain)


Je m'étais fixé comme objectif, il y a fort longtemps, de participer à "la semaine du golfe" en 2009, dans le Morbihan bien sur !

Et bien c'est chose faite.

Je prendrai le temps de faire un article dédié à cette manifestation, tant la gentillesse et le professionnalisme des organisateurs m'ont impressionné.

AVEL était donc inscrit en flotille n°2 Voile-Aviron avec 250 petits copains ... beaucoup de canots au tiers, quelques beaux représentants de la table à dessin de G. Montaubin, et pas mal de plans François Vivier dont une très belle flotte de Seil, impressionnants par petit temps ... démontrant la vitalité de cette niche !

Je ne savais pas comment AVEL allait se comporter, ne m'étant jamais mélangé ou confronté à ce type de canots. "Confrontation" n'est pas le mot tout à fait juste pour l'ambiance de la semaine, car c'est très convivial et loin de la régate ... quoi que notre coordinateur ait lançé quelques départs de régate sympa, pour animer les journées bien remplies !

AVEL faisait partie des canots les plus lourds de cette catégorie, donc pénalisé par tout petit temps mais super à l'aise dès que le vent montait. Que du plaisir après les deux années de re-construction, pas mal de réponses à mes questions et de beaux souvenirs !

AVEL a notre arrivée à Vannes (génial !!!) lorsque nous le préparions

restauration d un fletan beneteau

Voici trois photos d'AVEL dans le Golfe du Morbihan durant ces journées, sous le n° 2-015.


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