Tour des baléares


Estivela nous raconte son tour des Baléares... Une ballade à votre portée pendant les vacances !


Dimanche 11 juillet

tour des baleares-Dimanche 11 juillet 2004-
En stand-by à Narbonne-plage, une fenêtre météo s'ouvre enfin aujourd'hui: 5 à 6 de nord-ouest avec rafales sur Béar. 2 ris dans la G.V. d'office et solent. Peu de vagues pour commencer et 1 heure à 6/7 nœuds, Tzigane piaffe un peu d'impatience. Je renvoie 1 ris et la descente s'accélère; je ne le sais pas encore mais cette première journée de navigation vers les Baléares va être celle de tous les records. Rarement au-dessous de 8 nœuds, un premier run m'envoie à 10,16. Mon précédent record des 2 années passées est de suite avalé. Tzigane surfe, une vibration traverse la coque et la vague d'étrave vient lécher les ancrages de haubans; que du plaisir! Au largue je suis sur des rails.

Je laisse la barre au pilote pour une petite collation. Le vent continue à forcir. Je remets 2 ris pour être plus tranquille et ça marche toujours aussi vite et avec moins de gite. Un vrai sillage de bateau à moteur. Le cap Creus est en vue et un surf à 13,12 nœuds en face de Collioure salue l'événement. Jaloux, je termine mon sandwich pour reprendre la barre et profiter des vagues qui se creusent. La bonne arrive enfin au passage de Vendres, j'abats dans la rafale et Tzigane se cabre. La proue se lève malgré la baille remplie du mouillage croisière et les 86 litres d'eau dans les réservoirs de pied de mât. J'accompagne et l'accélération continue. La vibration disparaît alors que la vague d'étrave recule au maitre-bau.
Le loch me donne 14,54 nœuds; je regarde ma montre, il est 15h53, j'ai battu le pilote dans un surf que j'ai pu maintenir une vingtaine de secondes. A cette vitesse c'est très long! Après coup, des larmes de bonheur me viennent aux yeux. J'ai retrouvé les sensations de planning de ma jeunesse quand après plusieurs coups de pompe sur le spi, le bon vieux Jet de l'école de voile s'élançait dans une gerbe de gouttelettes d'argent. La mer a une beauté sauvage que le soleil enflamme. Je croise les malheureux bateaux au près sous grand-voile seule et moteur. Tant de différences entre nous au même instant. Frustration pour eux discernable dans leur regard lorsqu'un bord nous rapproche, exaltation pour moi sur ma luge jaune. Pour une première croisière solo, c'est réussi. Passé Béar le vent mollit à nouveau. J'envoie le gennaker sur le tangon et l'allure se maintient quasiment toujours au-dessus de 8 nœuds. Par contre à l'accélération le guindant dévente et je n'arrive pas à border d'une seule main. Je redonne la barre au pilote et saisis l'écoute. Encore une demi-heure de pur plaisir avant la cata..
… Dans un coup de lof, le pilote ne parvient pas à récupérer et c'est le départ en vrac. L'écoute surpatte sur le winch, le tangon se mate et le gennaker finit le travail en propulsant l'ensemble bateau bonhomme à 90° de gite.
Je vois le tangon plier en son milieu au contact de la glissière d'enrouleur et c'est la rupture. Opération survie, il faut récupérer les morceaux. Heureusement l'emmagasineur fonctionne et me permet de rouler le gennaker à moitié. J'affale dans la foulée engouffrant la voile directement dans le carré, on rangera après. Les 2 morceaux de tangon sont récupérés sans qu'ils aient eu le temps de créer du dommage sur le pont ou la coque. Tzigane est calme, travers aux vagues, barre sous le vent même si la grand-voile bat encore violemment. Je me retourne vers le pilote et comprends l'origine du distribil. Le support de la tête d'homme sur la barre a lâché, vis sectionnées au ras du tube. Voilà pourquoi le pilote n'a pas récupéré. Il va falloir s'arrêter et réparer car je ne me vois pas poursuivre cette croisière sans pilote. Je renvoie le solent et reprends la barre. Creus puis Cadaques défilent sous mon vent. Plus question de record. Ce sera un arrêt à Rosas où je trouverai ce qu'il me faut pour remettre en état. 19 heures; l'ancre touche le fond. Un repas et une bonne nuit de sommeil m'attendent. Il fera jour demain…

Lundi 12, Mardi 13 juillet

tour des baleares- Lundi 12 juillet-
5 heures de démarches et de tractations pour faire 2 trous dans cette fichue barre et re-fixer le support de pilote. Ouf! Ça y est. Avec la complicité (gratuite!) d'un ouvrier du chantier naval voisin du port j'y suis arrivé. Les 2 moitiés de tangon ont été manchonnées et bloquées à la pâte époxy, une pouvant servir de bout dehors orientable et l'autre de tangon fixe. Je suis prêt à repartir pour de nouvelles aventures mais il faut patienter. 8 à 9 en cours et 6 à 7 pour le lendemain. Ce sera donc tourisme et nuit au port.
- Mardi 13 juillet-
Un peu alarmiste la prévision. C'est du 4 à 5 maniable et je décide de reprendre la mer sans tarder après m'être fait délester de 35 euros quand même pour ma place de port. (Pontons visiteurs à 10 minutes des sanitaires, douche dans le noir à partir de 21 heures et facture pour un bateau de 8.50x3.40 car contrairement à ce qui est affiché, il n'y a pas de place visiteurs pour les moins de 8 mètres, merci Rosas!)

-12 heures-
Un bon force 4/5 de Nord Ouest me propulse vers les îles Mèdes en moins de 2 heures.

C'est conforme au modèle de prévision numérique que j'ai consulté à Rosas et qui donne un état de la houle et du vent par fraction de 2 heures. Le Nord-ouest doit mollir lentement jusqu'à 20 heures, puis une bascule de Sud-ouest qui ne dépasse pas 10 nœuds est annoncée pour la nuit avant un retour en matinée au Nord-ouest mais avec 19 nœuds maxi vers 14 h avant que ça recommence à mollir. Le même schéma est proposé sur les 48 heures à venir donc rien de bien méchant.
-15 heures-
Ça mollit déjà beaucoup et avec pas mal d'avance sur la prévision. Je déballaste pour équilibrer le bateau et guette le souffle salvateur qui me conduira vers Palamos. Le clapot est toujours là mais sans beaucoup de vent pour porter, je passe mon temps à brinqueballer d'un bord sur l'autre. Assis au fond du cockpit pour être à l'abri des coups de bôme, je dois me résoudre à attendre.

-18 heures-
Je suis devant le cap Bagur! Autrement dit j'ai parcouru 4 milles en 2 heures dans un clapot infernal où les voiles pendent lamentablement et où la bôme brasse l'air avec des mouvements de balancier chaotique.De quoi avoir un peu les nerfs! Je ne suis pas arrivé à Palamos. De plus au moteur dans ce clapot, il n'y a rien à espérer: J'aurai l'hélice hors de l'eau une fois sur deux.
- 19 heures-
Le sud-ouest annoncé rentre enfin mais bien dans le nez pour Palamos. En plus c'est faible. Je hisse le gennaker pour voir et abats un peu. 5,5 nœuds au 170 pile sur Minorque. Je vais peut-être tenter. Je ballaste sous le vent pour réduire la surface mouillée, 6,5 nœuds au compteur, extra! Le sud-ouest a 2 heures d'avance sur la prévision mais je ne vais pas me plaindre. Je consulte à nouveau ma météo. Ça doit passer, direction les Baléares.
- Minuit-
37 milles parcourus sur la route directe au bon plein, tout va bien à bord. J'ai barré pour le plaisir jusqu'à la tombée du jour pour économiser l'électricité mais dans la nuit sans lune de maintenant c'est le pilote qui travaille…sans forcer. Le bateau file tout seul sans cahots, sur des rails. La lumière du phare de San Sebastian s'est peu à peu noyée dans la brume puis la pénombre. Il fait bon et doux, allongé dans le cockpit je tente vainement de distinguer des étoiles. Ma première nuit en mer en solo, un vrai moment de bonheur, un instantané de Vie.

Mercredi 14, jeudi 15 juillet

tour des baleares- Mercredi 14 juillet, 2 heures-
Le bruit de l'eau sur la coque a changé et m'a sorti de ma somnolence. Les voiles pendent à nouveau, humides de rosée comme après une grande lessive. Ça goûte sous la bôme et ça n'avance plus. Vent nul à nouveau. Je consulte la prév' météo, je devrais avoir 6 nœuds. Bon bah! J'aurais dû m'en douter la météo n'est pas une science exacte. J'ai fait un quart du trajet, pas question de faire demi-tour. Il faut attendre, soumis au bon vouloir d'Eole. Mon petit moteur hors-bord ne m'est d'aucune utilité pour faire route. Je patiente…pendant 4 heures!
- 6 heures-
Le jour pointe au nord-est.

Je suis un peu engourdi par l'inactivité et la nuit très calme. Je vérifie ma position: 10 milles parcourus en dérive sur ma route. La moyenne ne va pas être fameuse. Et je suis peut-être parti pour une deuxième nuit en mer à ce rythme là.
C'est l'heure du petit déjeuner. Du chaud, du consistant, autant l'avouer un vrai repas à 6 heures du matin et un café pour conclure. Ça réveille! Et puis un clapotis sur la coque. Je mets le nez dehors; ça rentre du nord et monte en puissance avec régularité alors que le disque d'or du soleil se lève dans l'horizon. Le gennaker a été rentré dans la nuit, j'envoie le solent et la GV se gonfle. 6 nœuds de moyenne sur la première heure et sur une eau presque plate. Bonne pulse et qui grimpe encore. Par prudence je tire 2 ris d'office dans la GV, établis l'étai largable et souque les 2 bastaques de sécurité (le gréement a été modifié et le bateau est d'habitude sous pataras seul). L'eau des ballasts est revenue à bâbord, j'ai posté les toiles anti-roulis et matossé au vent tout ce qui peut l'être. Un premier run à 8,66 nœuds. La mer commence à se creuser et le vent augmente toujours, j'ai bien l'impression que c'est une brafougne qui s'annonce et qui n'était pas prévue sur mes petits papiers. Je m'occupe maintenant du bonhomme: le ciré, le gilet, le harnais capelé sur la ligne de vie. Casquette, lunette et crème solaire à portée de main dans un équipet de cockpit, barres de céréales, eau et GPS dans un autre. Tzigane et moi sommes prêts pour la course.


- 7 heures 30-
Mon pointage me donne autant de milles parcourus en 1 heure et demie que pendant les 4 heures précédentes. A ce rythme je peux espérer une arrivée pour ce soir et je m'en réjouis. Il fait un temps magnifique, je suis bien reposé et le bateau caracole sur le dos des vagues à pleine vitesse dans le grondement des déferlantes. Si le vent se maintient…
- 9 heures-
Il se maintient mais il a viré Nord m'obligeant à tirer des bords car le vent arrière dans cette mer ce n'est pas la peine d'y compter. Elle est devenue forte et il y a bien maintenant 6 à 8 mètres entre le pied et la crête. On est loin des 19 nœuds maxi annoncés et sans doute plus près de la vérité avec 10 nœuds de +. La descente promet d'être sportive. Je tente une photo avec un appareil jetable, on verra bien ce que ça donnera. 2 ris et solent, Tzigane est quasiment constamment au-dessus de 8 nœuds mais je dois tirer des bords et la route s'allonge. Pour faire tenir le solent et surtout garder de la vitesse qui est facteur d'équilibre je dois lofer. Le point de 9 heures 30 me place beaucoup trop dans l'est. L'empannage est indispensable. Dans cette mer démontée il ne va pas falloir se tromper dans la manœuvre et la première contrainte c'est de dé ballaster pour envoyer tout sur l'autre bord.
Il n'y a pas de pompe à bord et je ne peux compter que sur la gravité.Je roule le solent (merci l'enrouleur, je ne me verrais pas aller affaler à l'avant en confiant la barre au pilote) et ouvre la vanne. Tout se passe bien, la gite n'a pas augmenté, la vitesse a un peu chuté mais je reste bien propulsif dans le creux des vagues. Je vais pouvoir y aller. Les bastaques et le rond de chute modéré de la GV me permettent d'empanner sans difficulté dès le premier ris. Je bénis la simplification et la tenue du gréement que j'ai souhaitées. Rien à reprendre d'un bord sur l'autre et une tenue irréprochable malgré les à-coups provoqués par la houle. Je ferme la vanne de transfert et j'attends la crête de vague favorable pour envoyer. Impeccable. Je suis tribord à présent et tout va bien à bord. Je rematosse tout ce que j'ai et ne renvoie pas le solent, il me fait gagner 10% de vitesse mais perdre 20° de cap. Je reste sous deux ris seuls. Je reprends la barre pour allumer un peu. Si je veux arriver avant la nuit il ne faut pas s'endormir, il reste encore 70 milles vers le but.

- 11 heures-
Eprouvant sur un bateau de 7 mètres mais aussi exaltant. Tant de milles à parcourir au surf. Le bateau décolle sur sa vague d'étrave qui jaillit de chaque côté à hauteur des haubans. La quille vibre à partir de 9 nœuds puis bizarrement vers 11 nœuds le bruit disparaît. Tous mes records de vitesse précédents sont battus. Un maxi à 14,51. J'ai vraiment le sentiment de ne plus faire de la voile mais du surf en dévalant les vagues de ¾ arrière. Toujours plus de vitesse pour plus de sécurité. Le plus mauvais moment c'est le coup de contre-gîte quand je n'ai pas anticipé et que je me retrouve dans un creux avec la GV masquée par la vague qui me rattrape. Sans propulsion on est désarmé face aux vagues qui sont de loin les causes des incidents les plus dangereux. Le vent on peut gérer, les vagues il faut faire avec et là le barreur et le bateau font la différence. De ce côté – ci rien à dire sinon féliciter l'architecte. Cette carène passe merveilleusement bien dans cette mer pourtant grosse. J'avais vécu un force 6 sur un précédent bateau qui m'avait laissé des mauvais souvenirs de roulis inconfortable. Ici rien de pareil. Le bateau est merveilleusement stable et équilibré. Avec une barre de chaque côté (modification que j'ai effectuée), la tenue est toujours facile et l'on file droit avec une fermeté rassurante qui évite les coups de lof ou d'abattée brutaux (mauvais souvenir de Class 8), si on la lâche pendant quelques secondes pour saisir une bouteille d'eau dans un équipet.

- 16 heures-
Les déferlantes qui m'entourent m'obligent à rester très concentré malgré la vitesse euphorisante. Le vent semble avoir un peu molli mais les vagues elles sont énormes. Une viendra d'ailleurs mourir dans le cockpit mais sans provoquer de dégâts, l'arrière complètement ouvert fait que ça ressort aussi vite que c'est rentré. Peut-être la remontée des fonds sur les îles provoque -t- elle ce phénomène? (On passe de 2000 à 200 mètres sur 10 milles). J'ai mis une tactique au point pour surfer en sécurité. Je prends la vague de ¾ arrière comme je l'ai déjà dit et adapte ensuite en fonction de la force de la déferlante. Si je sens que ça passe, je reste sur le même cap de crête en crête. Si je sens que c'est trop gros et qu'elle risque de renverser le bateau je la laisse pousser l'étrave dans le sens de la pente et là je pars tout schuss pour que la vitesse permette de conserver une bonne stabilité. Par 2 fois j'évalue mal mais dans l'ensemble c'est efficace. Je regrette d'avoir chargé la baille à mouillage et rempli mes réservoirs d'eau au pied de mât. Ça m'aide à basculer dans la pente pour amorcer le surf mais cela pourrait aussi favoriser l'enfournement et c'est à éviter absolument.
Cul par-dessus tête je vous laisse imaginer la figure de style. (Rien de tout cela n'arrivera mais je suis averti pour la prochaine fois). Un cargo m'a rejoint, je le vois dans mon tableau arrière. Bizarrement arrivé à ma hauteur il ralentit et m'accompagne ainsi pendant 1 heure en se maintenant à mon vent. Je ne sais pas si c'est pour profiter du spectacle ou par ce qu'il craint pour moi. J'aperçois des hommes à la passerelle, j'envoie un petit signe de bonjour et l'on me répond. Chaleur humaine et langage des signes compris de tous, cette rencontre est sympathique. Le spectacle de là haut doit valoir le coup d'œil, c'est sûr; ma coque de noix jaune et son aile blanche effleurant l'eau écumante qui dessine sa palette de bleus et de verts. Je retrouve les couleurs et l'ambiance d'une photo de V&V parue en couverture en juillet 2002 (Fuji film dans le "trou du Diable"). Le mot est bien choisi: c'est spectaculaire! Encore 12 nœuds sans forcer. Le bepox c'est vraiment la voile plaisir (pub gratuite!).
-17 heures 30-
Je viens de faire une expérience intéressante. Je décris et j'aimerais ensuite qu'on m'explique. Dans ma série de surfs ininterrompus, une frayeur tout à coup et un enchantement successifs. Emporté dans un run de folie, la bôme vient d'empanner puis de ré-empanner en douceur sur une crête, sans déséquilibre, ni même de variation d'assiette. Je n'ai rien changé à la barre. C'est comme si le vent vitesse avait soufflé ma voile avant que la décélération la fasse revenir sur le bon bord. Il est possible aussi que la crête de la vague derrière moi ait masqué un temps la grand-voile favorisant l'empannage sous la force du vent vitesse et qu'à la décélération le vent réel ait repris ses droits. A confirmer auprès d'un spécialiste. Quelle vitesse faut-il atteindre pour arriver à défier ainsi les lois de l'équilibre? Je n'ai pas eu la présence d'esprit de regarder le loch figé par la stupéfaction. Encore un souvenir inoubliable d'engrangé. 6 à 7 secondes peut-être d'instant magique. Quelques minutes plus tard, j'aperçois la côte du haut d'une vague: Les falaises noires de Minorque. L'arrivée se confirme. Le cargo me quitte et pique droit vers mon but.
- 18 heures 30-
Les premières calas de Minorque défilent sous mon vent. Ma traversée s'achève dans un chaos de vagues qui semblent venir de toutes les directions à la fois mais sont heureusement de taille plus modeste. Le phare Nati se découpe sur un ciel d'un bleu limpide. Le petit port de Ciutadella se dessine devant mon étrave. A 19 heures les amarres sont prises au quai par un employé qui me regarde un peu comme un extra terrestre (le look gros temps sans doute); Je rêve d'une bière fraîche après ces 31 heures de navigation.
- Jeudi 15 juillet-
Bien que l'amarrage à couple et les vagues du ferry soient incontournables le port de Ciutadella sur Minorque est très sympathique. Le club nautique a des airs de vieille marine mais l'accueil est sympathique et le prix raisonnable. La halte est agréable et la petite ville a des airs de colonie espagnole dans ses vieux quartiers. Courses, cartes postales à la famille et repos avant un peu de tourisme.

Vendredi 16 à Dimanche 18 juillet

tour des baleares - Vendredi 16 juillet-
Vive le vélo…stop! 50 kilomètres d'un bout à l'autre, j'ai loué un vélo pour visiter Minorque. Mais sous le soleil la route est longue et mon entraînement laisse à désirer. Arrêt rafraîchissement et invitation à bord de son camion par un minorquin qui a sans doute pitié de moi avec ma sueur sur les tempes. C'est parti pour Cala Fornells, un des trois points d'atterrissage sur Minorque avec Ciutadella et Mahon. On se croirait dans une ria bretonne, l'eau chaude en plus. Beaucoup de monde au mouillage mais il est vaste et il reste encore pas mal de place. D'ailleurs la saison ne semble pas complètement lancée car je remarque de nombreuses villégiatures fermées sur la route qui monte à la "Torre". La vue est superbe à 360 °.

Le vent souffle encore et les bateaux qui reprennent le large s'inclinent sous les risées. L'école de voile en contrebas disperse des papillons aux ailes blanches tandis que je redescends doucement vers le port. Je demande un peu d'eau pour ma gourde devant une petite maison de carte postale, murs blanchis et toit rouge, bougainvillée au balcon; on me donne une bouteille bien fraîche qui sort du réfrigérateur. Toujours la gentillesse de l'accueil local. Je repars sur ma bicyclette vers Mercadal. La piste cyclable longe la ria sur 3 kms avant qu'on rejoigne l'asphalte bordé de pins. La route est agréable et parfumée d'essences de thym sauvage, de foin séché et de pins. Il y a même quelques vaches abritées sous un chêne vert qui daignent tourner la tête à mon passage. (J'aurai l'occasion de goûter un peu plus tard l'excellente tomme rustique qu'on fabrique ici). Je retrouve la grande route et sa circulation dense à Mercadal. Nulle envie de ré-appuyer sur les pédales dans la fournaise. Je lève le pouce à la sortie de la ville et 10 minutes plus tard c'est un meunier qui embarque mon vélo sur ses sacs de farine tandis que je poursuis le voyage avec lui dans la cabine. Encore merci.
16 heures et de nouveau à Ciutadella, j'ai le temps de monter jusqu'au phare Nati par la piste cyclable.

Les prés bordés de murets de pierre rendent le paysage un peu austère mais la luminosité et la vue sont exceptionnelles. De curieuses constructions cylindriques faîtes de pierres empilées jalonnent l'horizon tandis que se dessine la tour du phare. Je me retrouve maintenant "de l'autre côté". Le phare Nati est là tout proche alors qu'il y a deux jours c'était la première construction que je voyais de la mer en arrivant sur Minorque.

Souvenir et de nouveau émotion. La voile est pourvoyeuse d'histoires et de sensations. Très urbanisées, les calas sur la route du retour rompent un peu la magnificence des lieux. C'est sûr qu'il faut du tourisme pour que les Minorquins parviennent à vivre sur leur bout de terre. Dommage cependant que celui-ci perde parfois son aspect artisanal pour devenir industriel. L'environnement y perd l'essentiel de son authenticité et donc de son charme.
- Samedi 17 juillet –
Après mes pérégrinations terrestres d'hier, retour aux vagues parce que le vent…m'a joué des tours aujourd'hui. Parti pour Mahon, je me retrouve après pétole, variations diverses en force et directions sur la route de Majorque au bon plein sous gennaker et à 7 nœuds. Le clapot est fort et me bouscule par le travers. L'arrivée sur le cap de Pera accentue les cahots. A longer la côte, le clapot et le ressac sur les rochers lève une mer désordonnée et inconfortable. Je m'éloigne un peu et poursuis ma descente vers Porto Cristo pour une visite obligatoire aux "Coves del Drac". Le mouillage devant la plage est très rouleur mais le port enchâssé dans la falaise bien sympathique. Un bon bain (plage de sable blanc) et solide dîner pour conclure avec une glace à 3 boules sur la promenade. De grands plaisirs et du luxe à volonté quoi!
- Dimanche 18 juillet –
Encore les courses (je ne peux pas résister aux melons jaunes à 60c d'euro) et les t-shirts souvenirs puis visite des grottes; (Rien de bien extraordinaire sinon la queue pour prendre les billets) et retour au bateau pour un départ vers Porto Petro. Force 2 toujours au largue. La nuit au mouillage a été rude et j'ai la flemme d'envoyer le spi. 4,8 nœuds pour une étape de 15 milles, ce n'est pas la peine de trop forcer. Une heure plus tard la bulle est en l'air car ça a encore molli.

Je maintiens 6 nœuds quand même et arrive à l'heure prévue au mouillage de Porto Pétro. Cadre idéal, on se croirait dans le golfe du Morbihan, bain obligatoire (eau à 25°C), une bonne douche pour se rincer et un goûter pantagruélique. La croisière prend des allures de farniente.

Lundi 19, mardi 20 juillet

tour des baleares- Lundi 19 juillet-
Départ pour Colonia san Jordi à l'extrême sud de Majorque. Les calas défilent à nouveau et le pont de Santanyi marque la descente vers le cap Salinas.



pour le bain et le déjeuner puis poursuite jusqu'à Colonia. Ce petit port a su conserver son authenticité et les barques de pêche locale sont majoritaires. Il n'y guère d'amarrage possible pour les bateaux de + de 8 mètres mais le mouillage est vaste et à proximité de la petite ville, de la plage et des palmiers.
- Mardi 20 juillet –
Je vais rester quelques jours ici. La réserve marine de Cabrera est à 10 milles et je vais louer une voiture pour visiter l'intérieur de Majorque. A 28 euros par jour ce n'est pas la peine de se priver.
Santany, Felanitx, Manacor. Agriculture, petite industrie, artisanat: l'arrière pays majorquin ressemble à l'Espagne comme 2 gouttes d'eau avec un peu plus de palmiers et d'eau sans doute car le vert est omniprésent. Majorque est verte et boisée malgré le béton qui a envahi certaines baies. Alcudia notamment où je finis par arriver. Hôtels, clubs, résidences et alignements de parasols sur une longue plage de sable blanc.
Nous sommes en zone de tourisme industriel. Rien à rajouter. Pollensa plus au nord est plus chic et plus préservée. Il y a encore des hôtels et des immeubles mais quelques belles villas au milieu des pins donnent au bord de mer des allures de côte d'azur. Le mouillage au pied de la péninsule de Formentor est vaste et la vue majestueuse. Des volutes de nuages s'enroulent autour des pics lors de la montée vers le cap. Les a-pics deviennent impressionnants et le paysage grandiose. Soleil et brumes se disputent le ciel dans une atmosphère où se conjuguent les effluves terrestres et marines.
Photo obligatoire et rafraîchissement bienvenu dans une chaleur de mi-journée qui devient étouffante.
C'est le moment de faire demi-tour et de gagner la côte Nord Ouest avec l'espoir que la montée de Sierra en Sierra soit apaisante. Elle le devient avec l'altitude et la brise marine qui s'est levée. Au détour des nombreux lacets de la route, le Tomir, puis le Massanella et enfin le culminant Moajor se dressent face à la mer avec pour chacun une petite couronne de nuages. Le lac bleu étend ses eaux rafraîchissantes.

Il est temps d'obliquer vers Sa Calobra et la saignée creusée par le torrent Paréis dans la roche dans sa descente vers la Méditerranée. Je m'engage sur la route étroite et découvre avec stupeur un véritable convoi de cars en route pour la même destination. 28 visibles d'où je suis et une quasi-impossibilité de se croiser. Je vous laisse imaginer le bouchon qui s'est formé avec les voitures particulières et un camion qui tente de remonter. C'est demi-tour d'office. A voir plus tard du large peut-être où ça risque d'être moins encombré. Je fuis vers Porto Soller pour un déjeuner un peu tardif.

La baie quasi circulaire est ceinturée de montagnes et bien protégé du large. Les bateaux au mouillage sont immobiles et semblent cuire au soleil. Le petit train s'ébranle au moment où j'arrive avec une nuée d'enfants piaillant derrière les portières.

Folklore local et vue d'ensemble à la terrasse du restaurant du cap Gros. Le retour vers la voiture tient lieu de descente dans un four.
Un peu de clim pour poursuivre sur Andraixt à l'heure de la sieste. Assis en terrasse, j'attends vainement un café qui ne viendra jamais. Malgré la présence de 5 personnes qui comme moi patientent, le patron ferme devant nous. Réouverture 17h30. La sieste ici est sans doute sacrée! Départ pour Palma donc où j'espère trouver une carte nautique me permettant de poursuivre sur Ibiza.
La capitale. Elle vous accueille d'abord avec sa cathédrale édifiée sur une colline parallèle à la mer et qu'on doit apercevoir de partout vu sa masse imposante.

Au port les mâts et les cheminées des bateaux ne parviennent pas à la masquer.

Ma carte en poche, je file dans sa direction. Un bassin s'ouvre à son pied, des fontaines bordent les allées ombragées qui y mènent.

A l'intérieur, sa fraîcheur bienvenue vous enveloppe. La hauteur de la voûte est impressionnante, on se sent petit sous la lumière difractée qui pénètre par le vitrail principal. Faisons silence. Dehors le bruit du pas des chevaux qui tirent les carrioles de promenade s'est assourdi. Des cierges brillent dans les chapelles. Certains prient, d'autres (peu nombreux) se taisent et savourent la quiétude du lieu dans le silence, tout comme moi.
15 heures. C'est l'heure creuse du temps majorquin.

Je ressors pour goûter au charme des ruelles étroites et pavées, bordées de maisons aux façades et balcons de pierre sculptée. Mes pas me mènent ici ou là vers des hôtels particuliers dont les cours s'ouvrent sur des jardins et des fontaines. Ici le palais épiscopal, puis celui du gouverneur, les bains arabes un peu plus loin et la plazza santa Eulalia quasi déserte qu'anime un peu la terrasse d'un café. La brise venue du sud commence à rafraîchir les têtes à l'ombre des palmiers des jardins.

Il faut reprendre la route, retrouver à cette heure, les terrasses vides des restaurants des boulevards et rejoindre la rocade qui ramène vers Colonia et la pointe sud. La traversée de Campos permet de remarquer ses nombreux moulins aux ailes de métal peint en blanc-vert, blanc-rouge ou blanc-bleu.

Mercredi 21 à Dimanche 25 juillet

tour des baleares- Mercredi 21 juillet –
Nouvelle journée tourisme dans l'archipel de Cabrera, classé parc national en 91. Un peu moins de 10 milles au bon plein pour croiser le phare de Fora dada qui marque l'entrée.
De nombreux trous parsèment la muraille de pierre fournissant une multitude d'abris confortables pour les nombreux oiseaux qui habitent le coin.
Les îlots se succèdent jusqu'au petit port et son mouillage bien protégé que domine le château. Avec une autorisation préalable on s'amarre sur des corps-morts qui préservent les herbiers de posidonie. Tour du propriétaire; château, plageta, monuments aux français.

En 1 heure et demie la visite est bouclée. Le commentaire en espagnol m'est incompréhensible mais j'ai tout de même une pensée émue pour ces pauvres bougres de soldats napoléoniens morts et enterrés sur ce caillou au début du XIX siècle. Puisque le temps presse pour re-gagner Colonia, il faut se hâter et revenir avec de l'est qui a bien forci au grand largue. 6,8 nœuds de moyenne sous gennaker et GV 1 ris.
- Jeudi 22 juillet-
Départ comme prévu pour Ibiza et le vent d'est est bien au rendez-vous mais un peu faiblard à mon goût. 73 m² de voile et seulement 5 nœuds heureusement sur la route directe. Le point de midi me place à 10 milles du départ, je ne vais pas battre des records mais la traversée est une vraie promenade de santé. Y a qu'à manger, boire et …bronzer!
- 13 heures-
Ça se lève comme j'aime. Toujours sous spi, je viens d'engranger un petit run à 8,76. le pilote rattrape sans difficultés, je n'ai qu'à profiter de la glisse. A ce rythme j'arrive pile en pleine nuit et sans carte de détails, bonjour le stress! Mouillage guère envisageable et port d'Ibiza obligatoire (prix et place ? Aie!)

- 17 heures –
50 milles d'avalés sous spi, les doigts de pied en éventail. Ce n'est pas de la croisière sportive mais c'est bien agréable quand même. Maintenant ça faiblit à nouveau et le timing sera donc respecté.

-Vendredi 23 juillet-
-3 heures-
J'ai bien changé de jour et le vent nul à partir de 23 heures m'a permis de bien me reposer et de manger. Je suis maintenant à 20 milles du but à vitesse 0 d'après le GPS. Il n'y a plus qu'à patienter en attendant le jour.
-6 heures-
Des bruits d'eau autour de la coque m'ont sorti du carré et de ma torpeur. Ils sont là: une dizaine de dauphins qui s'amusent autour de ma caisse jaune. Le jour est encore trop faible pour tenter une photo alors je me contente de regarder. C'est sans doute classique mais toujours magique de voir ces poissons-mammifères cabrioler autour de soi. Un dos, un aileron, un reflet et un roulé sur le côté qui montre un ventre qui semble plus clair. Des sauts mais pas de cris. Un ballet muet pour ouvrir l'aube d'un nouveau jour en quelque sorte. 5 bonnes minutes d'émotions pour un merveilleux souvenir.
- 7 heures-
La guerre des nerfs a commencé. J'abhorre le vent variable ! 12 milles et ce sera la côte mais à cette vitesse… Le vent ne sait pas ce qu'il veut en force ni en direction. Une risée, 300 mètres à 3 nœuds puis plus rien. Ça redémarre sur tribord au près, j'envoie le gennak, 10 minutes à 4 nœuds. Ça vire au largue babord, 3 nœuds puis 2 puis plus rien. Frustrant et fatigant. Si près du but je croyais arriver pour le café et je me demande si ça ne sera pas plutôt pour le déjeuner. Aucune prévision n'est réellement possible.
- 10 heures-
Ma prière à Eole a été entendue. Après le mot "possible", un clapotis sur la coque m'a fait lâcher le stylo. Il est revenu finalement. 3,5 puis 4 nœuds au largue sous gennaker, ce n'est pas très brillant mais je coupe la ligne imaginaire entre la citadelle et le phare de l'îlot Botafoc à la voile.
Je suis à Ibiza. Le mouillage sur ma droite est vaste, peu encombré et bien protégé. L'ancre va rejoindre le fond. Breakfast et sommeil réparateur sont nécessaires.
- 13 heures 30-
La brûlure du soleil sur ma peau me tire de mon sommeil. Le cockpit est devenu un four, la brume de chaleur noie les contours de la baie et la ville me semble bien loin. Un petit thermique s'est quand même levé et me donne envie de repartir, juste pour me rafraîchir. Nouvelle sortie au près puis j'abats pour contourner la pointe Rama. Je ne regrette pas mon choix, il fait très bon sur l'eau, cap sur Formentera par la grande passe. La mer est plate mais les nombreux ferry qui font la navette soulèvent des vagues désagréables. Après 2 heures de nav, la plage que je découvre et les rotations incessantes des navires ne me poussent pas à l'arrêt. Empannage et le spi s'envole pour un retour vers la côte sud d'Ibiza. Les îles que j'aperçois dans la brume exercent sur moi un fort pouvoir d'attraction.
- 17 heures-
Vive le pilote! Il se débrouille très bien tout seul et me permet de profiter pleinement du spectacle éblouissant de la côte. Sans doute très accore dans le secteur, les montagnes tombent dans la mer avec majesté. Les couleurs des roches sont changeantes et explorent la palette des ocres et des rouges. Le plus bel endroit pour moi, le passage entre Védra et la côte.

Un bleu de carte postale, un bateau sous spi et moi confortablement assis sur le bridge-deck engloutissant des quartiers de melon avec gloutonnerie. Le rêve de croisière en quelque sorte. La montagne à la mer, plus de moteurs pour gâcher le plaisir et le Puig de Llentrisca (sommet de l'île, 420 mètres) qui domine tout le monde avec un bonnet de nuages. Extra! La Torre des Savinar rappelle le passé glorieux d'une île qui fut autrefois bien plus qu'une boîte de nuit à ciel ouvert pour la Jet Set. (Aujourd'hui la mode semble un peu passée). Vu de la mer en tout cas ce bout de terre garde encore de beaux atours. Conillera apparaît maintenant au loin, il va falloir penser à s'arrêter pour de bon car la fatigue de la nuit en mer recommence à se faire sentir. Ce sera le mouillage à San Antoni de Portmany.

- 22 heures-
Maintenant c'est la musique qui me réveille (en est-ce vraiment?). Au fond de la baie j'avais choisi un mouillage aussi près que possible de la côte pour pouvoir la gagner à la nage (je n'ai pas d'annexe), mais je n'avais pas mesuré la proximité des boîtes de nuit. Le vacarme me touche de plein fouet. Un peu de coton dans les oreilles est nécessaire. Bonsoir à toutes et tous!
- Samedi 24 juillet- 7 heures –
Une bonne nuit malgré tout et le solide petit déjeuner me donnent des forces pour la journée de visite que je prévois. Je prépare mon paquetage et jette mon sac étanche à l'eau. Le bain me fait du bien et me réveille complètement. Je pose finalement le pied sur le sable ferme avec mon sac en bandoulière. Les rares baigneurs sont un peu étonnés de trouver ce Robinson sur leur plage qui après un bon séchage reprend des habits de civilisé avant de s'éloigner vers le centre ville. Désert à cette heure matinale et je le comprends aisément au regard de la soirée passée. Une succession de boîtes de nuit et de boîtes à strip tease pour des noctambules qui doivent dormir à cette heure. Les rues sont sales, de détritus et vomissures diverses. Un peu écœurant pour un premier contact avec l'île d'Ibiza. Je rebrousse chemin pour trouver l'arrêt de bus qui me conduira à Eivissa.
- 13 heures-
Une terrasse agréable dans l'ombre de la vieille ville. Eivissa/Ibiza garde un aspect bien sympathique en ce début d'après midi. Très peu de monde sur cette placette un peu à l'écart des grandes migrations de touristes. Le contraste avec les grands immeubles de la ville moderne est saisissant. Ici, l'atmosphère du village est encore perceptible. La brise marine rafraîchit les ruelles de pavés.

Après un bon "bocadillos" et un café corsé, je commence l'ascension de la "Dalt Vila". Toujours personne au détour des placettes, des jardins suspendus et des maisons blanches. Le zénith du soleil doit freiner les ardeurs des marcheurs. En bas, je constate que les terrasses des cafés sont toujours vides et que beaucoup de serveurs attendent désœuvrés les rares clients. A croire que la saison n'a pas débuté ou qu'elle est particulièrement mauvaise. Pour moi, c'est une aubaine et je goûte au charme de l'Eivissa d'origine avec délectation. La montée vers le château offre un beau point de vue sur le port. Des yachts luxueux déploient leurs voiles vers le large. Les ferry remplissent leurs cales tandis qu'ici et là des petites barques traditionnelles dessinent des sillages erratiques. Au pied de la falaise un voilier au gréement de jonque a pris un mouillage temporaire et téméraire!
Il se balance mollement dans le petit clapot, Madame lit à l'ombre d'un parasol, Monsieur bricole au niveau de la baille à mouillage. Climat serein et paisible. Des escaliers à gravir encore, puis un passage souterrain avant de déboucher au sommet d'Es Soto. Un panorama à 360 ° que les pins, les bougainvillées ou les jasmins égaient. La ville neuve, (bien pratique tout de même pour se ravitailler en eau et carburant), semble un peu noyée dans son smog mais la vue vers le Sud et Formentera est magnifique. Par contre, la brise est ici insuffisante pour rafraîchir la nuque. Une descente vers les terrasses entrevues tout à l'heure s'impose. La sangria est bienvenue et favorise l'inspiration pour l'écriture des cartes postales à la famille. Quelques travestis archétypiques traversent la place; nous sommes à Ibiza. Je reste là 2 heures et ce n'est qu'en me levant que je prends conscience de la gîte terrestre engendrée par cette merveilleuse boisson avalée "à mon insu de mon plein gré". Heureusement, c'est le car qui me ramène à San Antonio où les vapeurs de mes excès (favorisés par la chaleur) se sont enfin dissipées. Tzigane m'attend sagement dans la baie. Les courses indispensables sont expédiées promptement avant que je regagne le bord à la nuit tombante. La journée a été longue, paisible et heureuse.
Après une bonne douche dans le cockpit rendue indispensable par la poussière collée à la peau par la sueur, la nuit terminera le travail en clarifiant l'esprit.

Dimanche 25 à Mercredi 28 juillet

tour des baleares - Dimanche 25 juillet –
Je souhaite revenir vers l'Espagne en passant par les Columbretes que des articles parus sur Héo m'ont rendue attractive. Les témoignages recueillis suggèrent une arrivée en début de matinée car les parages sont un peu délicats à cause de roches en surface. Il y a d'où je suis + de 70 milles en route directe. Je vais donc m'avancer un peu aujourd'hui en sortant de la baie et me poster bien en face pour démarrer le plus tôt possible demain matin. J'ai peu d'énergie en magasin de toute façon et à 11 heures, une petite sieste me semble très appropriée vu la chaleur et le ciel de craie au-dessus de ma tête.
- 21 heures-
Je suis en route vers les Columbretes! Ma petite sieste a duré … jusqu'à 18 heures et c'est avec une forme éclatante que j'ai émergé de ma couchette. Une faim de loup, un bain suivi d'une douche revigorante m'ont définitivement placé sur la ligne de départ.
La météo de 20 heures se présentant comme idéale, c'est sans aucune hésitation que j'ai levé l'ancre pour reprendre mon voyage. Pour le moment j'ai 12 nœuds de Sud-est et 7,5 nœuds sur le fond avec GV et gennak.
- Lundi 26 juillet - 02 heures –
Je suis passé sous solent à 23 heures car le vent a continué à forcir avant de se stabiliser à un force 3 un peu rafaleux pas toujours facile à négocier avec le gennak en pleine nuit. J'ai vu passer un orage à mon vent. Bien content de ne pas avoir été dessous! Sous pilote à 7 nœuds je file sans stress et sans fatigue. La lune presque pleine éclaire derrière moi un sillage luminescent. Contrairement aux autres traversées, la mer est très "habitée" par ici. La veille permanente est indispensable et j'ai déjà croisé une dizaine de bateaux dont 2 en route de collision. Malgré ma priorité je me suis détourné à chaque fois; le vent me le permet et je n'ai pas spécialement envie de revendiquer mes droits à un pêcheur espagnol ou à un cargo en route vers Valence. Je n'ai aucune envie de dormir et ça tombe bien vu les circonstances. Mon timing se présente idéalement pour les Columbretes. Une barre de céréales et la contemplation des étoiles suffisent à mon bonheur.
- 05 heures-
Un phare pile devant moi. Encore loin bien sûr mais ce sont bien les Columbretes qui s'annoncent. Je viens de parcourir 57 milles en 8 heures sans effort, "en terrasse de cockpit" en quelque sorte. Dans un peu plus d'1 heure il fera jour et je pointerai mon étrave vers le mouillage de l'Illa Grande. Bonne et rapide traversée au Grand-largue comme en rêvent beaucoup de plaisanciers. Je pense avoir eu de la chance cette année au niveau météo. Pour le moment je n'ai tiré aucun bord contre le vent et accompli en tout et pour tout une cinquantaine de milles environ sous gennaker au bon plein. Sur 450 milles environ, je n'ai pas à me plaindre!
- 6 heures –
Une petite frayeur dans la fin de nuit heureusement sans conséquence. Encore un bateau en route de collision. Je me détourne. 10 minutes plus tard le relèvement n'a pas changé. Je me recale sur ma route, même scénario. Il me cherche ? Pourquoi ? VHF et anglais approximatif pour mon identité et mon cap. Silence. Je répète. Réponse (sans doute?) en catalan incompréhensif pour mes oreilles. Il se rapproche encore. Je distingue maintenant très bien ses superstructures, un petit cargo vraisemblablement.

Je garde le cap, sort la lampe torche et flashe sur la proue pour voir le nom. Difficile dans la houle qui me prend de ¾ arrière. Il s'est légèrement détourné et glisse sur babord. Arrivé derrière moi il pivote et prend exactement mon cap. Je l'ai maintenant en plein dans le dos me demandant bien ce qu'il peut me vouloir pour manœuvrer ainsi. J'ai la VHF en main sur le 16, au cas où… L'éclair aveuglant d'un puissant projecteur me percute de plein fouet. C'est quand même moins douloureux qu'une étrave d'acier. Il m'inspecte à distance. Bonhomme dans le cockpit, voiles, identité et drapeau à la poupe. Le projecteur s'éteint. Nouvelle rotation et il reprend sa route en me tournant le dos. Bateau mystère. Curiosité, vérification de la Guardia Nacional ? Je n'en saurai jamais plus. Mais bon, je préfère qu'il s'éloigne, je n'aime pas beaucoup voir ces coques monstrueuses à proximité de ma coque de noix.
- 8 heures-
Columbretes me voilà. Enfin, me voilà peut-être… A 8 milles du but le vent a basculé d'un coup au nord –Est et je me retrouve à tirer des bords de près (les premiers) dans un bon 5 qui creuse la mer en un rien de temps.

2 ris dans la GV et solent, ça fume et ça commence à gêner dans un clapot de casse-bateau. VHF aux gardiens de l'île; le mouillage est impossible, ça déferle dur dans la baie. L'archipel défile à mon vent. Combien de bords à tirer pour frôler la terre sans pouvoir s'arrêter? Je vois un voilier sortir sous GV arisée et moteur. Columbretes bonjour et au revoir! Ce sera pour une autre fois. Je ne vais pas prendre de risque maintenant après tout de même 12 heures de nav'. Une photo tout de même pour le souvenir et j'abats un peu. Au bon plein vers l'Espagne! Ce sera Bénicarlo à 17 heures. Le vent a tourné de nouveau au sud Est à la hauteur de Castellon de La Plana. Y aurait –il un esprit malicieux sur les Columbretes qui prendrait un malin plaisir à en rendre l'accès difficile? Je crois ne pas être le seul à avoir rencontré ces conditions de vent difficiles et pourtant éphémères.
- Mardi 27 juillet-
Départ de Bénicarlo à 9 heures car le port n'a d'intérêt que pour recharger la cambuse et les batteries. Encore du près qui se présente pour le moment. Du sud – Ouest est annoncé à mi-journée, il me faut donc tirer des bords jusqu'à la pointe Bana et après ça devrait aller.
- 13 heures-
Ça adonne franchement comme prévu mais mollit simultanément dans des proportions handicapantes. La traversée du golfe de San Jorge ne risque pas d'être plus rapide que la nuit de dimanche à lundi.
- 19 heures-
Seulement 35 milles parcourus vers le but (Barcelone) depuis mon départ. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas du tout. Après la meilleure, la plus mauvaise moyenne. Prendre son mal en patience et rester zen. Rien d'autre à faire. Si, manger et boire. Ça réconforte. Un paquebot a croisé ma route et j'ai eu droit à un mitraillage photographique. Je leur ai rendu la pareille.
- 22 heures –
Le vent est nul de chez nul et je me suis décidé à mettre en route le moteur très peu sollicité jusqu'à présent et pour cause, le bruit de mobylette du HB 2 temps n'est pas des plus gracieux. Je file à 4 nœuds tout de même et j'ai quand même le plaisir de voir un peu de route faite à chaque relèvement. A 20 heures M.P. Planchon de France Inter m'a promis du 2/4 de sud pour la nuit et j'aimerais bien savoir à quelle heure commence la nuit parce que pour le moment c'est ceinture! Disons un décollage vers minuit et je suis à Barcelone pour le café du matin. Le rêve quoi! En attendant sieste partielle au fond du cockpit pour être en forme pour la veille de nuit.
- Mercredi 28 juillet –
Pour le café, c'était finalement celui du déjeuner. Certes le vent est un peu rentré et je n'ai fait (que!) 5 heures de moteur, mais il est midi pile lorsque je croise les bouées de chenal. Noyée dans la brume et la chaleur, Barcelone ne m'attire plus. Le coin est encombré d'embarcations diverses et dangereuses. Je décide de poursuivre. Je suis mieux en mer et ce n'est pas les 27 heures de navigation depuis hier qui me gênent. Le vent forci idéalement et dans une direction qui me permet d'envoyer à nouveau le spi. Après le moteur de la nuit c'est une délivrance et un vrai plaisir. Cap sur Blanes, pour moi premier port sympa sur cette côte après Barcelone. Le pilote se débrouille très bien; sous spi seul je suis à 6,5 nœuds en plein vent arrière. Ça me suffit. Je sors la crème solaire et un bouquin. Chapeau sur la tête et eau à portée de main dans un équipet, je continue. Le cockpit sera ma plage de bain de soleil jusqu'à 17 heures et mon arrivée à Blanes après 154 milles parcourus et 32 heures de navigation.

Jeudi 29 à la fin du voyage

tour des baleares- Jeudi 29 juillet-
Le marché de Blanes vaut le détour pour le rapport qualité/prix des produits qu'on y trouve et l'ambiance colorée et bruyante de l'Espagne laborieuse.
Je me promets d'y revenir plus tard pour profiter plus longtemps de ses attraits ainsi que de la côte qui défile à nouveau sous mon vent. J'ai commencé ma route dans du vent debout et clapot court peu confortable mais depuis Cabo Tossa le vent adonne légèrement et je peux envoyer le gennak au bon plein tribord. La brise évanescente me pousse tout de même jusqu'à 5 milles de Palamos que je gagne finalement à nouveau au moteur. Ça sent le retour et ces vents variables prolongent inutilement un voyage dont je sens que les moments les plus forts sont derrière moi. Je longe maintenant une côte que je connais et où les surprises sont absentes.
- Vendredi 30 juillet-

Départ à 9h de Palamos pour un dernier parcours d'une centaine de milles vers Narbonne. La météo est d'accord pour abréger le temps de parcours et j'en profite. Sous gennaker, je profite d'un petit thermique de terre pour parer les Hormigas que je n'avais jamais vues de si près (avec du vent de sud ça creuse vite dans ce coin.


- 10h30 –
Je viens de boucler la boucle. Sur la carte mon point me place sur une route perpendiculaire à celle que j'ai prise le 13 juillet dernier pour gagner Minorque. Je suis au bout de mon projet de croisière estivale. Le tour des Baléares est effectué. Le pain de sucre des îles Mèdes confirme en visuel. 19 jours plus tôt j'entamais ma descente en le voyant disparaître peu à peu dans la brume de chaleur. 80 milles restent à parcourir pour le retour à l'écurie mais avec le sud ouest annoncé, je ne vais pas tarder à remettre ma bulle jaune à l'avant. 700 milles de + au compteur et beaucoup d'images dans la tête ainsi qu'une connaissance beaucoup plus intime de Tzigane et de moi-même: les avantages de la navigation solo. Après ce repérage, il faudra revenir aux Baléares pour explorer un peu plus certains endroits à peine entrevus et d'autres encore inconnus. Le bilan est de toute façon très positif, meilleur en tout cas que ce que les témoignages des "terriens allés aux Baléares" m'avaient laissé penser. Par mer, on ne voit et on ne vit certainement pas les mêmes choses.

BILAN

Finances: essence (40) + port (35+20+24+20) + location voiture (50) + fournitures bateau (50) + nourriture/extra's (250) = 489 € pour 3 semaines de navigation en solo.
Navigation: 704 milles parcourus au loch dont:
50 milles au près, 100 milles au bon plein, 400 milles au largue, 100 milles au vent arrière et 50 milles au moteur.
Performances enregistrées au GPS: peuvent être considérées comme des maximas. Les vents faibles ou variables n'ont pas été enregistrés. Moyenne sur 2 heures de navigation

Allure Toile Moyenne Maxi (Loch)
V.A 2 ris 6 9,12
V.A Spi seul 5,3 8,33
Largue 1 ris solent 7 8,56
Largue 1 ris solent 8 10,16
Largue 2 ris solent 7,5 13,53
Largue 2 ris solent 6,3 14,54
Bon pl GV gennak 6,5 8,26
Bon pl GV solent 7 9,01
Bon pl 1ris gennak 7,2 8,31
Bon pl 1ris solent 6,6 7,11
Près GV solent 5,2 6,55
Près 2 ris solent 5,3 6,74



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