Escales aux canaries


Après notre traversée mouvementée que nous relatons dans le numéro 22, nous arrivons au mouillage de Playa Francesa dans l’île de la Graciosa. En arrivant du large et en embouquant le passage entre Graciosa et Lanzarote, nous passons de la mer d’un bleu sombre à celle d’un bleu turquoise. Pendant trois ou quatre milles, nous avons l’impression de naviguer dans un lagon des mers du sud…il nous faudra encore attendre un peu. Ce superbe mouillage va nous faire oublier la rudesse de la traversée, l’ancre se plante dans le sable entre les blocs de rochers submergés par trois mètres d’eau à marée basse. Cette baie est surplombée par un ancien volcan, la Monta?a Amarilla, que nous escaladerons et 178 mètres plus haut nous découvrirons une superbe vue sur les petites îles du nord et au sud sur Lanzarote. Paysage lunaire bordé d’une mer turquoise telle est la récompense après l’ascension. Coté pratique, le village de La Sociedad se trouve à trois kilomètres où l’on trouve de tout mais à des prix assez élevés, tout venant par ferry. Sur la piste qui mène au village, à cinq cent mètres du mouillage se trouvent des poubelles qui sont récoltées tous les jours…préservons ce sanctuaire. Pour l’eau douce, il vous faudra aller au port de La Sociedad mais nous n’avons pas testé ce moyen.

Quelques jours de repos et baignade plus tard, nous pointons notre étrave vers le sud en traversant de nouveau le chenal entre Graciosa et Lanzarote en direction d’Arrecife. La sortie du chenal, mer et vent de face, s’avère difficile, après une heure de lutte, nous pouvons mettre du sud dans notre cap et éteindre le diesel. Vent arrière et voile en ciseaux, la jonque file à six nœuds vers Arrecife. Quelques milles avant le port le vent forcit, nous affalons la misaine et le bateau avant toujours à la même vitesse avec des pointes à sept nœuds. Mais à un demi mille du port une survente nous surprend, huit nœuds au GPS, mais un claquement nous fait lever les yeux, les bambous de la grand voile ont explosé. La voile s’étant vrillée au tour du grand mat, nous avons mis une heure pour la descendre et constaté la rupture de six bambous et une déchirure de trente centimètres dans la toile. Du travail en perspective. Nous mouillons au fond du port de Naos devant de vieux chalutiers désaffectés. S’amarrer aux pontons du club, quand il y a de la place, coûte environ 12 €, nous avons préféré rester à l’ancre. Attention, l’amarrage de l’annexe aux mêmes pontons pour aller en ville coûte 2 €, mais on peut laisser son annexe au cul du dernier chalutier et aller tranquillement faire ses courses. Cette marina refuse même de vendre de l’eau aux yachts à l’ancre, mais heureusement, en face de la cale de halage dans le jardin public, il y a un robinet où l’eau est potable et gratuite mais il faut des jerricans. Le supermarché se trouve à coté des cinémas et la laverie (Lavasec 27 calle Jose Anto?io) lavera votre linge pour 4 € les 8 Kg. Il n’y a pas de gazole disponible au quai. Cette ville offre toutes les facilités d’une ville. Il existe un second mouillage dans le sud de la ville mais nous n’y sommes pas allés.
Trois semaines plus tard, nous mettons le cap sur Gran Canaria à 120 milles. Apres une journée et une nuit de navigation avec des hauts et des bas, comme la pêche de bonites et la casse de deux bambous, nous arrivons à Las Palmas. C’est un immense port de commerce, le plus grand des Canaries où se trouve un mouillage dans le nord du port de plaisance qui est très rouleur dû à la sortie et l’entrée des remorqueurs et autres bateaux pilotes. Par fond de sable, dans quatre mètres d’eau nous posons notre ancre pour quelques jours. On peut faire de l’eau au pied de l’escalier central sur la plage ou au ponton du port de plaisance où elle est de meilleure qualité. Vous trouverez un marché et un supermarché, en remontant vers le nord du mouillage, en prenant la passerelle qui enjambe la route, puis la rue (Calle de Barcelona) en face de la station service. Le consulat de France se trouve une rue plus au nord (Calle Nestor de Torre qui est parallèle à celle de Barcelona) et la mission sénégalaise est au 27 Calle Galicia (perpendiculaire à celle de Barcelona. La laverie se trouve à la sortie du port de plaisance de l’autre coté de la voie rapide. Ce mouillage est rouleur et bruyant et nous n’y resterons que quelques jours pour faire notre approvisionnement. Patrick, un anglais installé aux Canaries, est venu à bord pour discuter pendant plusieurs heures de la jonque et de son gréement.
Nous sommes descendus sous voiles le long de la côte est de Gran Canaria. Par vent de nordet, la jonque marche entre 5 et 6 nœuds. En arrivant au Cabo de Gando, nous apercevons devant nous la mer devenir très houleuse, nous affalons la misaine, et sous grand voile seule, nous étalons cette mer qui  forcit sur 2 milles puis redevient calme comme avant le cap. C’est le type d’accélération du vent qui est classique à certains endroits des Canaries. Nous doublons le cap sud est de l’île et en quelques mètres le vent passe de 20 nœuds à nul. A 5 milles de là, nous trouvons le port d’Arguineguin où nous jetons l’ancre dans l’avant port, finalement nous mouillerons l’ancre arrière afin de nous mettre face à la mer pour ne pas rouler. Nous restons 3 jours dans ce sympathique petit village pas trop envahi par le tourisme. A noter que le shipchandler vend des pavillons de courtoisie à des prix très attractifs.
Pour une courte escale technique, nous irons au port de Mogan (20€) qui est une marina mais le petit village nous a bien plu, nous rappelant l’aspect fleuri et propre de Marbella.
Le lendemain, nous mettons le cap sur l’île de Tenerife. Par vent de sud-est, sous grand voile et misaine, nous parcourons les 55 milles en moins de 10 heures  en ayant pris 3 bonites à la traîne et vu, à moins de 10 mètres du bateau , un globicéphale de 5 à 6 mètres et une dizaine de dauphins. Nous jetons l’ancre dans le port de Los Cristianos. C’est un mouillage rouleur avec la houle de nord ouest et les arrivées et départs des grands ferries mais c’est gratuit. De l’eau (0,23€ la minute soit environ 3€ pour 400 litres) et du gazole (0,41€ le litre) sont disponibles au port de pêche. Le grand supermarché à la sortie de la ville vous livre si votre montant dépasse 60€ et la pharmacie de la rue principale vend des médicaments contre le paludisme à 2,35€ pour 6 mois de traitement pour une personne. Le shipchandler est très bien achalandé pour l’entretien du bateau ou pour le matériel de pêche, de plus vous pouvez y recevoir du matériel venant de France ou d’ailleurs.
Les balades dans l’île ne manquent pas, louant une voiture pour accompagner Stéphanie à l’aéroport (2h50 du matin), nous en avons profité pour aller au Teide qui est le plus haut sommet d’Espagne (3712m). Le telepherique (10€ aller ou 20 aller retour) nous dépose à 3550 mètres d’altitude. La vue est splendide, on voit La Gomera et on distingue La Palma et El Hierro. Nous descendons à pied par un sentier très bien balisé mais assez pentu. Apres avoir cassé la croûte à mi pente, nous regagnons la voiture, nos jambes de marins un peu lourdes. Il aura fallu 3 heures et demi pour descendre à 2300 mètres.

Une promenade dans l’est du mouillage sur des petites montagnes volcaniques nous amène en quelques minutes dans un lieu désert où nous trouvons des dizaines d’espèces de cactées. Le retour s’effectue dans le lit du torrent qui doit être toujours sec sauf après un orage, un lapin tout noir déboule devant nous et s’enfuie sur l’autre versant. Nous sommes seuls, au milieu des anciennes rigoles d’irrigation (levadas), à moins de 2 kilomètres de Los Cristianos où fourmillent des milliers de touristes.

 Une autre balade s’impose dans cette région, c’est aller voir les baleines pilotes. Elles sont, en effet, près de 250 qui vivent dans le canal entre Tenerife et La Gomera. A deux milles du port, cap au sud ouest, elles sont là, nageant placidement. Ce sont des individus d’environ 4 à 5 mètres qui passeront à quelques mètres du bateau et qui sonderont si on se trouve trop près mais réapparaîtront quelques minutes plus tard dans l’étrave ou le sillage. Un spectacle de mammifères marins en liberté !
Après plus de 4 semaines au mouillage, nous mettons le cap sur l’île de La Gomera. Quatre heures de navigation plus tard, nous entrons dans la marina de San Sebastian (16€). Accueil très sympathique et personnel très compétent font de ce port une bonne escale avant le saut vers le Sénégal. Nous avons rencontré à ce port Olivier et Valérie du voilier « Audélie » qui sont les premiers lecteurs de notre site que nous voyons en mer. Après une nuit au port, nous filons vers le mouillage de Playa Eresa où nous jetons l’ancre par 8 mètres de fond à moins de 20 mètres de la plage. Apres une nuit mouvementée due au roulis et au contrôle des papiers par la Guardia Civil, le moteur au moment du mouillage ayant eu un curieux bruit, nous décidons de retourner au port de San Sebastian. Au moment de passer la marche avant, un bruit sinistre de craquement métallique et le moteur cale, l’arbre est bloqué par la rupture d’un roulement sur le cardan d’accouplement de la transmission comme nous le verrons plus tard. C’est en remorque de Taoumé que nous gagnons le port de Santiago (22€) sans eau ni électricité. C’est un port de pêche où la houle rentre avec force et nous y verrons des changements de niveau de l’eau de plus de 2 mètres dans la darse de levage en moins d’une minute. Le lendemain, nous démonterons le cardan et un plaisancier allemand s’exprimant en espagnol nous indiquera une personne compétente pour la réparation. Un jour plus tard, toujours en remorque nous gagnerons le port de San Sebastian où la réparation aura lieu, changement des roulements du cardan et des silents blocs du moteur, ces derniers ayant cassé au moment où l’arbre s’est bloqué. Après dix jours d’escale forcée due aux avaries et au vent, nous mettons le cap sur le Sénégal.

17/11/03 San Sebastian de Gomera (Canaries)


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